L’annonce de la présence du président français au prochain sommet de la Francophonie, à Kinshasa, ne surprend pas les Africains.
François Hollande lors de la grande conférence sociale à Paris, le 09 juillet 2012, REUTERS/POOL New
«Je me rendrai dans quelques semaines au sommet de la Francophonie à Kinshasa. J’y réaffirmerai que la Francophonie, ce n’est pas simplement une langue en partage mais aussi une communauté de principes et d’idéaux dont le rappel à chaque occasion est nécessaire, et notamment en RDC (République Démocratique du Congo), mais pas seulement là.»
Telle est la déclaration faite par François Hollande, lors de la Conférence des ambassadeurs, dans l’après-midi du 27 août 2012, au Palais de l’Elysée, à Paris.
Au micro de Radio Okapi, Thryphon Kin Kiey Mulumba, porte-parole par intérim du gouvernement congolais, tente d’éviter tout triomphalisme en refusant de parler de victoire diplomatique:
La perspective d’une chaise de la France laissée vide avait poussé le dirigeant congolais à multiplier les instances auprès de Paris pour éviter un désaveu explicite.
En fin de compte, ce choix dicté par la raison était prévisible, si bien que de tout côté, personne ne se montre vraiment dupe. La décision française est motivée par des raisons intéressées, François Hollande est le premier à l’avouer:
Afin de sauver les apparences en matière de défense des droits humains et de préserver l’image de la France très regardante sur la question, le président français a cherché à rassurer les mécontents de Kinshasa:
Une autre analyse, plus inattendue consiste à attendre du Français qu’il produise un discours novateur, loin de la condescendance de ses prédécésseurs.
C’est le vœu émis par un éditorial d’un quotidien de «l’autre» Congo, Les Dépêches de Brazzaville:
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L’opposition crie au scandale
D’après les détracteurs du régime du président congolais, Joseph Kabila, hostiles à ce déplacement à Kinshasa, les valeurs que prône la France font défaut à la RDC. Pour eux, la venue de François Hollande est considérée comme une légitimation d’un pouvoir décrié.«Certains partis de l’opposition congolaise ainsi que des organisations de la société civile souhaitaient que ce sommet soit délocalisé, déplorant notamment "le non-respect des droits de l’homme, le manque de transparence dans les dernières élections générales de novembre 2011 et la crise dans l’Est du pays"», explique Le Potentiel, quotidien paraissant à Kinshasa.A défaut d’une délocalisation, les opposants au président congolais espéraient un boycott pur et simple de la grand-messe de la Francophonie. Ils tombent de haut en constatant que la «Patrie des droits de l’homme» a finalement revu ses exigences à la baisse.
«Auparavant, François Hollande avait conditionné sa venue à Kinshasa à des avancées concrètes en matière de démocratie et de respect des droits de l'Homme, et notamment à une réforme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui garantirait la transparence des futures élections provinciales, ainsi qu'au jugement des "vrais coupables" dans l'affaire Floribert Chebeya (du nom du militants des droits humais assassiné en juin 2010)», indique le journal kinois L’Observateur.
Victoire diplomatique pour Kabila
Du côté des promoteurs de l’évènement, on se félicite.Au micro de Radio Okapi, Thryphon Kin Kiey Mulumba, porte-parole par intérim du gouvernement congolais, tente d’éviter tout triomphalisme en refusant de parler de victoire diplomatique:
«On ne voit pas comment un sommet d’une telle importance pouvait se tenir sans la présence du président français», commente sobrement le responsable.Mais dans les faits, c’est bien de cela qu’il s’agit. Pendant de longs mois, la nouvelle administration française avait laissé planer le doute sur la participation du chef de l’Etat.
La perspective d’une chaise de la France laissée vide avait poussé le dirigeant congolais à multiplier les instances auprès de Paris pour éviter un désaveu explicite.
«C'est sans conteste une victoire diplomatique, analyse le quotidien burkinabè Le Pays, puisque ç'aurait été la première fois de l'histoire de la Francophonie qu'un président français boycottât un sommet.
Et Kabila aura sauvé les apparences, convaincu qu'il n'organisera pas un sommet au rabais avec la décision annoncée du successeur de Nicolas Sarkozy de faire le déplacement de Kinshasa.»
La France a des idéaux, mais surtout des intérêts
En fin de compte, ce choix dicté par la raison était prévisible, si bien que de tout côté, personne ne se montre vraiment dupe. La décision française est motivée par des raisons intéressées, François Hollande est le premier à l’avouer:
«En 2050, 80% des Francophones seront Africains, 700 millions de femmes et d'hommes, chacun comprend ici l'enjeu.»Et, avant cet horizon lointain, le plus grand pays d’Afrique centrale par la superficie reste l’espace le plus vaste ou le français est lu, parlé et écrit.
«Ce serait donc une erreur monumentale pour la France et la Francophonie que de perdre un si grand partenaire qu’est la RDC», écrit encore Le PotentielEn cette période de concurrence âpre entre espaces linguistiques le maintien de bonnes relations entre la France et l’ancienne colonie belge «est un gage que la RDC continuera à évoluer tranquillement au sein du cercle francophone de plus en secoué par l'avancée envahissante de l'anglais», rappelle L’Observateur
Il s’agit à présent d’investir cette présence d’un nouveau sens
Afin de sauver les apparences en matière de défense des droits humains et de préserver l’image de la France très regardante sur la question, le président français a cherché à rassurer les mécontents de Kinshasa:
«J'y rencontrerai l'opposition politique, les militants associatifs, la société civile. C'est le sens de la nouvelle politique africaine de la France: tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait.»Mais pour le quotidien ouest-africain Guinéeconakry.info, il ne faut pas beaucoup espérer de ces entrevues qui seront de nature purement formelle. Elles ne constitueront en rien un coup de pouce pour une démocratisation réelle de la RDC:
«Que ceux qui comptaient sur François Hollande pour voir les pays africains s’ancrer un peu plus dans la voie de la démocratie prennent leur mal en patience.Le bimensuel burkinabè Fasozine se veut plus optimiste. Il est possible pour Kinshasa de s’inscrire dans le prolongement de la conférence de La Baule.
Une nouvelle fois, les peuples africains ont l’occasion de réaliser que c’est à eux de faire naître tous les progrès qu’ils souhaitent voir dans leurs pays respectifs.»
«François Hollande saura-t-il se départir de cette image de président français qui absout les dictateurs africains sans confession?
Il faut espérer que ce président qui se veut "normal", saura faire du voyage de Kinshasa, un déplacement pédagogique, qui enseigne au collège des chefs d’Etat africains francophones notamment que le temps de la mal gouvernance, des élections truquées et du non-respect des droits de l’Homme est révolu.
En tout état de cause, Hollande doit pouvoir le faire clairement comprendre à son homologue congolais, mais aussi à tous les autres.»
De l’autre côté du Fleuve Congo…
Une autre analyse, plus inattendue consiste à attendre du Français qu’il produise un discours novateur, loin de la condescendance de ses prédécésseurs.
C’est le vœu émis par un éditorial d’un quotidien de «l’autre» Congo, Les Dépêches de Brazzaville:
«François Hollande profitera-t-il du "sommet" de Kinshasa pour changer de cap et abandonner la posture favorite des chefs d'Etat français qui consiste à sermonner l'Afrique sans chercher à construire avec elle une coopération durable, équilibrée, juste car fondée sur l'égalité et non sur la dépendance? Prononcera-t-il enfin le discours que nous attendons depuis plus d'un demi-siècle sur le "chemin d'avenir" que pourrait tracer enfin la Francophonie? Fera-t-il amende honorable des multiples erreurs que commirent ses prédécesseurs, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, et qui sont pour une large part à l'origine du déclin actuel de la France?»Abdel Pitroipa et Jacques Matand’
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