Depuis la déclaration de l’ambassadeur américain portant reconnaissance de Joseph Kabila comme président élu de la RDC, d’aucuns, en Occident comme dans le pays, continuent de se poser des questions sur ce qui s’est passé et ce qui va se passer.
Comment tenter de comprendre et d’expliquer la duplicité des prises de position des puissances occidentales face à la crise qui sévit en République démocratique du Congo, après les élections du 28 novembre 2011? Beaucoup a été épilogué et tout a été dit.
Les déclarations ont fusé de partout. Des chancelleries occidentales installées à Kinshasa aux manifestations les plus violentes de la diaspora congolaise à Londres, Bruxelles, Paris, les lectures diffèrent.
Mais, au-delà de ces faits, c’est le virage que prend actuellement le processus démocratique en RDC qui inquiète plus d’un observateur. Des analystes avisés se demandent si l’Occident croit réellement aux valeurs démocratiques qu’il essaie d’inculquer tantôt de manière pacifique en finançant des programmes d’éducation civique, tantôt en organisant une croisade militaire comme en Libye, Cote d’Ivoire ou en Irak, Afghanistan, etc.
Une partie de la réponse à ces préoccupations semble se trouver dans les enjeux géo-stratégiques que dissimulent les différentes interventions de l’Occident, surtout en RDC, ce vaste pays au cœur de l’Afrique.
En mi-février 2012, au cours d’une conférence de presse, M. James Entwistle, l’ambassadeur des États-Unis en RDC, fait la déclaration ci-après: « La position des États-Unis est claire: nous reconnaissons Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo pour les cinq années à venir », avant d’espérer, non sans décevoir une certaine partie de l’opinion, que «les irrégularités constatées le 28 novembre 2011 seront évitées aux prochaines élections provinciales, locales et autres».
Selon ce haut diplomate, les USA encouragent la formation d’un «gouvernement inclusif» et demandent à tous les élus des partis politiques à l’Assemblée nationale de «participer à ses délibérations».
Cette prise de position de la première puissance du monde est tombée comme un couperet pour l’opposition politique congolaise et les autres partisans de l’alternance démocratique souhaitée à l’occasion de ce scrutin.
Si du coté du pouvoir, le discours de Sir James Entwistle constitue une bouffée d’oxygène face à la montée effrénée de la contestation, il traduit par contre, aux yeux de la diaspora congolaise, la forme la plus élevée de la trahison, à la limite du mépris des fondements mêmes du processus démocratique, de la part des dirigeants occidentaux qui se comportent en donneurs de leçons, vis-à-vis des peuples d’Afrique.
Par ailleurs, cette déclaration américaine advient juste au moment où l’Église catholique entendait organiser une action forte pour réclamer «la vérité des urnes», comme l’avait clairement indiqué la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
Ce qui fait dire à certains que les Usa viennent donc de créer un précédent qui pourrait compromettre tout l’élan démocratique du peuple congolais qui, à terme, risque de connaître la «désaffection électorale». Avec l’impression que c’est l’Occident qui choisit et lui impose des dirigeants politiques.
Dans cette même déclaration, la secrétaire d’État américaine disait: «Nous pensons que la gestion et l’exécution technique de ces élections laissaient à désirer, manquaient de transparence et n’étaient pas à la hauteur des progrès enregistrés dans de récentes élections africaines.
Toutefois, il n’est toujours pas clair que les irrégularités en question étaient suffisantes pour changer les résultats de l’élection». Selon elle, « un examen du processus électoral par les autorités congolaises et des experts extérieurs pourrait aider davantage à faire la lumière sur la cause des irrégularités, identifier les moyens d’avoir des résultats plus crédibles, et offrir des enseignements non seulement pour les résultats des élections actuelles mais aussi pour ceux de futures élections».
C’est à se demander si cette déclaration on ne peut plus claire avait encore besoin d’être interprétée par un philosophe politique. Tout le monde sait que ni le travail des experts, ni les insistances du Centre Carter n’ont pu infléchir la position du pouvoir organisateur des élections en RDC.
Mais, ce qui importe ici, c’est l’évolution sinueuse de la position américaine dans cette crise et le quasi-alignement d’autres puissances occidentales derrière les USA. Signe que, malgré les contradictions apparentes, l’Occident garde une vue identique sur la crise congolaise.
Car, l’Occident est lui aussi constitué d’une diversité d’intérêts stratégiques mais toutes les puissances occidentales partagent, in fine, la même vision sur ce que la RDC doit jouer comme rôle pour elles. Le reste n’est que gesticulation. Comme toujours, l’Occident reste le vrai maître du jeu et les autres, les exécutants.
Pour leur part, les USA sont généralement pragmatiques dans les situations de crise. Tandis que du coté de l’Europe, le jeu est plus ambigu.
Ses partisans sont maintes fois dispersés par la police à la moindre initiative de manifestation. A mesure que les jours avancent, ils n’en croient pas leurs yeux : le « lider maximo » est peut-être en train de perdre définitivement «le pouvoir» qu’il s’était donné avec ce que d’aucuns ont qualifié d’auto-proclamation».
Des observateurs avertis pensent même que les troupes de l’UDPS ne pourront plus tenir longtemps dans ce climat politique, surtout que la question de siéger ou non à l’Assemblée nationale continue de diviser les membres de l’opposition.
Une question s’impose : que s’était dit Tshisekedi avec ses «partenaires» occidentaux lors de sa tournée préélectorale en Europe ou Amérique? Beaucoup en viennent à se demander s’il les avait vraiment rassurés.
Au départ, l’opinion a cru que Tshisekedi voulait se démarquer des années 90 où il luttait de l’intérieur sans trop se soucier de la position des Occidentaux. A l’époque, sa religion était «le peuple». Il pensait probablement que le seul soutien populaire suffisait pour l’introniser. Mais, les événements avaient démontré le contraire.
L’on n’a pas oublié tout le cirque Mobutu-opposition avec la formation de plus de dix gouvernements en moins de quatre ans.
Cette fois, Étienne Tshisekedi, déjà assuré en quelque sorte du soutien du «peuple», décide d’aller voir ceux qui, dit-il «financent les élections dans notre pays», pour leur demander de laisser les Congolais choisir librement leurs nouveaux dirigeants.
Lors de cette tournée euro-américaine, bon nombre de ses partisans et sympathisants propagent des informations indiquant que le vieil opposant a bel et bien rencontré des personnalités politiques de haut niveau proches de l’Élysée, de la Maison Blanche ou de l’internationale socialiste basée en Suède.
En tout cas, Tshitshi avait le vent en poupe et n’hésitait pas à déclarer que l’Occident était «déçu par le pouvoir de Kinshasa». En fait, le climat politique d’avant les élections de 2011 semblait aussi suggérer une sorte de fin de règne pour le régime de Joseph Kabila.
De folles rumeurs disaient ce dernier en train de négocier sa fin. Belle illusion! Et pour cause. Des analyses géo-stratégiques montrent que pour asseoir leur emprise dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale, les États-Unis se servent actuellement du président rwandais Paul Kagame.
Comme Mobutu à l’époque de la guerre froide, Paul Kagame reste jusqu’à preuve du contraire la nouvelle coqueluche des USA dans cette partie. C’est l’une des raisons qui expliquent pourquoi la Maison Blanche n’a pas bronché un seul instant devant la victoire trop écrasante de Paul Kagame à la dernière élection présidentielle du Rwanda (plus de 93%).
En plein 21ème siècle, un tel score est inacceptable et devrait être dénoncé par les «champions de la démocratie». Mais, comme on le sait, rien n’y a été fait. Un changement de régime à Kinshasa sans une sorte de quitus de Kigali était quasi-impensable dans l’état actuel des choses, affirme-t-on.
Mais, pour certains experts, les décisions stratégiques américaines avaient besoin de s’appuyer sur certains «pions» à l’intérieur même du pays. Ainsi, le duo Roger Meece-James Entwistle aurait soutenu discrètement l’actuel président Joseph Kabila pendant cette période d’incertitudes. Et cela non sans raison.
M. Roger Meece, actuel patron de la Mission d’observation des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco), est un ancien ambassadeur des USA en RDC. Dans sa position actuelle, il représente la Communauté internationale et se présente comme l’interlocuteur attitré du Conseil de sécurité.
D’après des sources proches crédibles, Meece aurait beaucoup de penchant pour le président de la RDC, depuis l’accession de ce dernier au pouvoir. Mais, ces sources ne précisent pas ce qui probablement pourrait unir les deux personnalités.
Quelques faits et gestes du patron de la Monusco sont ainsi passés au peigne fin par des observateurs avertis. A titre d’exemple, indique-t-on, pendant que l’opposition exigeait plus de transparence du fichier électoral, Roger Meece s’était empressé, lors d’une séance de dialogue entre la CENI et les partis politiques, de féliciter le pasteur Ngoy Mulunda pour « les efforts accomplis dans les opérations d’enregistrement des électeurs».
La question de transparence du fichier électoral ne semblait guère le préoccuper. Probablement que c’est l’approche quantitative (32 millions d’électeurs) qui intéressait le patron de la Monusco.
Alors que certaines organisations mettaient en garde contre des milliers de doublons des électeurs enregistrés. Roger Meece est aussi de ceux qui ont soutenu que les Congolais étaient désormais assez murs pour organiser eux-mêmes les élections.
Bon nombre d’observateurs avisés de la politique congolaise rappellent que c’est le même patron de la Monusco dont M. Etienne Tshisekedi exigera la démission en pleine campagne électorale. Par ailleurs, signale-t-on, en tant qu’ancien ambassadeur, et donc disposant d’une expérience sur le dossier politique congolais, M. Meece aurait une grande influence sur l’actuel ambassadeur des Etats-unis à Kinshasa, M. James Entwistle.
Il serait donc devenu le nouveau « Louis Michel » des USA pour le président congolais, comme le Belge le fut en 2006. A eux seuls, ces deux diplomates auraient donc apporté un soutien décisif à Joseph Kabila tant aux Nations unies qu’auprès de l’administration Obama.
Voilà pourquoi, affirment ces analystes, après moult tergiversations, le gouvernement des États-Unis a fini par annoncer sa position définitive sur la reconnaissance de Joseph Kabila comme président de la République.
Partant de ces réalités, les analystes estiment que sur le plan sous-régional, une alternance politique en RDC aurait bouleversé les équilibres géo-stratégiques tels que vus par les Américains.
D’où, la question suivante : Etienne Tshisekedi et les autres candidats de l’opposition l’avaient-ils compris à temps? Quelle démarche concrète avaient-ils amorcée en direction des présidents des pays voisins de la RDC, en particulier celui de Kigali quand on sait que leur adversaire avait déjà conclu certains accords politiques lors de la législature qui venait de s’achever?
Et quand l’on se rappelle que ces accords étaient l’un des points de divergence entre l’ancien speaker de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, et le régime de Kinshasa?
On peut en dire ce qu’on veut, il est presque impossible pour les USA, qui restent encore la première puissance du monde, d’accepter aujourd’hui un bouleversement des rapports de force dans la sous-région, qui remettrait en cause leurs intérêts géo-stratégiques. C’est de la real politik.
Tshitshi et les autres ont-il rassuré plus que Joseph Kabila? Pas si sûr, selon les analystes.
Le cas de la RDC » en janvier dernier, le professeur Pascal Chaigneau de l’Université Paris Descartes note que « les pays de l’Union européenne vivent dans la hantise de la situation de la RDC d’avant 2006 où elle s’était engagée militairement et ont préféré le statu quo à l’alternance politique… ».
Selon cet éminent professeur, un changement de régime à Kinshasa risquait de replonger le pays dans la situation conflictuelle d’avant les élections de 2006.
Abondant presque dans le même sens, Mme Dominique Bangoura, présidente de l’Observatoire politique et stratégique de l’Afrique, affirmait : « L’élection de 2011 présentait un enjeu important entre deux hypothèses : la continuité ou la rupture.
La première hypothèse impliquait la poursuite de l’agenda politique de 2006, -dans le cadre d’un régime qui s’est mué en un présidentialisme, qui a fait modifier l’art. 71 de la Constitution faisant passer à un seul tour le scrutin présidentiel et législatif-, avec des défis portant sur la réunification du pays, la consolidation de la paix, la restauration de l’autorité de l’État, la création d’une armée républicaine et l’impulsion du développement économique du pays.
Tandis que la seconde hypothèse, celle de la rupture, conduisait à l’alternance démocratique, à condition que l’opposition fit un seul bloc; or, cette opposition n’avait pas réussi à présenter une seule candidature; donc, l’hypothèse de rupture s’est fragilisée au profit de celle de la continuité ».
Mais, les deux conférenciers sont arrivés à la conclusion que la situation politique en RDC reste instable et pourrait exploser à tout moment. Tout dépend de la force de négociation de la classe politique congolaise. De même, ils ont mis en garde contre l’option de répression systématique des manifestations actuellement prise par le régime de Kinshasa, laquelle pourrait produire les effets contraires à ceux espérés.
A bon entendeur, salut!
A contrario, si elle n’accepte pas de travailler avec le régime et la majorité, elle pourrait sortir fragilisée de ce bras de fer. La reconnaissance par les États-Unis et d’autres puissances occidentales de Joseph Kabila amoindrit et affaiblit cette opposition.
Comme lors de la mandature qui vient de s’achever, elle deviendra moins influente dans les décisions stratégiques et les délibérations au Parlement, le camp présidentiel étant assuré de sa majorité comme d’un bouclier pour parer contre toute éventualité.
En Europe, d’aucuns considèrent comme de la pure et simple distraction les appels à la formation d’un gouvernement d’union nationale ou le marché des dupes qui semble se profiler avec des scénarios tels que Tshisekedi, président de l’Assemblée ; Vital Kamerhe Premier ministre ou Kengo président du sénat.
« C’est une farce de mauvais goût», scandent certains membres de la diaspora africaine. « Ridicule imagination », rétorquent d’autres experts, bien au fait des comportements des politiques congolais.
L’on ignore en tout cas jusqu’où peut aller l’opposition congolaise, avec les fissures qui naissent lorsqu’il s’agit de respecter le mot d’ordre de boycott des séances de la nouvelle Assemblée décrété par le camp Tshisekedi.
Dans l’histoire politique du pays, même s’il ne lui appartient pas de changer de dirigeants politiques, on voit très mal comment cette Église, experte en l’humanité et riche d’une expérience multiséculaire, a vu des régimes politiques se construire et se défaire.
Elle contre qui « les portes de l’enfer ne prévaudront pas » ne pourra pas rester à la chapelle en train d’avaliser un pouvoir envers lequel la conscience chrétienne reste chargée, au regard de l’exigence de «la vérité des urnes» dont elle se fait le chantre.
Pour mémoire, rappelle-t-on, des politiciens véreux qui ont voulu, – pour préserver leurs intérêts personnels -, souiller ou saper l’œuvre salvatrice de l’Église ont très mal terminé leur parcours politique et terrestre.
Mais au-delà de cette observation, c’est la démocratie elle-même qui en sort fragilisée.
Le passage en force que vient de vivre la RDC, encouragée par les Occidentaux, n’augure pas de progrès démocratique en Afrique. Plusieurs pays ou régimes pourraient être tentés d’imiter le cas congolais.
La démocratie semble ainsi être sacrifiée à l’autel des intérêts géo-stratégiques, au risque de faire resurgir le vieux débat que Jacques Chirac suscita dans la décennie 90 lorsqu’il affirmait que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ».
Tout comme les compatriotes restés au pays, ils sont de tous bords politiques. Mais la sensibilité politique est fonction de la gouvernance du pays. Mieux le pays est bien géré, moins ils sont sollicités financièrement par leurs familles d’origine.
Dans ce qui est connu sous le vocable de « diaspora », l’honnêteté intellectuelle invite à démêler les choses pour éviter le simplisme ou le raccourci avec lequel certains hauts responsables politiques abordent la question de l’engagement politique des Congolais de l’étranger.
Parmi ces compatriotes, il y a bien sûr les sans-papiers arrivés en Europe pour tenter leur chance pour réussir la vie. Mais, cette catégorie n’est pas une spécificité congolaise. Les sans-papiers en Occident viennent de quatre coins du monde.
Lors des manifestations qui sont généralement autorisées ici parce que faisant partie intégrante des droits humains fondamentaux, certains excédés, peuvent être tentés d’user de violence. Et plusieurs cas ont déjà été recensés.
Néanmoins, il faut reconnaître qu’il existe des citoyens congolais en séjour régulier et cela depuis des années, voire des décennies, qui sortent dans les rues et places publiques occidentales pour manifester, dénoncer, ce qu’ils considèrent comme des atteintes graves aux libertés fondamentales et aux standards internationaux des pays qui se disent en démocratie.
Leur message est adressé à trois cibles.
Primo, les dirigeants politiques qui gouvernent leur pays natal, et parmi lesquels on compte plusieurs anciens étudiants de meilleures universités occidentales. Ils réagissent contre ces anciens de la diaspora qui, en dépit des formations de haute facture reçues en Occident, n’adoptent pas un comportement politique à la hauteur des ambitions du pays.
Secundo, les autorités politiques des pays d’accueil ou d’asile (c’est selon) à qui ils voudraient lancer un avertissement sur l’appui qu’ils apportent à des régimes peu démocratiques, enclins à la répression, à la corruption et au non respect des droits de l’Homme.
Tertio, les Congolais restés au pays envers qui ils voudraient se montrer solidaires du combat pour l’avènement d’une vraie démocratie et d’un développement économique qui pourrait aider à réduire le chômage, la faim, la vulnérabilité quotidienne et même constituer un frein à l’immigration ou au rêve de l’Europe.
Des statistiques européennes font état de plusieurs milliards d’euros que les immigrés africains envoient à leurs familles restées dans leurs pays d’origine. En Occident, ils sont d’ailleurs en position inconfortable par rapport aux positions politiques de l’extrême droite ou des conservateurs qui estiment que les richesses de leurs pays servent à résoudre des problèmes dans les pays pauvres au lieu de rester chez eux.
C’est le cas du Front national en France, par exemple, ou même de la droite française. Placés dans ce contexte, les immigrés ou membres de la diaspora congolaise pensent que seul un gouvernement légitime, efficace et accepté par la population pourrait engager le pays sur la voie de la bonne gouvernance et de la démocratie, en lieu et place de petits arrangements politiciens qui visent juste à sauver quelques bouches privées.
Voilà qui pourrait résumer le message de cette diaspora, du moins dans ce qu’elle a de noble et de respectable.
A SUIVRE…
FULGENCE MAWISA DE L’ECOLE DE HAUTES ETUDES INTERNATIONALES, CORRESPONDANT A PARIS
Comment tenter de comprendre et d’expliquer la duplicité des prises de position des puissances occidentales face à la crise qui sévit en République démocratique du Congo, après les élections du 28 novembre 2011? Beaucoup a été épilogué et tout a été dit.
Les déclarations ont fusé de partout. Des chancelleries occidentales installées à Kinshasa aux manifestations les plus violentes de la diaspora congolaise à Londres, Bruxelles, Paris, les lectures diffèrent.
Mais, au-delà de ces faits, c’est le virage que prend actuellement le processus démocratique en RDC qui inquiète plus d’un observateur. Des analystes avisés se demandent si l’Occident croit réellement aux valeurs démocratiques qu’il essaie d’inculquer tantôt de manière pacifique en finançant des programmes d’éducation civique, tantôt en organisant une croisade militaire comme en Libye, Cote d’Ivoire ou en Irak, Afghanistan, etc.
Une partie de la réponse à ces préoccupations semble se trouver dans les enjeux géo-stratégiques que dissimulent les différentes interventions de l’Occident, surtout en RDC, ce vaste pays au cœur de l’Afrique.
En mi-février 2012, au cours d’une conférence de presse, M. James Entwistle, l’ambassadeur des États-Unis en RDC, fait la déclaration ci-après: « La position des États-Unis est claire: nous reconnaissons Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo pour les cinq années à venir », avant d’espérer, non sans décevoir une certaine partie de l’opinion, que «les irrégularités constatées le 28 novembre 2011 seront évitées aux prochaines élections provinciales, locales et autres».
Selon ce haut diplomate, les USA encouragent la formation d’un «gouvernement inclusif» et demandent à tous les élus des partis politiques à l’Assemblée nationale de «participer à ses délibérations».
Cette prise de position de la première puissance du monde est tombée comme un couperet pour l’opposition politique congolaise et les autres partisans de l’alternance démocratique souhaitée à l’occasion de ce scrutin.
Si du coté du pouvoir, le discours de Sir James Entwistle constitue une bouffée d’oxygène face à la montée effrénée de la contestation, il traduit par contre, aux yeux de la diaspora congolaise, la forme la plus élevée de la trahison, à la limite du mépris des fondements mêmes du processus démocratique, de la part des dirigeants occidentaux qui se comportent en donneurs de leçons, vis-à-vis des peuples d’Afrique.
Par ailleurs, cette déclaration américaine advient juste au moment où l’Église catholique entendait organiser une action forte pour réclamer «la vérité des urnes», comme l’avait clairement indiqué la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
Ce qui fait dire à certains que les Usa viennent donc de créer un précédent qui pourrait compromettre tout l’élan démocratique du peuple congolais qui, à terme, risque de connaître la «désaffection électorale». Avec l’impression que c’est l’Occident qui choisit et lui impose des dirigeants politiques.
AMBIGUÏTES ET CONTRADICTIONS FLAGRANTES DE L’OCCIDENT
Le plus curieux est que cette déclaration tranche avec les réserves jusqu’ici émises par l’administration Obama. Notamment celles exprimées quelques semaines avant par la secrétaire d’État, Hillary Clinton qui, affirmait que «les États-Unis étaient profondément déçus de la validation des résultats provisoires par la Cour suprême de justice de la République démocratique du Congo (RDC) de la réélection du président Joseph Kabila, sans évaluation complète des informations faisant état d’irrégularités».Dans cette même déclaration, la secrétaire d’État américaine disait: «Nous pensons que la gestion et l’exécution technique de ces élections laissaient à désirer, manquaient de transparence et n’étaient pas à la hauteur des progrès enregistrés dans de récentes élections africaines.
Toutefois, il n’est toujours pas clair que les irrégularités en question étaient suffisantes pour changer les résultats de l’élection». Selon elle, « un examen du processus électoral par les autorités congolaises et des experts extérieurs pourrait aider davantage à faire la lumière sur la cause des irrégularités, identifier les moyens d’avoir des résultats plus crédibles, et offrir des enseignements non seulement pour les résultats des élections actuelles mais aussi pour ceux de futures élections».
C’est à se demander si cette déclaration on ne peut plus claire avait encore besoin d’être interprétée par un philosophe politique. Tout le monde sait que ni le travail des experts, ni les insistances du Centre Carter n’ont pu infléchir la position du pouvoir organisateur des élections en RDC.
Mais, ce qui importe ici, c’est l’évolution sinueuse de la position américaine dans cette crise et le quasi-alignement d’autres puissances occidentales derrière les USA. Signe que, malgré les contradictions apparentes, l’Occident garde une vue identique sur la crise congolaise.
Car, l’Occident est lui aussi constitué d’une diversité d’intérêts stratégiques mais toutes les puissances occidentales partagent, in fine, la même vision sur ce que la RDC doit jouer comme rôle pour elles. Le reste n’est que gesticulation. Comme toujours, l’Occident reste le vrai maître du jeu et les autres, les exécutants.
Pour leur part, les USA sont généralement pragmatiques dans les situations de crise. Tandis que du coté de l’Europe, le jeu est plus ambigu.
LES VRAIS ENJEUX SONT D’ORDRE GEO-STRATEGIQUE
Pourquoi et comment Étienne Tshitshi est-il passé à deux doigts de la magistrature suprême? C’est la question que ne cessent de se poser des observateurs de la scène politique congolaise. Contrairement aux années où le sphinx de Limete était confronté à la cruauté d’un tyran, le Maréchal Mobutu, Tshitshi vit actuellement dans une sorte d’exil qui ne dit pas son nom mais dans son propre pays ou mieux dans sa propre parcelle de Kinshasa.Ses partisans sont maintes fois dispersés par la police à la moindre initiative de manifestation. A mesure que les jours avancent, ils n’en croient pas leurs yeux : le « lider maximo » est peut-être en train de perdre définitivement «le pouvoir» qu’il s’était donné avec ce que d’aucuns ont qualifié d’auto-proclamation».
Des observateurs avertis pensent même que les troupes de l’UDPS ne pourront plus tenir longtemps dans ce climat politique, surtout que la question de siéger ou non à l’Assemblée nationale continue de diviser les membres de l’opposition.
Une question s’impose : que s’était dit Tshisekedi avec ses «partenaires» occidentaux lors de sa tournée préélectorale en Europe ou Amérique? Beaucoup en viennent à se demander s’il les avait vraiment rassurés.
Au départ, l’opinion a cru que Tshisekedi voulait se démarquer des années 90 où il luttait de l’intérieur sans trop se soucier de la position des Occidentaux. A l’époque, sa religion était «le peuple». Il pensait probablement que le seul soutien populaire suffisait pour l’introniser. Mais, les événements avaient démontré le contraire.
L’on n’a pas oublié tout le cirque Mobutu-opposition avec la formation de plus de dix gouvernements en moins de quatre ans.
Cette fois, Étienne Tshisekedi, déjà assuré en quelque sorte du soutien du «peuple», décide d’aller voir ceux qui, dit-il «financent les élections dans notre pays», pour leur demander de laisser les Congolais choisir librement leurs nouveaux dirigeants.
Lors de cette tournée euro-américaine, bon nombre de ses partisans et sympathisants propagent des informations indiquant que le vieil opposant a bel et bien rencontré des personnalités politiques de haut niveau proches de l’Élysée, de la Maison Blanche ou de l’internationale socialiste basée en Suède.
En tout cas, Tshitshi avait le vent en poupe et n’hésitait pas à déclarer que l’Occident était «déçu par le pouvoir de Kinshasa». En fait, le climat politique d’avant les élections de 2011 semblait aussi suggérer une sorte de fin de règne pour le régime de Joseph Kabila.
De folles rumeurs disaient ce dernier en train de négocier sa fin. Belle illusion! Et pour cause. Des analyses géo-stratégiques montrent que pour asseoir leur emprise dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale, les États-Unis se servent actuellement du président rwandais Paul Kagame.
Comme Mobutu à l’époque de la guerre froide, Paul Kagame reste jusqu’à preuve du contraire la nouvelle coqueluche des USA dans cette partie. C’est l’une des raisons qui expliquent pourquoi la Maison Blanche n’a pas bronché un seul instant devant la victoire trop écrasante de Paul Kagame à la dernière élection présidentielle du Rwanda (plus de 93%).
En plein 21ème siècle, un tel score est inacceptable et devrait être dénoncé par les «champions de la démocratie». Mais, comme on le sait, rien n’y a été fait. Un changement de régime à Kinshasa sans une sorte de quitus de Kigali était quasi-impensable dans l’état actuel des choses, affirme-t-on.
Mais, pour certains experts, les décisions stratégiques américaines avaient besoin de s’appuyer sur certains «pions» à l’intérieur même du pays. Ainsi, le duo Roger Meece-James Entwistle aurait soutenu discrètement l’actuel président Joseph Kabila pendant cette période d’incertitudes. Et cela non sans raison.
M. Roger Meece, actuel patron de la Mission d’observation des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco), est un ancien ambassadeur des USA en RDC. Dans sa position actuelle, il représente la Communauté internationale et se présente comme l’interlocuteur attitré du Conseil de sécurité.
D’après des sources proches crédibles, Meece aurait beaucoup de penchant pour le président de la RDC, depuis l’accession de ce dernier au pouvoir. Mais, ces sources ne précisent pas ce qui probablement pourrait unir les deux personnalités.
Quelques faits et gestes du patron de la Monusco sont ainsi passés au peigne fin par des observateurs avertis. A titre d’exemple, indique-t-on, pendant que l’opposition exigeait plus de transparence du fichier électoral, Roger Meece s’était empressé, lors d’une séance de dialogue entre la CENI et les partis politiques, de féliciter le pasteur Ngoy Mulunda pour « les efforts accomplis dans les opérations d’enregistrement des électeurs».
La question de transparence du fichier électoral ne semblait guère le préoccuper. Probablement que c’est l’approche quantitative (32 millions d’électeurs) qui intéressait le patron de la Monusco.
Alors que certaines organisations mettaient en garde contre des milliers de doublons des électeurs enregistrés. Roger Meece est aussi de ceux qui ont soutenu que les Congolais étaient désormais assez murs pour organiser eux-mêmes les élections.
Bon nombre d’observateurs avisés de la politique congolaise rappellent que c’est le même patron de la Monusco dont M. Etienne Tshisekedi exigera la démission en pleine campagne électorale. Par ailleurs, signale-t-on, en tant qu’ancien ambassadeur, et donc disposant d’une expérience sur le dossier politique congolais, M. Meece aurait une grande influence sur l’actuel ambassadeur des Etats-unis à Kinshasa, M. James Entwistle.
Il serait donc devenu le nouveau « Louis Michel » des USA pour le président congolais, comme le Belge le fut en 2006. A eux seuls, ces deux diplomates auraient donc apporté un soutien décisif à Joseph Kabila tant aux Nations unies qu’auprès de l’administration Obama.
Voilà pourquoi, affirment ces analystes, après moult tergiversations, le gouvernement des États-Unis a fini par annoncer sa position définitive sur la reconnaissance de Joseph Kabila comme président de la République.
Partant de ces réalités, les analystes estiment que sur le plan sous-régional, une alternance politique en RDC aurait bouleversé les équilibres géo-stratégiques tels que vus par les Américains.
D’où, la question suivante : Etienne Tshisekedi et les autres candidats de l’opposition l’avaient-ils compris à temps? Quelle démarche concrète avaient-ils amorcée en direction des présidents des pays voisins de la RDC, en particulier celui de Kigali quand on sait que leur adversaire avait déjà conclu certains accords politiques lors de la législature qui venait de s’achever?
Et quand l’on se rappelle que ces accords étaient l’un des points de divergence entre l’ancien speaker de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, et le régime de Kinshasa?
On peut en dire ce qu’on veut, il est presque impossible pour les USA, qui restent encore la première puissance du monde, d’accepter aujourd’hui un bouleversement des rapports de force dans la sous-région, qui remettrait en cause leurs intérêts géo-stratégiques. C’est de la real politik.
Tshitshi et les autres ont-il rassuré plus que Joseph Kabila? Pas si sûr, selon les analystes.
POURQUOI L’OCCIDENT A OPTE POUR LA CONTINUITE
A la question de savoir pourquoi l’Occident a préféré le statu quo à l’alternance démocratique en RDC, les géo-stratèges occidentaux ne font pas mystère de leurs positions. Ainsi, lors d’une conférence sur « La crise politique et le processus électoral.Le cas de la RDC » en janvier dernier, le professeur Pascal Chaigneau de l’Université Paris Descartes note que « les pays de l’Union européenne vivent dans la hantise de la situation de la RDC d’avant 2006 où elle s’était engagée militairement et ont préféré le statu quo à l’alternance politique… ».
Selon cet éminent professeur, un changement de régime à Kinshasa risquait de replonger le pays dans la situation conflictuelle d’avant les élections de 2006.
Abondant presque dans le même sens, Mme Dominique Bangoura, présidente de l’Observatoire politique et stratégique de l’Afrique, affirmait : « L’élection de 2011 présentait un enjeu important entre deux hypothèses : la continuité ou la rupture.
La première hypothèse impliquait la poursuite de l’agenda politique de 2006, -dans le cadre d’un régime qui s’est mué en un présidentialisme, qui a fait modifier l’art. 71 de la Constitution faisant passer à un seul tour le scrutin présidentiel et législatif-, avec des défis portant sur la réunification du pays, la consolidation de la paix, la restauration de l’autorité de l’État, la création d’une armée républicaine et l’impulsion du développement économique du pays.
Tandis que la seconde hypothèse, celle de la rupture, conduisait à l’alternance démocratique, à condition que l’opposition fit un seul bloc; or, cette opposition n’avait pas réussi à présenter une seule candidature; donc, l’hypothèse de rupture s’est fragilisée au profit de celle de la continuité ».
Mais, les deux conférenciers sont arrivés à la conclusion que la situation politique en RDC reste instable et pourrait exploser à tout moment. Tout dépend de la force de négociation de la classe politique congolaise. De même, ils ont mis en garde contre l’option de répression systématique des manifestations actuellement prise par le régime de Kinshasa, laquelle pourrait produire les effets contraires à ceux espérés.
A bon entendeur, salut!
LE DILEMME DE L’OPPOSITION : TRAVAILLER AVEC JOSEPH KABILA OU DISPARAITRE PENDANT 5 ANS ?
A l’heure actuelle, l’opposition politique se trouve piégée par le pouvoir et ses soutiens occidentaux. Elle se trouve devant un dilemme : si elle accepte de siéger à l’Assemblée nationale, elle reconnaîtra de ce fait un président de la République et une majorité parlementaire qu’elle conteste depuis la publication des résultats électoraux.A contrario, si elle n’accepte pas de travailler avec le régime et la majorité, elle pourrait sortir fragilisée de ce bras de fer. La reconnaissance par les États-Unis et d’autres puissances occidentales de Joseph Kabila amoindrit et affaiblit cette opposition.
Comme lors de la mandature qui vient de s’achever, elle deviendra moins influente dans les décisions stratégiques et les délibérations au Parlement, le camp présidentiel étant assuré de sa majorité comme d’un bouclier pour parer contre toute éventualité.
En Europe, d’aucuns considèrent comme de la pure et simple distraction les appels à la formation d’un gouvernement d’union nationale ou le marché des dupes qui semble se profiler avec des scénarios tels que Tshisekedi, président de l’Assemblée ; Vital Kamerhe Premier ministre ou Kengo président du sénat.
« C’est une farce de mauvais goût», scandent certains membres de la diaspora africaine. « Ridicule imagination », rétorquent d’autres experts, bien au fait des comportements des politiques congolais.
L’on ignore en tout cas jusqu’où peut aller l’opposition congolaise, avec les fissures qui naissent lorsqu’il s’agit de respecter le mot d’ordre de boycott des séances de la nouvelle Assemblée décrété par le camp Tshisekedi.
L’ÉGLISE CATHOLIQUE ACCEPTERA-T-ELLE L’HUMILIATION ?
Des observateurs plus ou moins neutres estiment que la nouvelle mandature aura du mal à fonctionner correctement. Ils mettent en exergue notamment le bras de fer qui oppose l’Église Catholique, dont la force politique n’est plus à démontrer, et le régime en place.Dans l’histoire politique du pays, même s’il ne lui appartient pas de changer de dirigeants politiques, on voit très mal comment cette Église, experte en l’humanité et riche d’une expérience multiséculaire, a vu des régimes politiques se construire et se défaire.
Elle contre qui « les portes de l’enfer ne prévaudront pas » ne pourra pas rester à la chapelle en train d’avaliser un pouvoir envers lequel la conscience chrétienne reste chargée, au regard de l’exigence de «la vérité des urnes» dont elle se fait le chantre.
Pour mémoire, rappelle-t-on, des politiciens véreux qui ont voulu, – pour préserver leurs intérêts personnels -, souiller ou saper l’œuvre salvatrice de l’Église ont très mal terminé leur parcours politique et terrestre.
Mais au-delà de cette observation, c’est la démocratie elle-même qui en sort fragilisée.
Le passage en force que vient de vivre la RDC, encouragée par les Occidentaux, n’augure pas de progrès démocratique en Afrique. Plusieurs pays ou régimes pourraient être tentés d’imiter le cas congolais.
La démocratie semble ainsi être sacrifiée à l’autel des intérêts géo-stratégiques, au risque de faire resurgir le vieux débat que Jacques Chirac suscita dans la décennie 90 lorsqu’il affirmait que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ».
LA DIASPORA CONGOLAISE PROMET DE POURSUIVRE LE COMBAT
Du coté des Congolais de l’étranger, essentiellement ceux vivant à Bruxelles, Londres, Paris, Québec, etc. le message est clair : « La guerre contre le pouvoir de Kinshasa sera longue et populaire ». Bien que privés du droit de vote, ils suivent de très près l’évolution de la situation politique du pays et répondront à leur manière.Tout comme les compatriotes restés au pays, ils sont de tous bords politiques. Mais la sensibilité politique est fonction de la gouvernance du pays. Mieux le pays est bien géré, moins ils sont sollicités financièrement par leurs familles d’origine.
Dans ce qui est connu sous le vocable de « diaspora », l’honnêteté intellectuelle invite à démêler les choses pour éviter le simplisme ou le raccourci avec lequel certains hauts responsables politiques abordent la question de l’engagement politique des Congolais de l’étranger.
Parmi ces compatriotes, il y a bien sûr les sans-papiers arrivés en Europe pour tenter leur chance pour réussir la vie. Mais, cette catégorie n’est pas une spécificité congolaise. Les sans-papiers en Occident viennent de quatre coins du monde.
Lors des manifestations qui sont généralement autorisées ici parce que faisant partie intégrante des droits humains fondamentaux, certains excédés, peuvent être tentés d’user de violence. Et plusieurs cas ont déjà été recensés.
Néanmoins, il faut reconnaître qu’il existe des citoyens congolais en séjour régulier et cela depuis des années, voire des décennies, qui sortent dans les rues et places publiques occidentales pour manifester, dénoncer, ce qu’ils considèrent comme des atteintes graves aux libertés fondamentales et aux standards internationaux des pays qui se disent en démocratie.
Leur message est adressé à trois cibles.
Primo, les dirigeants politiques qui gouvernent leur pays natal, et parmi lesquels on compte plusieurs anciens étudiants de meilleures universités occidentales. Ils réagissent contre ces anciens de la diaspora qui, en dépit des formations de haute facture reçues en Occident, n’adoptent pas un comportement politique à la hauteur des ambitions du pays.
Secundo, les autorités politiques des pays d’accueil ou d’asile (c’est selon) à qui ils voudraient lancer un avertissement sur l’appui qu’ils apportent à des régimes peu démocratiques, enclins à la répression, à la corruption et au non respect des droits de l’Homme.
Tertio, les Congolais restés au pays envers qui ils voudraient se montrer solidaires du combat pour l’avènement d’une vraie démocratie et d’un développement économique qui pourrait aider à réduire le chômage, la faim, la vulnérabilité quotidienne et même constituer un frein à l’immigration ou au rêve de l’Europe.
Des statistiques européennes font état de plusieurs milliards d’euros que les immigrés africains envoient à leurs familles restées dans leurs pays d’origine. En Occident, ils sont d’ailleurs en position inconfortable par rapport aux positions politiques de l’extrême droite ou des conservateurs qui estiment que les richesses de leurs pays servent à résoudre des problèmes dans les pays pauvres au lieu de rester chez eux.
C’est le cas du Front national en France, par exemple, ou même de la droite française. Placés dans ce contexte, les immigrés ou membres de la diaspora congolaise pensent que seul un gouvernement légitime, efficace et accepté par la population pourrait engager le pays sur la voie de la bonne gouvernance et de la démocratie, en lieu et place de petits arrangements politiciens qui visent juste à sauver quelques bouches privées.
Voilà qui pourrait résumer le message de cette diaspora, du moins dans ce qu’elle a de noble et de respectable.
A SUIVRE…
FULGENCE MAWISA DE L’ECOLE DE HAUTES ETUDES INTERNATIONALES, CORRESPONDANT A PARIS
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