mercredi 25 juillet 2012

Rwanda: Carton jaune pour Kagame

La sanction symbolique infligée par l'allié américain contre Kigali est une reconnaissance implicite du rôle du Rwanda dans les troubles à l’est de la RDC.

Le président rwandais Paul Kagame à Addis Abeba, Ethiopie, 28 janvier 2012, REUTERS/Noor Khamis
 
Le Rwanda ne recevra pas l’aide promise par les Américains pour la construction d’une académie militaire. C’est du moins ce qu’on peut dire si la position des Etats-Unis ne change pas sur la question.
 
Les raisons qui ont conduit «l’Oncle Sam» à prendre une telle décision résident dans les relations houleuses entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC).

Un répit pour Kabila


En effet, le pays de Joseph Kabila accuse celui de Paul Kagame d’être derrière la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23). Des rapports d’organisations non-gouvernementales comme Amnesty International pointent également un doigt accusateur sur Kigali.

Selon ces accusations donc, le Rwanda a une main, sinon les deux, dans l’action du M23 qui donne du fil à retordre à l’armée congolaise depuis un certain temps.

Conséquence de cette situation, le président de la RDC et son homologue rwandais sont à couteaux tirés.
En s’invitant dans ce débat par cette décision, les Américains apportent de l’eau au moulin de Kabila.

Bien entendu, le président Joseph Kabila, comme la plupart de ses homologues de la région d’ailleurs, n’est pas un exemple de démocrate, mais son pays a besoin de retrouver une certaine stabilité à défaut d’une stabilité certaine.

Des efforts devraient donc être faits pour contenir les nombreuses milices qui sèment la terreur dans la zone. Et sans le soutien ou la bienveillance —c’est selon— de ses voisins, surtout de l’armée rwandaise qui est de loin la mieux organisée et probablement la plus forte de la sous-région, ces efforts sont voués à l’échec.

C’est dire à quel point une rébellion soutenue d’une manière ou d’une autre par le Rwanda serait un casse-tête pour Kinshasa.

Au regard de cela, le président de la RDC ne crachera, pour rien au monde, sur un tel soutien des Américains. Soutien qui n’est, ni plus ni moins, qu’une condamnation de l’attitude du régime de leur allié, Kagame.

Reconnaissance tacite de l’implication rwandaise
 
Quant à la véracité des faits reprochés au Rwanda, l’adage ne dit-il pas qu’«il n’y a pas de fumée sans feu»? Toujours est-il que les dénégations de Kigali ne parviennent pas à convaincre grand-monde, en tout cas pas les Américains, à ce qu’on voit.

Les Etats-Unis sont connus pour dire haut et fort ce qu’ils pensent et joindre l’acte à la parole. Ils viennent encore d’en donner l’illustration. Kagame est un fidèle allié des Américains dans la zone. Cela est connu.
Si en dépit de cela, les Yankees franchissent le pas en dénonçant son attitude, ils ont certainement une raison valable de le faire.

En effet, on imagine mal les Américains prendre du plaisir à mettre en difficulté leur allié pour une raison qui n’en vaudrait pas la peine.

Une chose est sûre: du moment où l’armée rwandaise est accusée de soutenir les rebelles congolais, s’ils continuent de soutenir aveuglément l’armée rwandaise, les Etats-Unis se rendront complices des actes posés par les rebelles.

Toujours est-il que les Américains qui ne sont visiblement pas les moins informés de la situation qui prévaut ont pris leurs responsabilités. Ce qui est tout à leur honneur.

Certes, on peut dire que les Américains ont fait le strict minimum. La sanction qu’ils ont infligée à leur partenaire est a priori juste symbolique. Mais, cela en vaut la peine.

Le Rwanda doit rebâtir sa réputation


Car l’enjeu ne réside pas vraiment dans les 200.000 dollars que l’armée rwandaise devait recevoir. Ce n’est pas la perte du bénéfice de ce montant qui causera des insomnies au pouvoir en place à Kigali.

Ce qui va préoccuper le Rwanda, c’est son image.

Ce qui vient de se passer est sans aucun doute un échec diplomatique pour le régime de Kagame. C’est son allié le plus emblématique qui lui «tire les oreilles» et un tel revers diplomatique n’est pas sans conséquence négative pour son image.

Et, il faut bien le reconnaître, cette affaire qui arrive au moment où l’homme fort de Kigali s’est efforcé de normaliser, autant que faire se peut, ses relations avec certaines puissances comme la France et l’Allemagne, et de soigner son image, n’est pas pour lui faire plaisir.

D’où son agacement lorsqu’on s’avise de l’interroger au sujet du soutien présumé de son régime aux rebelles congolais.

Cette sanction n’est donc pas si anodine qu’elle en a l’air à première vue. Le Rwanda ne peut plus se contenter de nier les accusations qui pèsent sur lui.

Il doit, pour redorer son image, trouver les moyens de montrer patte blanche. Seulement, cela est-il possible? Quant à la position américaine, il faut souhaiter qu’elle reste ferme.

Du reste, on ne peut qu’espérer que les Américains et dans une large mesure, toutes les grandes puissances, appliquent partout cette sorte d’éthique vis-à-vis de leurs alliés de sorte que les intérêts égoïstes cessent d’être, comme c’est malheureusement encore le cas aujourd’hui, l’aiguillon principal des relations internationales.

Le Pays

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