mardi 24 juillet 2012

Insécurité récurrente dans l’Est du pays : Repenser la défense nationale



Le système de défense d’un pays est global. L’armée en constitue le socle principal auquel sont rattachés la police, les services d’immigration, les renseignements (civils et militaires), les douanes, la sécurité dans les ports et aéroports, de même que l’administration et l’économie ; le tout devant reposersur la bonne gouvernance.

Dans le cas d’espèce, qui concerne la RDC en proie à une insécurité récurrente dans sa partie Est, il se dégage la nécessité de repenser de fond en comble la défense nationale.

Tous les spécialistes sont unanimes pour reconnaître que la RDC est victime d’une politique de défense nationale tributaire de son passé colonial et post indépendance. Ils constatent que le contexte n’a pas beaucoup changé depuis la Force publique.

La philosophie qui avait guidé à la formation de l’armée coloniale est toujours en vigueur jusqu’à ce jour. Au point où ladiscipline est foulée aux pieds et les militaires indisciplinés s’adonnent, à l’envi, à des mutineries dont la répétition devient dérangeante, si pas révoltante. Cela en rapport avec la situation qui prévaut actuellement dans l’Est du pays.

En 1963, la réunification des armées des rébellions s’est opérée suivant un certain chronogramme. Mais, les résultats n’avaient pas suivi. En cause, cette tare héritée de l’ANC, à savoir la résistance au changement.

En son temps, le président Mobutu avait pris soin de soumettre les chefs militaires issus des rébellions à des recyclages dans des centres de perfectionnement. Les cadres admis dans ces centres étaient soumis à un reconditionnement à la citoyenneté basée sur le respect d’une seule doctrine et d’une loi unique !

De la sorte, ces centres constituaient «le creuset» où se construisait l’unité du pays et le socle où reposait sa défense globale.

Identification des menaces

Normalement, la tenue des Etats généraux de la Défense nationaleaiderait à corriger cet état de choses et envisager l’avenir sur de nouvelles bases. Ces assises permettraient un examen approfondi des causes proches et lointaines qui empêchent la formation d’une armée nationale, républicaine et dissuasive.

Une armée qui soit en mesure de préserver l’intégrité territoriale aujourd’hui menacée en permanence. Et non celle qui est toujours en proie à des défections et autres mutineries qui finissent par des rébellions entretenues ou encouragées par des puissances étrangères.

En liminaire à son livre publié en 2007 à Paris et intitulé «La déstabilisation de la RDC», Gilbert Dzassabi note que «certains voisins de la RDC soutiennent militairement et financièrement les mouvements armés qui luttent contre le pouvoir central de Kinshasa».

Dans la foulée, il fait une révélation. Lesdits voisins de la RDC «organisent le remboursement de ce soutien par l’occupation de larges portions de territoires congolais dotées de ressources naturelles qu’ils exploitent avec l’aide des maffias internationales».

Selon l’auteur, un ancien colonel des FAC (Forces aériennes congolaises), «l’espace territorial congolais est porteur de germes de déstabilisation».

Si des Etats généraux de la défense nationale étaient organisés, les participants auraient cherché à comprendre, selon Gilbert Dzassabi, dans quelle mesure, les dynamiques des mouvements de rébellions, de militarisation, du mercenariat, des organisations criminelles renforcent la pérennisation de la guerre en RDC.

Dans la même optique, l’on serait arrivé à comprendre dans quelle mesure les frontières étatiques de la RDC, menacées par l’explosion démographique des Etats voisins, participent au maintien de la tension guerrière dans la région des Grands Lacs.

L’auteur estime que l’interventionnisme militaire étranger en RDC validerait la thèse selon laquelle la frontière congolaise est un facteur de guerre.

Un général congolais identifie trois menaces majeures que la philosophie de la nouvelle armée devrait intégrer. Il s’agit des menaces politique, économique et culturelle. Depuis la Conférence de Berlin, la RDC est une «création artificielle».

L’unité du pays est l’œuvre de son armée. Un spécialiste chinois de l’art de la guerre, ci-devant Sun Tzu, dont les écrits demeurent d’actualité, considérait l’unité nationale comme l’une des conditions essentielles d’une guerre victorieuse ; elle ne pourrait être réalisée que sous un gouvernement dévoué au bien-être du peuple et ne l’opprimant pas.

Etant donné la déliquescence du garant de cette unité, les voisins et autres puissances peuvent tout se permettre sur le territoire congolais. Les antagonismes dans la sous-région ont conduit les voisins belliqueux à tirer bénéfice de la faiblesse institutionnelle congolaise pour transformer le territoire national en déversoir permanent de «leur trop plein de problèmes internes», relève l’officier général à la retraite.

Comme menace politique, on note également celles «militaire et subversive». La première est normale dans la coexistence des Etats. «La mise en cause des nations est récurrente dans l’histoire. Il faut en tenir compte», justifie un expert militaire sous le couvert de l’anonymat.

Les voisins ou les puissances étrangères peuvent imposer des guerres totales ou celles dites larvées qui sont plus pernicieuses.

La deuxième menace est économique. Les entreprises de prédation commanditées par des multinationales et sous-traitées par des Etats voisins de la RDC ne visent pas exclusivement le contrôle d’une partie du pays. Elles visent également une mainmise certaine sur les institutions de Kinshasa.

Le contrôle leur permettrait de veiller sur leurs intérêts. La charge revient à l’élite de se prémunir contre ces visées hégémoniques des voisins. La caste des intouchables, l’autorité cosmétique exercée sur l’ensemble du territoire n’induisent nullement une responsabilisation réelle des cadres.

La corruption règne en maître absolu. Les gouvernants subissent les injonctions extérieures des puissances et des multinationales incompatibles avec la liberté des décisions. Conséquence, l’Etat est privé de moyens financiers pour garantir son existence.

L’accès à la mer est également considéré comme une vraie menace pour la RDC.

Reflet de la jeunesse

«L’armée est le reflet de la jeunesse d’une nation», souligne l’analyste militaire précité. Mais quand cette jeunesse est constituée de shegués, des kuluna et autres catégories assimilées mal formées à travers un programme inadapté aux réalités de leur environnement, elle ne peut pas offrir des garanties d’une armée dissuasive, professionnelle, disciplinée.

Or, cette catégorie sociale constitue le terreau favorable à des initiatives hasardeuses de déstabilisation du pays, en l’absence d’un encadrement approprié assuré par les pouvoirs publics. Une formation doublée d’un meilleur encadrement de la jeunesse constitue des solutions à cette menace interne et réelle.

Sur le plan culturel, l’utilisation des langues étrangères pour la formation au sein de l’armée est un sérieux handicap. «Les formateurs chinois donnent des ordres dans leur langue et un traducteur se charge de les répercuter aux apprenants congolais», note l’expert.

«Dans les esprits des Congolais, particulièrement des dirigeants, l’armée doit être considérée comme la colonne vertébrale où toutes les autres institutions viennent se greffer», souligne l’expert militaire. Et dans la tête des militaires, le respect des civils devrait aller de pair avec celui des droits de l’Homme.

D’où cette sagesse qui a conduit à la mise en place de l’armée chinoise : «Former des patriotes compétents».

Mode d’emploi réaliste

Les états généraux de la défense sont nécessaires afin de mettre autour d’une table les spécialistes de l’art de la guerre, la Société civile, les experts en renseignements. La mise en œuvre d’un mode d’emploi réaliste ne peut être l’affaire des seuls militaires. C’est une affaire nationale.

L’armée d’essence coloniale, c’est-à-dire chargée de maintenir l’ordre public, doit céder sa place à une armée qui auramission de défendre le territoire national.

Pour réussir ce pari, la définition claire des missions de l’armée doit se faire sur la base des menaces ainsi identifiées. L’engagement ferme devrait être pris afin d’éviter de transformer «l’armée en déversoir des déchets de la société».

Les différentes opérations «Amani» n’ont pas donné les résultats escomptés. Cet échec, nous interpelle et nous oblige de prendre des mesures radicales au sein de l’armée. Le système mis en place depuis James Kabarebe, l’actuel ministre de la Défense du Rwanda, à l’image des armées post-conflit de la SADC, a montré ses limites : rébellion, mutinerie, trahison et indiscipline, etc.

La présence des hommes politiques convertis en responsables militaires est source de la politisation des forces armées actuelles. Les militaires intégrés continuent à se soumettre aux ordres de leurs anciens chefs politiques.

La Force internationale neutre

Quelle sera sa composition ? Sa mission ? Sa subordination ? Son financement ? Ses moyens ?Le cas du Mali est illustratif. La CEDEAO peine à convaincre les bailleurs de fonds pour la mise en place des troupes qui doivent libérer le Nord de ce pays.

La MONUSCO, en dépit de ses 20 000 hommes et ses moyens colossaux et impressionnants, n’est toujours pas parvenue à résoudre la question d’insécurité dans l’Est. La nouvelle force arrangerait plutôt la rébellion et le statu quo actuel persistera.

La diplomatie congolaise

Maintenant que les Etats-Unis d’Amérique ont officiellement suspendu leur aide militaire au Rwanda, le gouvernement devrait entreprendre une diplomatie agressive et solliciter auprès du Conseil de sécurité, la reformulation du mandat de la Monusco.

Cela, à l’instar de l’ONUC qui a mis fin à la sécession katangaise en 1963. C’est àce prixque le M23 et autres groupes armés seront obligés de se rendre.

La future armée nationale

- La convocation des Etats généraux de la défense urge aux fins d’élaborer les fondements doctrinaux et structurels de la nouvelle armée nationale. Celle-ci sera constituée d’une force de dissuasion conventionnelle basée sur trois caractéristiques, à savoir la rapidité d’intervention (effets de surprise), la souplesse dans l’exécution (équipement adapté), la puissance de feu (artillerie et aviation).

Elle nécessite aussi la mise en place d’un nouveau système de commandement. Par ailleurs, les officiers de l’ex-FAZ, sont une réserve inépuisable en expérience et expertise.

Le gouvernement devrait engager des moyens financiers pour permettre le recrutement général des jeunes, la formation des officiers (EFO et à l’étranger), celle des pilotes pour une aviation efficace et d’une marine nationale pour la surveillance permanente des côtes lacustres et fluviales.

L’acquisition de nouveaux équipements devrait se faire avec le concours des partenaires sérieux.

Toujours dans le cadre de la réforme de l’armée, il serait souhaitable de recréer la gendarmerie nationale qui sera l’interface entre la police et l’armée.

Le Potentiel

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