7. juin 2012
Human Rights Watch (HRW) accuse le Rwanda d’être l’instigateur de la mutinerie dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) menée par le général Bosco Ntaganda, qui est recherché par la Cour Pénale Internationale (CPI).
Human Rights Watch
Cela fait des semaines que l’est de la République Démocratique du Congo est à nouveau le théâtre des affrontements violents entre des rebelles lourdement équipés et les Forces Armées de la RDC (FARDC).
Cette escalade de la violence a déjà causé de nombreux drames humains et des déplacements massifs de population. Selon plusieurs enquêtes menées actuellement par les autorités congolaises et par les Nations Unies, la mutinerie en cours d’une partie de l’armée nationale, serait activement soutenue, notamment en hommes et en armes depuis le Rwanda.
Aujourd’hui c’est Human Rights Watch (HRW) qui monte au créneau pour enjoindre le Rwanda à cesser de soutenir Bosco Ntaganda qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI.
Qui est Bosco Ntaganda ?
Âgé de 39ans, Bosco Ntaganda est un tutsi congolais d’origine rwandaise né à Ruhengeri (Rwanda) de parents rwandais, il a combattu au côté de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) en 1994 au Rwanda, et pris part également en 1996 à la guerre du Congo au côté de l’Alliance de Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) sous Laurent-Désiré Kabila qui chassa Mobutu en mai 1997 de Kinshasa.
Celui qu’on surnomme le « Terminator » à cause de ses atrocités dans les villages, a réalisé un long et sanglant parcours dans les conflits armés de la RDC avant de tomber sur le coup de mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre.
Témoignages accablants pour le régime de Kigali
Ce 4 juin Human Rights Watch a annoncé que suite aux enquêtes qu’elle a menées sur le terrain le mois dernier des responsables militaires rwandais ont fourni des armes, des munitions ainsi qu’environ 200 à 300 recrues pour soutenir la mutinerie de Ntaganda dans le territoire de Rutshuru, à l’est de la RDC.
Les armes fournies aux forces de Ntaganda par des responsables militaires rwandais incluaient des fusils d’assaut Kalachnikov, des grenades, des mitrailleuses et de l’artillerie anti-aérienne. Ce soutien leur a permis de tenir leurs positions militaires sur les collines de Runyoni, Tshanzu et Mbuzi et dans les villages environnants contre les assauts militaires de l’armée congolaise.
De nombreuses exécutions
HRW annonce que des hommes de Ntaganda ont sommairement exécuté certaines recrues alors qu’elles tentaient de s’échapper. « J’ai vu six personnes tuées parce qu’elles tentaient de s’enfuir. Elles ont été abattues et on m’a ordonné d’enterrer leurs corps », a déclaré à HRW un Rwandais qui a parvenu à s’échapper.
Recruté en avril par le colonel Baudouin Ngaruye, un officier proche de Ntaganda, alors qu’il gardait des vaches dans le territoire de Masisi, dans l’est de la RD Congo, un autre civil rwandais a expliqué à Human Rights Watch qu’il avait vu le colonel Ngaruye ordonner à son escorte de tuer sept recrues avec un agapfuni, une houe usée.
Ntaganda au Rwanda sans s’inquiéter
Selon l’organisation, des responsables rwandais ont autorisé Ntaganda et des membres de ses forces à entrer au Rwanda à plusieurs occasions afin d’échapper aux arrestations, pour esquiver les attaques menées par les Forces Armées Congolaises (FARDC) ou pour obtenir un appui militaire à leur mutinerie.
Le 26 mai, des témoins ont vu Ntaganda à Kinigi, au Rwanda, rencontrer un haut gradé militaire rwandais dans le bar Bushokoro, annonce HRW. Outre cette visite du 26 mai, d’autres anciens officiers de l’armée congolaise qui se sont joints à la mutinerie, comme le colonel Makenga, se sont aussi rendus au Rwanda.
« Le fait de permettre à Ntaganda d’aller et venir au Rwanda sans crainte d’être arrêté laisse entendre que le Rwanda ne tient pas vraiment à contribuer à rendre la justice aux victimes des crimes de guerre commis par Ntaganda et ses hommes.» a expliqué Anneke Van Woudenberg chercheuse senior au sein de la division Afrique HRW.
« Le fait d’armer Ntaganda permet à un homme déjà recherché pour crimes de guerre de commettre de nouveaux abus graves », a-t-elle continué.
Le Rwanda nie son soutien au fugitif
Malgré des témoignages accablants qui accusent le Rwanda d’être derrière cette nouvelle guerre à l’est du Congo, le régime de Kigali continue de nier toute implication. Louise Mushikiwabo, Ministres des Affaires étrangères du Rwanda, a déclaré que son pays n’avait ni formé ni envoyé de combattants de l’autre côté de la frontière.
Stratagèmes des recrutements forcés
Selon RFI (Radio France Internationale), plusieurs témoignages de ces jeunes rwandais ramènent à un personnage : un bouvier – un gardien de vaches – qui joue le rôle d’agent recruteur dans la région de Mudende.
Il approche les jeunes désœuvrés des villages et leur dit « qu’il y a de l’embauche dans l’armée rwandaise ».
Quand il rassemble suffisamment de volontaires, il organise lui-même le transport par autobus, et les recrues sont rassemblées à Kinigi, à l’entrée d’un parc naturel célèbre pour ses gorilles. Leurs effets personnels, cartes d’identité, téléphones portables et argent liquide sont confisqués.
De là, privés de toute identification, ils partent en colonnes à pied vers la forêt de Runyoni, subissant au passage une formation militaire sommaire ; et ils se retrouvent en territoire congolais.
Mais un autre groupe de ceux recrutés au Rwanda ont décrit avoir été enlevés de force sur le bord des routes et sur les marchés près des villes de Musanze (anciennement appelée Ruhengeri) et Kinigi, au nord-ouest du Rwanda puis emmenés au camp militaire de Kinigi, rapporte HRW.
Deux jeunes rwandais, âgés de 19 et 22 ans, ont témoigné que des militaires rwandais les ont enlevés de force d’un cinéma de rue en début de soirée autour du 19 mai.
Ils ont raconté que les militaires ont rassemblé environ 30 garçons et jeunes hommes qui regardaient un film et les ont forcés à monter dans un camion. Un autre jeune, âgé de 31 ans aussi dit avoir été pris par des militaires rwandais à la fin du mois d’avril sur le marché de Kinigi.
Les personnes enlevés de force et ceux qui sont recrutés sont emmenés et rassemblés au camp militaire de Kinigi, dans ce camp militaire, des militaires rwandais fournissent des armes et des munitions aux nouvelles recrues avant de les répartir en groupes de 40 à 75 hommes.
Portant les armes et les munitions, les recrues ont ensuite été obligées à marcher à travers le parc national jusqu’à la frontière congolaise, escortées par des militaires rwandais.
Des recrues ont raconté à Human Rights Watch qu’à plusieurs occasions cependant, que les militaires rwandais ont continué avec eux jusqu’à Runyoni et ont participé aux opérations de combat aux côtés des forces de Ntaganda, parfois après avoir enfilé des uniformes de l’armée congolaise.
Rappelons qu’en plus d’être sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI, Ntaganda figure sur une liste des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui lui interdit de se déplacer hors de la RD Congo.
En vertu de ces sanctions des Nations Unies, le Rwanda, comme d’autres pays, a l’obligation de « prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur [son] territoire de toutes les personnes » figurant sur la liste des sanctions.
Les développements de cette nouvelle étape dans la crise de Grands Lacs sont incertains sans doute et, comme dans tous les conflits, le rôle tenu par chacun des acteurs déterminera sa part de responsabilité dans ce qui se passe.
Jean Mitari
Jambonews.net
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