Mwenze Kongolo, ex-ministre de la justice
©RFI/Delphine MichaudEn RDC, qui a donné l'ordre de tuer Laurent Désiré Kabila, le 16 janvier 2001 à Kinshasa ? Onze ans après l'assassinat du président congolais, l'un de ses plus proches compagnons commence à parler et demande la réouverture du procès de 2003.
En 2001, Mwenzé Kongolo était le ministre de la Justice. Il était l'invité Afrique ce jeudi 26 janvier 2012.
RFI : Mwenze Kongolo pourquoi demandez-vous la réouverture du procès des assassins de Laurent Désiré Kabila ?
Mwenze Kongolo : En fait, je crois que ce qui avait été fait avant a été fait d’une manière cavalière. Je crois que le procès a négligé certains aspects.
RFI : Donc le procès de 2003 a été cavalier ?
M.K. : Oui, je l’ai trouvé un peu cavalier, et puis cela donne l’impression que c’étaient des histoires de vengeance. Et si on peut soumettre le cas à d’autres juges, ce serait peut-être mieux.
RFI : A l’issue de ce procès, la cour d’ordre militaire de Kinshasa a condamné à mort trente Congolais. Aucun n’a été exécuté, mais beaucoup restent en prison. Est-ce qu’ils sont coupables ou pas à votre avis ?
M.K. : Je ne sais pas. Parce que je ne connais pas tous les trente, mais il y a sûrement des innocents parmi eux. Il y a des gens qu’on a vite jugés, parce que, par exemple, il y a des responsables de la mort qui sont en Europe, il y en a au Rwanda. Dans ces trente, il y a aussi des innocents.
RFI : Alors parmi ceux qui sont en Europe, il y a en effet un complice présumé du garde du corps Rachidi, le tueur, il s’agit d’un autre garde du corps, Georges Mirindi qui vit en Suède. Pourquoi a-t-il voulu tuer Laurent-Désiré Kabila à votre avis ?
M.K. : Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que c’était un complot de plusieurs pays. Ils n’ont été que des gens qui ont été utilisés.
RFI : Des gardes du corps qui ne voulaient pas seulement venger l’exécution du commandant Masasu deux mois plus tôt...
M.K. : Il y a cet aspect aussi, parce qu’ils commençaient à rouspéter sur la condamnation à mort de Masasu, mais en même temps, ils ont été utilisés dans ce sens-là. C’était plus facile de les utiliser eux, plutôt que quelqu’un d’autre.
RFI : Derrière ces deux gardes du corps, il y avait notamment un diamantaire libanais : Bilal Héritier, qui vit actuellement en Afrique du Sud.
M.K. : Tout à fait.
RFI : Pourquoi voulait-il l’assassinat de Laurent Désiré Kabila ?
M.K. : Je crois qu’à l’époque, les Libanais étaient mécontents quand le président Kabila avait décidé de fermer les comptoirs de diamants et donner le monopole à une société.
RFI : Après l’assassinat – on le sait – Rachidi est tué, tandis que Merindi et Bilal se réfugient en zone rebelle, à Goma, une ville qui était alors sous le contrôle du Rwanda. Est-ce que ça veut dire que Kigali était impliqué dans le complot ou pas ?
M.K. : C’est tout à fait clair ! Parce qu’ils ne sont pas allés à Goma directement. Ils sont d’abord allés au Rwanda. Du Rwanda, on les a confiés au RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie, ex-mouvement rebelle]. Dans ma thèse, j’ai dit qu’il y a déjà le Rwanda qui est dedans. Il y a les acteurs du RCD, qui étaient aussi dedans, parce qu’il y a eu une agitation à l’ambassade des Etats-Unis, notamment l’attaché militaire qui était ici, le colonel Sandoz, qui est parti, je crois, deux jours après la mort de Mzee. C’était curieux et le tout intrigue. Cela pousse à croire que les Américains n’étaient pas très loin.
RFI : A l’époque des faits, Mwenze Kongolo, vous êtes ministre de la Justice. Vous êtes de ceux qui, en janvier 2001, pouvaient succéder au défunt. Pourquoi à ce moment-là vous effacez-vous en faveur de Joseph Kabila ?
M.K. : En fait, c’était la réunion de la sécurité. Nous nous sommes entendus comme ça. Il fallait que lui, prenne les rennes. Alors ce n’était pas une question de Mwenze Kongolo, nous étions plusieurs.
RFI : En fait vous n’étiez pas tous d’accord, entre le ministre d'Etat Gaëtan Kakudji, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Yerodia, et vous-même, pour savoir qui allait succéder. Donc vous avez trouvé un compromis en la personne de Joseph Kabila ?
M.K. : Nous nous sommes réunis à trois, comme vous le dites. On s’est toujours réunis à plusieurs. Que ce soit les gens du renseignement, des militaires, des politiciens et le choix est tombé sur Joseph Kabila.
RFI : En fait, il y avait plusieurs successeurs possibles, parmi les ministres ou les officiers supérieurs, et comme personne ne s’imposait naturellement, on l’a choisi d’office, c’est ça ?
M.K. : Tout à fait.
RFI : Le principal accusé reste aujourd’hui l’aide de camp de Laurent Désiré Kabila, le colonel Eddy Kapend, qui est toujours en prison à Makala. Vous le connaissez bien. Est-ce qu’il est coupable ou pas à votre avis ?
M.K. : Non, à mon avis il a été plus victime. Rappelez-vous que Eddy Kapend était l’aide du camp du président de la République. Et à ce titre-là, il donnait les instructions aux généraux qui étaient dans les provinces. Et recevoir les ordres du colonel, ce n’est pas facile. Et au cours du jugement j’ai trouvé que ce sentiment de vengeance a quand même joué beaucoup contre Eddy Kapend. Je ne crois pas que c’est lui le coupable, parce que moi, j’étais avec lui pendant toute la nuit de la mort. S’il était responsable, je crois que c’était le moment de pouvoir m’arrêter ou de m’exécuter ! Mais il ne l’a pas fait. Nous avons travaillé, nous avons collaboré ensemble jusqu’à ce que le président Kabila arrive.
RFI : Parmi les prisonniers de Makala, cinq sont très malades : le général Liya, Nono Lutula, le colonel Mutindu, le capitaine Itongwa, Pascal Marigani. Que peuvent-ils espérer aujourd’hui ?
M.K : Je pense qu’ils ne méritent pas d’être là, parce que certains d’entre eux, comme Nono Lutula, Leta et Nelly ne sont là que par négligence. Est-ce qu’on peut condamner les gens à plus de vingt ans à cause d’une négligence ? Je ne sais pas.
RFI : Georges Leta, qui était adjoint à la sécurité ?
M.K. : Exactement. Il est aussi en train de croupir en prison. Alors, moi je trouve qu’il y a des gens à qui il faut accorder la clémence. Les commanditaires et les exécutants sont ailleurs. Et ça, nous le savons tous. Tous les Congolais le savent.
RFI : Et cette clémence, comment pourrait-elle s’exprimer ? Sous forme d’une amnistie, sous forme d’une grâce présidentielle ?
M.K. : Sous forme d’une grâce présidentielle, c’est important ! Je crois que cette clémence s’impose maintenant. Il faut qu’on cesse, de mettre des innocents en prison, de cette manière pendant des années et d’utiliser leurs familles.
Mwenze Kongolo : En fait, je crois que ce qui avait été fait avant a été fait d’une manière cavalière. Je crois que le procès a négligé certains aspects.
RFI : Donc le procès de 2003 a été cavalier ?
M.K. : Oui, je l’ai trouvé un peu cavalier, et puis cela donne l’impression que c’étaient des histoires de vengeance. Et si on peut soumettre le cas à d’autres juges, ce serait peut-être mieux.
RFI : A l’issue de ce procès, la cour d’ordre militaire de Kinshasa a condamné à mort trente Congolais. Aucun n’a été exécuté, mais beaucoup restent en prison. Est-ce qu’ils sont coupables ou pas à votre avis ?
M.K. : Je ne sais pas. Parce que je ne connais pas tous les trente, mais il y a sûrement des innocents parmi eux. Il y a des gens qu’on a vite jugés, parce que, par exemple, il y a des responsables de la mort qui sont en Europe, il y en a au Rwanda. Dans ces trente, il y a aussi des innocents.
RFI : Alors parmi ceux qui sont en Europe, il y a en effet un complice présumé du garde du corps Rachidi, le tueur, il s’agit d’un autre garde du corps, Georges Mirindi qui vit en Suède. Pourquoi a-t-il voulu tuer Laurent-Désiré Kabila à votre avis ?
M.K. : Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que c’était un complot de plusieurs pays. Ils n’ont été que des gens qui ont été utilisés.
RFI : Des gardes du corps qui ne voulaient pas seulement venger l’exécution du commandant Masasu deux mois plus tôt...
M.K. : Il y a cet aspect aussi, parce qu’ils commençaient à rouspéter sur la condamnation à mort de Masasu, mais en même temps, ils ont été utilisés dans ce sens-là. C’était plus facile de les utiliser eux, plutôt que quelqu’un d’autre.
RFI : Derrière ces deux gardes du corps, il y avait notamment un diamantaire libanais : Bilal Héritier, qui vit actuellement en Afrique du Sud.
M.K. : Tout à fait.
RFI : Pourquoi voulait-il l’assassinat de Laurent Désiré Kabila ?
M.K. : Je crois qu’à l’époque, les Libanais étaient mécontents quand le président Kabila avait décidé de fermer les comptoirs de diamants et donner le monopole à une société.
RFI : Après l’assassinat – on le sait – Rachidi est tué, tandis que Merindi et Bilal se réfugient en zone rebelle, à Goma, une ville qui était alors sous le contrôle du Rwanda. Est-ce que ça veut dire que Kigali était impliqué dans le complot ou pas ?
M.K. : C’est tout à fait clair ! Parce qu’ils ne sont pas allés à Goma directement. Ils sont d’abord allés au Rwanda. Du Rwanda, on les a confiés au RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie, ex-mouvement rebelle]. Dans ma thèse, j’ai dit qu’il y a déjà le Rwanda qui est dedans. Il y a les acteurs du RCD, qui étaient aussi dedans, parce qu’il y a eu une agitation à l’ambassade des Etats-Unis, notamment l’attaché militaire qui était ici, le colonel Sandoz, qui est parti, je crois, deux jours après la mort de Mzee. C’était curieux et le tout intrigue. Cela pousse à croire que les Américains n’étaient pas très loin.
RFI : A l’époque des faits, Mwenze Kongolo, vous êtes ministre de la Justice. Vous êtes de ceux qui, en janvier 2001, pouvaient succéder au défunt. Pourquoi à ce moment-là vous effacez-vous en faveur de Joseph Kabila ?
M.K. : En fait, c’était la réunion de la sécurité. Nous nous sommes entendus comme ça. Il fallait que lui, prenne les rennes. Alors ce n’était pas une question de Mwenze Kongolo, nous étions plusieurs.
RFI : En fait vous n’étiez pas tous d’accord, entre le ministre d'Etat Gaëtan Kakudji, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Yerodia, et vous-même, pour savoir qui allait succéder. Donc vous avez trouvé un compromis en la personne de Joseph Kabila ?
M.K. : Nous nous sommes réunis à trois, comme vous le dites. On s’est toujours réunis à plusieurs. Que ce soit les gens du renseignement, des militaires, des politiciens et le choix est tombé sur Joseph Kabila.
RFI : En fait, il y avait plusieurs successeurs possibles, parmi les ministres ou les officiers supérieurs, et comme personne ne s’imposait naturellement, on l’a choisi d’office, c’est ça ?
M.K. : Tout à fait.
RFI : Le principal accusé reste aujourd’hui l’aide de camp de Laurent Désiré Kabila, le colonel Eddy Kapend, qui est toujours en prison à Makala. Vous le connaissez bien. Est-ce qu’il est coupable ou pas à votre avis ?
M.K. : Non, à mon avis il a été plus victime. Rappelez-vous que Eddy Kapend était l’aide du camp du président de la République. Et à ce titre-là, il donnait les instructions aux généraux qui étaient dans les provinces. Et recevoir les ordres du colonel, ce n’est pas facile. Et au cours du jugement j’ai trouvé que ce sentiment de vengeance a quand même joué beaucoup contre Eddy Kapend. Je ne crois pas que c’est lui le coupable, parce que moi, j’étais avec lui pendant toute la nuit de la mort. S’il était responsable, je crois que c’était le moment de pouvoir m’arrêter ou de m’exécuter ! Mais il ne l’a pas fait. Nous avons travaillé, nous avons collaboré ensemble jusqu’à ce que le président Kabila arrive.
RFI : Parmi les prisonniers de Makala, cinq sont très malades : le général Liya, Nono Lutula, le colonel Mutindu, le capitaine Itongwa, Pascal Marigani. Que peuvent-ils espérer aujourd’hui ?
M.K : Je pense qu’ils ne méritent pas d’être là, parce que certains d’entre eux, comme Nono Lutula, Leta et Nelly ne sont là que par négligence. Est-ce qu’on peut condamner les gens à plus de vingt ans à cause d’une négligence ? Je ne sais pas.
RFI : Georges Leta, qui était adjoint à la sécurité ?
M.K. : Exactement. Il est aussi en train de croupir en prison. Alors, moi je trouve qu’il y a des gens à qui il faut accorder la clémence. Les commanditaires et les exécutants sont ailleurs. Et ça, nous le savons tous. Tous les Congolais le savent.
RFI : Et cette clémence, comment pourrait-elle s’exprimer ? Sous forme d’une amnistie, sous forme d’une grâce présidentielle ?
M.K. : Sous forme d’une grâce présidentielle, c’est important ! Je crois que cette clémence s’impose maintenant. Il faut qu’on cesse, de mettre des innocents en prison, de cette manière pendant des années et d’utiliser leurs familles.
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