dimanche 5 février 2012

Les droits fonciers des communautés africaines en danger

Le palmier à huile est cultivé dans toutes les zones tropicales, d'Afrique et d'Asie et son implantation connaît une forte croissance en raison de sa rentabilité.
Le palmier à huile est cultivé dans toutes les zones tropicales, d'Afrique et d'Asie et son implantation connaît une forte croissance en raison de sa rentabilité.
Myrthe Verweij - Milieudefensie

Par Jean-Pierre Boris
A l’occasion d’un colloque organisé, ce mercredi 1er février à Londres, par Rights and Ressources Inititative (RRI), -une coalition internationale d’ONG-, une étude révèle que la faiblesse des systèmes fonciers met en danger les communautés rurales africaines et les expose à l’appétit des grandes multinationales agricoles.


Menaces sur les droits fonciers des communautés rurales africaines








« Nous sommes à un tournant », estiment les auteurs de cette étude.Alors que les maîtres du monde changent, que les pays du Nord cèdent la place aux pays émergents dans le leadership économique international et que les besoins alimentaires de ces nouvelles puissances connaissent une croissance exponentielle, les terres des communautés rurales africaines sont une proie de choix pour ces nouveaux investisseurs.

Ces communautés contrôlent traditionnellement un milliard quatre cent millions d’hectares. Ce sont des forêts ou des terres arables. Mais les systèmes juridiques en place dans la plupart des pays africains ne leur reconnaissent que très marginalement des droits de propriété. Partout, c’est l’Etat qui s’est emparé de ces terres ou de ces forêts.

Et partout, c’est l’Etat qui distribue des droits d’exploitation à de grandes sociétés étrangères. Selon l’un des dirigeants de Rights and Resources Initiative, Jeffrey Hatcher, « dans les 35 pays africains étudiés, l’essentiel des terres agricoles a été confisqué par les Etats. Ce phénomène affecte 428 millions de paysans pauvres de l’Afrique sub-saharienne ».

Un tiers des terres du Liberia

De nombreux exemples sont donnés par les chercheurs de RRI. En République démocratique du Congo (RDC), 33,5 millions d’hectares de forêts sont attribués à des concessionnaires privés pour exploiter le bois, les diamants ou les ressources minières.

Et aucune de ces concessions n’est contrôlée par les communautés établies sur place depuis toujours. Autre cas cité en exemple de la dérive en cours, celui du Liberia. «Fin 2011, dénoncent les chercheurs, six ans après la fin de la guerre civile, la plupart des terres faisaient à nouveau l’objet de concessions à des exploitants privés».

Dans une tribune publiée par le New York Times, deux responsables d’ONG libériennes soulignent qu’entre 2006 et 2011 «le président Johnson Sirleaf a distribué plus du tiers des terres à des investisseurs privés pour l’exploitation forestière, agricole ou minière».

Des terres ont en particulier été attribuées à la compagnie malaisienne Sime Darby pour des plantations de palmiers à huile. Même le plus jeune Etat africain, le Soudan du Sud, est affecté par cette vague d’accaparement de terres.

Une source d’instabilité

Le travail des experts de RRI ne se limite pas à un simple catalogue et à une simple dénonciation. Ils estiment que l’évolution en cours sur le continent africain, mais qui est aussi à l’œuvre en Asie en particulier, est lourde de menaces pour la stabilité politique de ces pays, de ces régions.

Au Liberia, par exemple, les communautés concernées ont commencé à se dresser contre les activités de la multinationale malaisienne Sime Darby.

Pourtant, ajoutent les auteurs de ces rapports et de ces études, les communautés rurales concernées ne sont pas hostiles au développement économique et à l’arrivée de nouveaux investisseurs. Mais leur hostilité provient de leur mise à l’écart totale des processus de décision et des conséquences qui en découlent, c'est-à-dire la perte des ressources qui leur permettaient jusqu’alors de survivre.

Tout n’est pas totalement négatif, cependant. Sur les 35 pays africains étudiés, 9 d’entre eux respectent un minimum les droits des communautés rurales. Confirmer et amplifier cette situation en impliquant les investisseurs permettrait, estiment les responsables de RRI, d’assurer la sécurité alimentaire de ces populations.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire