mercredi 19 septembre 2012

Mise en accusation du président J. Kabila : Le débat public est la voie à privilégier



"Joseph Kabila" lors de la cérémonie de prestation de serment le 16 décembre 2012.

1. Introduction

Les représentants du peuple congolais reprennent les travaux parlementaires dans une session ordinaire, ce samedi 15 septembre 2012. Ils ont entre autres priorités à l’ordre du jour : La loi budgétaire. Cependant, les bénéficiaires de cette loi ont d’autres priorités : la paix, la sécurité et l’intégrité territoriale.

L’occupation d’une partie du territoire, l’assujettissement de la population et des crimes graves qui s’y commettent est d’une gravité qui énerve la Constitution. Il se pose des questions sur les dispositions prises par le Président de la République pour résoudre le problème et rendre compte à la nation, en dehors de la communication faite à la presse fin juin 2012.

La stratégie militaire en place expose la population civile à la cruauté de l’ennemi et permet à ce dernier de porter atteinte à l’intégrité territoriale. Une série de faits démontre une mauvaise foi dans la gestion des FARDC, ainsi que le manque de considération pour la RDC notamment dans la gestion obscure des relations avec le Rwanda qui brade les intérêts sécuritaires et économiques du peuple congolais.

Quelles sont les responsabilités ?

Les parlementaires pourront-ils suivre la voix qui demande la mise en accusation du Président Joseph Kabila, afin d’éclairer l’opinion sur cette question qui n’a fait que trop durer ?

L’article 5 de la Constitution congolaise dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. […] ». Elle rappelle en même temps que le souverain primaire individuellement ou collectivement détient le pouvoir et le devoir d’agir quand la nation est en danger : « Tout Congolais à le droit et le devoir sacré de défendre le pays et son intégrité territoriale face à une menace ou à une agression extérieure […] » (article 63).

En définitive, sans indiquer ni délimiter les moyens d’actions, l’article 64 fait devoir à « tout Congolais [a le devoir] de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui […] exerce le pouvoir en violation des dispositions de la présente Constitution. »

2. Contexte et justification de la réflexion

La présente réflexion participe au débat public sur la mise en accusation pour haute trahison du président Joseph Kabila. Elle s’inscrit dans la logique de la série d’opinions qui se veulent d’influencer l’éducation aux droits civils et politiques. Ces opinions sont publiées dans des journaux paraissant à Kinshasa, rassemblées désormais sur le blog http://tshiswaka.blogvie.com/ dont les plus récentes recommandent de suivre des voies légales pour toute conquête de pouvoir en République Démocratique du Congo (RDC).

L’analyse relève de l’angle des défenseurs des droits humains qui portent souvent des jugements sur des faits, en se servant des principes, pratiques et valeurs morales qui fondent le droit international humanitaire et les droits humains. L’engagement pour la promotion et la défense des droits fondamentaux leur permet de prendre position contre des abus, exiger des réparations et faire des recommandations, en vue d’obtenir justice pour les victimes ainsi que de prévenir d’autres violations des droits humains.

Au regard de l’ampleur des abus des droits humains érigés en norme quotidienne, la RDC se retrouve dans une situation où réfléchir à des nouvelles initiatives de participation politique devient une obligation pour le parlement, où ne pas les envisager est inexcusable. Quand le gouvernement ne sait pas défendre les droits du peuple constamment violés, le retrait des mandats publics devient pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Dans cette perspective, la présente réflexion entend pousser les animateurs d’organisations de la société civile à réfléchir aux nouvelles stratégies d’exiger le respect des droits humains, une meilleure protection de la population, la paix, la justice et l’intégrité territoriale.

Des partis politiques de l’opposition appellent au déclenchement de la procédure de mise en accusation du chef de l’Etat. Si la solution à la crise passe par là, celle-ci devrait être bien étudiée par des centres de recherche en droit public, sérieusement envisagée par des groupes de réflexions sur les droits civils et politiques, soutenue par des organisations de la société civile et des églises.

3. Situation de la population du Nord-Kivu

Monsieur Manishimwe Nshimiyimana Rwahinage, chef de localité Rumangabo, en Groupement Kisigari, dans la chefferie de Bwisha, a été abattu vers 19 heures, dans la nuit du 04 au 05 septembre 2012. Selon des antennes d’ONG des droits humains du Nord-Kivu basées a Rutshuru, des éléments du groupe terroriste M23 avaient investi son domicile et lui avaient logé des balles dans la poitrine. « Ce chef de localité avait payé le prix de sa loyauté au Gouvernement et le M23 considérait qu’il n’était jamais acquis à leur cause », conclut le rapport. Ce sort est réservé à tous ceux qui croient à la paix et la justice, sous le territoire contrôlé par le groupe terroriste.

Cet extrait est arrivé au même moment que les nouvelles du Sud-Kivu du 02 septembre matin, renseignant qu’au front de Kamanyola, Monsieur Bagaza Ngandu Manase, « démobilisé Hutu rwandais », revenait du Rwanda avec sept autres combattants Hutu qu’il dirigeait vers Mutarule, afin de renforcer le groupe M23 dirigé par Bedi Rusagura, dans la plaine de la Ruzizi. Sur son passage, il avait aussi fait des victimes civiles et militaires.

Depuis avril 2012, la population civile des provinces du Nord et Sud-Kivu, en RDC, est de nouveau en proie au mouvement terroriste dénommé M23, soutenu par le Rwanda, dont le leadership est constitué d’officiers révoqués des Forces armés de la RDC (FARDC) , anciens membres des « groupes rebelles » dénommés Congres National pour la Défense du Peuple (CNDP) et Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD).

Ce mouvement du M23 occupe le territoire de Rutshuru, aggrave la souffrance de la population, en se livrant aux massives violations des droits humains. Il intimide la population la contraignant aux déplacements massifs, créant ainsi une crise humanitaire. Il recrute de force des enfants, déstabilise les pouvoirs publics et détruit les structures fondamentales mises en place .

Dans son rapport publié le 11 septembre 2012, Human Rights Watch (HRW) détaille des crimes de guerre et des sévices d’une terrible brutalité commis par ce groupe terroriste. Le rapport atteste que depuis juin, M23 avait tué de sang froid au moins 15 civils et par balles une jeune femme de 25 ans enceinte de trois mois, parce qu’elle résistait au viol. Deux autres femmes sont mortes des blessures de viol. Au moins 46 femmes et une fille de 8 ans ont été violées. Le groupe avait attaqué des civils au village Chengerero, brulé vive au carburant une femme après l’avoir voilée. Des autorités locales, des chefs coutumiers, des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui se sont élevés contre les violations des droits humains commis par le M23 ont été pris pour cible. Au moins 600 jeunes ont été recrutés de force. Plus de 220.000 personnes ont fui ces atrocités et vivent sans abris. Toutes ces atrocités ne sont pas restées sans réaction de l’opinion publique. 33 recrues qui essayaient de fuir ont été sommairement exécutées.

Les souffrances de la population congolaise habitant la Province-Orientale, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Nord du Katanga n’ont jamais été allégées. Elles sont en générale l’œuvre des mêmes acteurs qui agissent dans la région depuis 1996. Ils opéraient d’abord sous couvert de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), ensuite sous le RCD qui s’était transforme en CNDP, avant de devenir M23.

4. Réactions

Au regard de la perte de contrôle sur le territoire de Rutshuru par les FARDC et des violations des droits humains toujours croissantes ; des medias congolais, des organisations de la société civile, la diaspora ainsi que des églises congolaises ont fait appel aux hommes épris de paix et de bonne foi, aux institutions régionales et internationales pour intervenir en faveur de la population civile.

L’église Catholique avait organisé une marche de protestation dans toutes les provinces de la RDC et avec les autres chefs religieux, ils ont réuni plus d’un million de signatures qu’ils ont remis au Secrétaire Général des Nations Unies , afin de conjurer la balkanisation de la RDC.

Il est unanime aujourd’hui que le pays est amputé du territoire de Rutshuru par le M23. L’agression extérieure est constatée par le Président de la République et toute la communauté nationale. Les partis politiques, les organisations de la société civile ainsi que les institutions publiques (par la voie du gouvernement) l’on fait savoir à la communauté internationale.

Sur cette base, un groupe de partis politiques de l’opposition mettent à charge du président Joseph Kabila des faits constitutifs de haute trahison susceptibles de motiver le déclenchement de la procédure de sa mise en accusation . Ils envisagent de saisir le parlement pour déclencher le mécanisme prévu par la Constitution en cas de « haute trahison », puisqu’ils considèrent que «la complicité avec les agresseurs est totalement établie» en sa charge, quoi qu’il jouisse encore de la présomption d’innocence que seule la Cour constitutionnelle, sollicitée à cet effet, pourrait soit infirmée soit confirmée.

Les arguments avancés sont :

(i) La guerre contre la RDC dont on déplore des graves violations des droits humains et des crimes de guerre, a comme élément déclencheur un accord secret signé, le 23 mars 2009, entre le gouvernement de la République et le CNDP.

(ii) L’accord ainsi conclu l’a été en violation des normes internationales, des dispositions pertinentes de la Constitution et des lois congolaises . Et que le Président en étant au courant n’a pris aucune disposition pour empêcher ou limiter ses méfaits sur la population, ni en communiquer le contenu au peuple.

(iii) Cet accord qui brade les intérêts du pays, est aussi à la base de l’entrée des militaires rwandais sur le territoire congolais pour y faire la guerre contre des rebelles rwandais des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) .

(iv) La collaboration illégale avec l’armée rwandaise et le financement des opérations militaires contre des groupes rebelles rwandais sur le territoire congolais a causé beaucoup de massacres et autres graves violations des droits humains contre la population civile congolaise.

(v) Le gouvernement n’a reconnu la présence de ces forces rwandaises et leurs actes d’agression qu’en août 2012, après la dénonciation par des ONG, le groupe d’experts des Nations Unies et l’aveu du Rwanda.

(vi) Cette collaboration, d’après les accusations du gouvernement contre le Rwanda, a fini par asseoir un mouvement rebelle à Rutshuru où il terrorise, commet des crimes de guerre et autres graves violations des droits humains.

(vii) Face au Rwanda et au M23, le Président Joseph Kabila sollicite des forces étrangères pour venir aider la RDC, sans se référer au parlement, ni proclamer l’état d’urgence.

Les faits ci-haut soulèvent entre autres des questions de manque d’actions et d’absence de responsabilité dans la gestion de l’armée. Ils relèvent que le gouvernement de la RDC dirigé par le président Joseph Kabila ne sait plus organiser les troupes pour protéger la population congolaise contre des exactions du M23 et le Rwanda, ainsi que des entrées intempestives des rebelles rwandais sur le territoire congolais.

Conformément au pouvoir que lui reconnait l’article 83 de la constitution, « le Président de la République est le commandant suprême des Forces armées. Il préside le Conseil supérieur de la défense» et devrait prendre des mesures nécessaires, sur un ton clair, face à l’amputation du territoire de Rutshuru par le M23, les crimes qui s’y commettent contre la population civile et l’agression du Rwanda.

5. Position du gouvernement face au M23 et l’agression rwandaise.

Le président Joseph Kabila accuse le Rwanda d’actes d’agression et indirectement, par le M23 interposé, de la déstabilisation de l’Etat. Le porte-parole du gouvernement allègue que l’armée rwandaise avait profité du retrait de « ses officiers de renseignement » pour « exfiltrer quelques-uns de ses éléments entrés en RDC pour attaquer les FARDC aux côtés du groupe pro-rwandais M23 ”.
Face à la gravité du problème, le Président Joseph Kabila a sollicité, en juillet 2012, une force « neutre » à l’Union Africaine que la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs (CIRGL) présidée par l’Ouganda s’engage à mettre sur pied.

Il a demandé, en août 2012, au Conseil de Sécurité des Nations Unies d’étendre le mandat des forces de maintien de la paix pour agir directement contre le M23. Il est à rappeler que la MONUSCO se dit venir en appui au gouvernement pour la protection de la population civile et ne peut se battre pour défendre l’intégrité territoriale qui relève du gouvernement.

Il a déclenché l’opération de recrutement des jeunes, amorcée au mois d’août 2012 qui ne mobilise pas de citoyens congolais qui estiment que « les militaires ne sont pas bien traités » .

Des officiels congolais au sommet du gouvernement font souvent état de cette mauvaise gestion de l’armée. D’aucuns affirment que les militaires congolais au front sont mal entretenus et ne se battent presque plus. « L’armée congolaise a été souvent confrontée aux problèmes de manque de ration alimentaire et de détournements. Six militaires sont morts de faim en 2006 à Kamina. Adolphe Muzito, ancien Premier ministre, avait dénoncé en 2008 les détournements des fonds et des rations destinés aux militaires engagés au front dans la province du Nord-Kivu. Ses dénonciations avaient été confirmées quelque temps après. La mission des Nations unies en RDC a dépensé entre janvier et octobre 2009 près de 4 millions de dollars américains pour la ration alimentaire des militaires congolais engagés dans la guerre dans l’Est du pays. En 2008, la société civile de Mahagi (Province Orientale) avait dénoncé la prise en charge obligatoire de la ration des militaires de la force navale par la population locale. La même situation a été observée à Nyabiondo au Nord-Kivu en 2006 » .

Le ministre rwandais de la Défense qui dit bien connaitre les FARDC s’en moque en alléguant qu’ils «ne peuvent même pas tuer un rat» . Et le rapport du réseau des ONG sur la reforme du secteur de sécurité, cosigné par 13 organisations congolaises et internationales, intitulé : «RDC : Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité» conclut que le gouvernement ne veut pas d’une armée professionnelle et efficace.

6. Réaction du Rwanda face à l’accusation d’agression.

Le Rwanda nie toute allégation d’agression. Son ministre de la Défense, M. James Kabarebe avait révélé à cet effet, le 29 août 2012, que plus de 350 troupes rwandaises étaient en RDC, depuis 2009, avec le consentement du gouvernement congolais.

Rnanews.com souligne que ces forces ont été financées par le gouvernement congolais et portaient l’uniforme des FARDC pendant ces trois années de séjour dans le Nord-Kivu.

L’ambassade du Rwanda en RDC distribue aux journalistes congolais, par internet, des images (Youtube) qui montrent des officiels congolais dont le colonel Yav embrassant des officiers rwandais partant de la RDC, en uniforme des FARDC.

7. Des obligations du Président de la République.

A travers un suffrage universel, le Président de la République reçoit un mandat public du peuple d’une durée de cinq ans, une seule fois renouvelable. Il lui est fait l’obligation de rendre compte de l’accomplissement de ce mandat soit en s’adressant à la nation directement soit par l’entremise des deux chambres réunies, conformément à l’article 77 qui stipule que «le Président de la République adresse des messages à la Nation ; Il communique avec les Chambres du Parlement par des messages qu’il lit ou fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat ; Il prononce, une fois l’an, devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès, un discours sur l’état de la Nation ».

La fonction du président l’oblige à jurer, conformément à l’article 74, «devant Dieu et la nation : […] - d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ; - de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire ; - de sauvegarder l’unité nationale ; […] ».

L’article 85 enjoint impérativement au Président de la République, lorsque des circonstances graves menacent, d’une manière immédiate, l’indépendance ou l’intégrité du territoire national ou qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des institutions, « de proclamer l’état d’urgence ou l’état de siège, après concertation avec le Premier ministre et les Présidents des deux Chambres, conformément aux articles 144 et 145 de la présente Constitution ». Il en informe la nation par un message. […]

8. Qu’en est-il de la Haute Trahison du Chef de l’Etat ?

Le dictionnaire wikipedia définit la trahison comme « le fait d’abandonner, de livrer à ses ennemis ou de tromper la confiance d’un groupe, d’une personne et/ou de principes (moraux, ou autres) ». Il y a différents degrés dans la trahison, le point commun est de briser une loyauté . L’acte ou l’action méritant la qualification de haute trahison est un crime qui consiste en une extrême déloyauté à l’égard de son pays ou de ses institutions.

Dans cette approche profane, la trahison contre le peuple congolais ou sa constitution sera comprise comme l’un quelconque des actes suivants: (i) Le fait d’abandonner à ses ennemis… ; (ii) le fait de livrer à ses ennemis …; (iii) le fait de tromper la confiance du peuple congolais… ; (iv) le fait de briser la loyauté du peuple congolais.

Une discussion de juristes conclut qu’il n’y a pas de définition juridique de Haute trahison. Seulement, parfois, une énumération non limitative des cas d’ouverture quand ce chef d’inculpation est explicitement prévu. Son champ semble couvrir au moins les deux domaines suivants : l’attentat à la sûreté de l’État et l’intelligence avec l’ennemi.

L’article 165 de la Constitution définit la Haute Trahison comme suit : « Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une partie du territoire national […] ».

Le Code pénal ordinaire congolais donne certains éléments constitutifs de la trahison dans les articles qui vont de 182 à 186, citant notamment le fait
«d’entretenir l’intelligence avec une puissance étrangère, livrer les ouvrages de la défense, provoquer la désertion, la démoralisation des militaires».

Le Colonel Laurent Mutata Luaba analyse la trahison en se fondant sur l’article 128 du Code pénal militaire du 18 novembre 2002. A la page 636 et 637 de son livre, il fait référence à l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation notamment l’indépendance, l’intégrité territoriale, les moyens de sa défense et la sauvegarde de la population. Il considère les éléments suivants dans la définition : « le fait de livrer à une puissance étrangère […] soit des troupes appartenant aux FARDC, soit tout ou partie du territoire nationale, […] entretenir des intelligences avec une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la République, […] livrer ou rendre accessibles à une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou de leurs agents des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont l’exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » .

L’article 163 de la Constitution congolaise institue la Cour Constitutionnelle (dont la Cour Suprême de Justice fait encore office) comme « la juridiction pénale du Chef de l’Etat et du Premier ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution. » C’est elle finalement qui apprécie la mise en accusation du Président pour Haute Trahison, en vertu de l’article 164 qui dit que la « la Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, […] ».

Si les partis politiques et autres associations peuvent trouver un quelconque acte de haute trahison dans le chef du président Kabila, « la décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le Règlement intérieur », conformément a l’article 166 de la constitution.

Les exemples de haute trahison les plus simples sont : participer à une guerre contre son propre pays, la collusion avec une puissance étrangère, le complot visant par exemple la tentative de coup d’État ou l’assassinat du chef d’État, la sédition et l’insurrection.

Il y a deux exemples de mise en accusation des chefs d’Etats africains. (i) Le Président nigérian Goodluck Jonathan, qui a survécu à l’accusation de juillet 2012 pour mauvaise performance dans l’exécution budgétaire en milieu de l’exercice 2012. (ii) Le Président sud africain, M. Thabo Mbeki, mise en accusation, en septembre 2008, pour son interférence dans les affaires judiciaires qui opposaient le ministère public contre le vice-président d’alors, M. Jacob Zuma. Le Juge de la Cour Suprême de Justice d’Afrique du Sud avait mis en cause le président Mbeki que son parti avait par la suite démis de ses fonctions de Président du parti politique, le Congres National Africain (ANC) et de celles du Président de la République Sud-africaine.

Aux Etats-Unis, la Constitution stipule a son article deuxième, section 4 que "Le président, Le vice-président et tous les hauts fonctionnaires civils des Etats Unis seront demis de leurs fonctions par la procédure de mise en accusation (Impeachment) et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes graves ». Sur cette base, deux présidents étaient mis en accusation: Le Président Richard Nixon, pour le scandale de Watergate et président Bill Clinton, pour le scandale d’une union extraconjugale, considérée comme une immoralité.

9. Conclusion

La déception des partis politiques et des organisations de la société civile de défense des droits humains est perceptible à travers la presse nationale et internationale. Lorsqu’on «google» la phrase «Le Président Joseph Kabila accusé de haute trahison», on reçoit des milliers de résultats commentés en diverses langues, sur tous les cinq continents. Ce qui montre qu’on attend beaucoup du parlement.

Il est à noter cependant qu’en recourant au droit positif congolais et plus précisément à la Constitution, au Code pénal ordinaire et au Code pénal militaire, l’appel à la « légalité » pourra connaitre des difficultés liées (i) au fait que les politiciens ne font pas confiance à la Cour suprême de justice (CSJ) pour des grandes questions comme celle-ci , et (ii) à la configuration du Parlement qui est telle qu’il sera difficile de réunir le quorum de 2/3 qu’exige la Constitution pour mettre le Président de la République en accusation.

Pour ce faire, la Majorité au pouvoir à besoin de courage politique exceptionnel pour débattre de la question en fonction de la continuité des institutions politiques et militaires, afin de répondre aux besoins fondamentaux de la population. La Majorité doit prendre des précautions pour que le remplacement éventuel du président Joseph Kabila se fasse comme ce fut le cas avec le président Thabo Mbeki et ne puisse empirer la situation de la population et du territoire national.
De leur coté, les organisations politiques, celles de promotion des droits humains et de la démocratie sont encouragées à poursuivre cette procédure comme seule voie recommandable, et ne pas envisager l’usage de la force des armes qui causerait davantage de dégâts humains et matériels. La nation congolaise doit finalement tirer des leçons du passé douloureux qui avait abouti à la sagesse d’instaurer des principes démocratiques.

La solution à cette situation ne concerne pas seulement les partis politiques. Elle doit réveiller le sens de responsabilité citoyenne individuelle de chacun des congolais qui souffrent de ce mode de vie qui n’a rien d’humain. Une vie dans laquelle des millions de membres de la communauté sont réduits aux statistiques de survivants des massacres et viols pendant des années ; des déplacés fuyant dans la brousse, dans un état de peur constante du groupe terroriste du M23, sans abris et exposés à toute forme d’intempérie.

Quelle que soit l’issue de la procédure, la démarche démontre au moins deux choses : (i) que du point de vue de la morale et de la compréhension générale de la « trahison » , le seuil minimal de confiance entre le président Joseph Kabila et le peuple congolais est sérieusement entamée ; et (ii) que politiquement, la RDC a besoin d’une solution à cette situation qui ne permette pas au chef de l’Etat de procéder à une quelconque reforme de l’armée, la police et autres services de sécurité nationale. Reformes pourtant nécessaires à la protection de la population et l’intégrité territoriale.

La procédure de mise en accusation du président Kabila devant les institutions politiques et judiciaires prévues par la Constitution est l’expression démocratique que des partis politiques et organisations de la société civile appellent de leur vœu.
Tshiswaka Masoka Hubert, Kinshasa, le 13 septembre 2012.
© Congoindépendant

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