jeudi 7 juin 2012

Que vient chercher le président rwandais Kagamé en RDC?

Les récentes accusations de l’aide rwandaise fournie à la rébellion à l’est du Congo risquent de dégrader les relations diplomatiques entre les deux pays.

Le président rwandais Paul Kagamé, lors d'une conférence à New York, 22 septembre 2011 REUTERS/Lucas Jackson

C’est une révélation troublante. Le Rwanda soutiendrait la rébellion de fidèles du jeune général Bosco Ntaganda alias «Terminator» regroupés dans le M23. C’est ce que révèlent des enquêtes menées par la Mission d’observation des Nations unies au Congo (Monusco) et les autorités de la République démocratique du Congo elles-mêmes.
 

Des accusations embarrassantes


La base de leurs affirmations se fonde sur des témoignages de jeunes rwandais désœuvrés recrutés pour combattre aux côtés des rebelles et qui ont été arrêtés ou se sont rendus d’eux-mêmes. Comme il fallait s’y attendre, le Rwanda a nié une quelconque implication dans ce qui se passe dans la zone frontalière avec la RD Congo.

Kinshasa n’a pas voulu non plus envenimer la situation en accusant ouvertement son voisin. Les autorités congolaises préfèrent jouer la carte de la prudence en affirmant ne pas avoir de preuves que les combattants interrogés soient effectivement des Rwandais comme les intéressés le soutiennent mordicus. Une preuve qu’entre la RD Congo et le Rwanda, il ne faut pas mettre le doigt parce que les deux pays sont comme un arbre et son écorce.

N’empêche, la situation est tout de même embarrassante. Qu’est-ce que le Rwanda pourrait bien aller chercher dans cette partie tourmentée du territoire de son géant voisin? A priori, rien. Il y eut un moment où la réponse à cette question était évidente pour deux raisons.

L’attitude invasive du Rwanda ne date pas d’hier


La première raison est la présence dans la zone frontalière des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) accusées d’être à l’origine du génocide par le régime de Paul Kagamé. De temps à autre, l’armée rwandaise n’hésitait pas à faire des incursions chez son voisin pour faire le coup de feu contre ces forces considérées comme une menace potentielle et permanente contre le pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR) à Kigali.

Pour des raisons sécuritaires, le pays des mille collines se sentait obligé d’agir ainsi, surtout que la RD Congo ne faisait rien pour que son territoire ne serve de base arrière pour déstabiliser son petit voisin. La deuxième raison qui avait amené le Rwanda à prendre pied chez son voisin concerne les richesses minières de ce dernier.

L’instabilité chronique conjuguée avec l’impuissance du pouvoir central à Kinshasa a ouvert la porte à un pillage en règle des richesses. Et il n’y avait pas que les rébellions et les mouvements armés qui s’y adonnaient à cœur joie. Des pays voisins comme l’Ouganda et le Rwanda n’hésitaient pas à se servir quand l’occasion se présentait.

Il n’y a pas de raisons de déstabiliser le grand voisin


Mais aujourd’hui, toutes ces raisons sont caduques. Du moins officiellement. Les FDLR ne constituent plus une grande menace pour Kigali comme par le passé au point de nécessiter des incursions chez le voisin. Il en est de même pour les miliciens. De plus, les relations entre le Rwanda et la RD Congo peuvent être considérées comme étant au beau fixe après des périodes de tensions.

Logiquement, l’un n’a plus besoin de déstabiliser l’autre par mouvements rebelles interposés. Alors, qu’est-ce qui peut bien amener Kigali à jouer les trouble-fêtes malgré tout? Sont-ce les richesses minières inépuisables qui attisent les convoitises d’un pays qui n’en est pas doté?

Ou bien est-ce un coup de main à Bosco Ntaganda, lâché par Kinshasa, mais qui aurait toujours des sympathies de l’autre côté? Une fois de plus, on se perd en conjectures dans cette région trouble.

Séni Dabo
(Le Pays)

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