Soucieuse, dit-elle, de rajeunir ses troupes, l’armée congolaise a lancé début août une vaste opération de recrutement de jeunes à travers toute la République démocratique du Congo. L’enregistrement des volontaires est en cours à Goma, la capitale du Nord-Kivu (est).
Dans une région ravagée par la guerre, deux Observateurs expliquent leur choix de se porter, ou non, candidat.
Une centaine de jeunes se sont présentés, mardi 28 août, devant les officiers chargés du recrutement à Goma. Au cours de cette phase d’enregistrement, les volontaires âgés de 18 à 25 ans doivent d’abord prouver leur identité puis passer une série d’examens médicaux pour déterminer leur aptitude à effectuer un service militaire.
Des tests physiques, ultime étape du processus, sont prévus vendredi, après quoi les jeunes sauront s’ils partiront en formation pour six mois.
L’état-major des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a assuré que cette opération n’était pas liée à la guerre menée à l’est du pays contre les mutins du Mouvement du 23 mars (M23) mais à une volonté de rajeunir ses rangs.
Si la hiérarchie militaire a jugé utile de le préciser, c’est que l’armée régulière est depuis des années la cible de fortes critiques, exacerbées ces derniers mois par les désertions en cascade.
On lui reproche son incapacité à assurer la sécurité des populations à l’est, terrorisées par des groupes armés qui, depuis quinze ans, font la loi dans cette région.
Les jeunes doivent prouver leur identité et leur âge pour s’enregistrer.
L’armée est aussi décriée pour sa manière de traiter ses soldats. Peu payés (environ 45 euros par mois, quand les salaires sont versés), ces derniers sont aussi mal nourris (les rations alimentaires sont détournées) et mal équipés (il arrive que plusieurs soldats se partagent une arme).
Cette misère explique, en partie, que les militaires se soient rendus coupables à maintes reprises depuis une dizaine d’années de pillages et d’exactions et qu’ils cherchent à mettre la main sur les richesses naturelles dont regorgent les sous-sols de l’est du pays.
Les FARDC ont été constituées après la guerre de 2003 par l’intégration de plusieurs mouvements rebelles dans les troupes régulières. Mais ce processus de « brassage » et de « mixage », sur lequel misait Kinshasa pour pacifier le pays, a rapidement montré ses limites.
En effet, les antagonismes entre les anciennes rébellions rivales sont restés vifs. Le M23, né en mars dernier de la défection d’anciens rebelles enrôlés en 2009, est le dernier exemple d’une stratégie de regroupement qui n’a pas fonctionné.
Au printemps, plusieurs ONG locales et internationales ont exhorté les autorités à entreprendre une réforme de l’armée, un appel réitéré le 22 août dernier par la Belgique (dont la RDC est une ancienne colonie), qui estime que seule une réorganisation des FARDC mettra fin à la guerre dans le pays.
Toutes les photos et les vidéos ont été prises par notre Observateur Charly Kasereka, mardi 28 août à Goma à la cellule de recrutement mise en place par l’armée.
« L’armée cherche à se renflouer en jeunes qui acceptent de monter en première ligne »
Benoît, 22 ans, est étudiant en biologie à Goma.
L’armée congolaise est une institution mal gérée : les soldats ne sont pas payés correctement et quand ils meurent au combat, leur femme passe des années à réclamer la solde de leur défunt mari, souvent en vain. Au Congo, ce n’est pas une fierté d’entrer dans l’armée.
Pour des parents, c’est même une désolation de voir son enfant enrôlé. D’ailleurs, dans mon entourage, je ne connais pas de candidats au recrutement.
En 2009, j’avais postulé pour intégrer un centre d’aviation militaire. J’ai échoué aux tests de recrutement mais je connais beaucoup d’hommes de Goma qui, bien qu’ils aient réussi l’examen, attendent toujours, trois ans plus tard, de partir en formation.
Le recrutement dans l’armée, c’est de la magouille.
Le plus gros problème, c’est son administration. Les gens au sommet sont corrompus, ils sont là depuis trop longtemps et ne laissent pas la place aux jeunes. J’ai des amis qui sont depuis 1997 des soldats de rang alors qu’ils ont combattu sur plusieurs fronts.
Il faudrait limoger tous les grands ‘baobabs’ [les hauts gradés, ndlr]. Au lieu de cela, l’armée cherche encore à renflouer sa base, c’est-à-dire à recruter des jeunes qui acceptent de monter en première ligne pendant que les commandants restent dans les bureaux.
« Mes parents sont terrorisés à l’idée que je puisse partir à la guerre »
Daniel, 25 ans, est étudiant en psychologie à Goma mais il a dû arrêter ses études pour des raisons financières.
Devenir soldat est pour moi une vocation. C’est comme pour ceux qui veulent être prêtre ou infirmière, c’est quelque chose à laquelle je ne peux pas échapper. Avec toutes les guerres qui ravagent mon pays, je veux pouvoir venir en aide aux populations en souffrance et apporter la paix et la sécurité pour tous.
J’entends beaucoup de gens autour de moi qui cherchent à me décourager, en me disant que l’armée est corrompue. Je n’y suis pas encore mais je saurai me protéger de tout cela pour servir mon pays. Quant aux salaires, je considère que je ne deviens pas soldat pour avoir une meilleure vie mais pour améliorer celle des autres, alors ce n’est pas un problème s’ils sont bas.
Mes parents sont les premiers terrorisés à l’idée que je puisse partir à la guerre. À leurs yeux, devenir soldat c’est gâcher sa vie et aller tout droit à la mort. Je comprends leurs inquiétudes : nous voyons tous les jours à Goma des soldats qui rentrent du front blessés ou morts.
Ce billet a été écrit avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.
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