le mardi 18 septembre 2012
Le Rwanda est contre le déploiement d’une Force internationale neutre (FIN) à sa frontière avec la RDC. En lieu et place, il milite pour le maintien du mécanisme conjoint de vérification.
Au sein de la CIRGL, on a mordu à l’hameçon en se perdant dans des argumentairesd’ordre financier et opérationnel faisant de la FIN unegageure sinon une utopie.
Au fond, ce qui a été convenu à Goma récemment n’est que la mise en marche du piège de Kigali qui, depuis les rencontres de Kampala et d’ailleurs, a toujours défendu, à cor et à cri, le statu quo.
Le Rwanda ne veut, pour rien au monde, se départir du dispositif stratégique qu’il a mis en place pour avoir la mainmise sur la RDC. Naturellement, avec l’aide de ses commanditaires anglo-saxons, il distrait l’opinion internationale en jouant à la fois au pyromane et au sapeur-pompier.
Ayant été mis à nu par plusieurs rapports des Nations unies et d’autres organismes internationaux, le régime de Kigali a joué à l’autruche en acceptant sans y croire ni y souscrire les conclusions des rencontres organisées au niveau ministériel et au sommet pour tenter de résoudre la crise sécuritaire en RDC et dans les Grands Lacs.
C’est le cas du déploiement d’une Force internationale neutre (FIN) à la frontière entre le Rwanda et la RDC. Une initiative avalisée la CIRGL après avoir constaté la rupture de confiance entre les Etas membres de la sous-région.
S’agissant du Rwanda et de la RDC, aucune avancée significative n’a été constatée sur le terrain alors que les deux voisins venaient d’expérimenter diverses initiatives, notamment desrencontres bilatérales à tous les niveaux, des opérations militaires conjointes, la mise en commun des renseignements militaires, le tout ayant débouché sur l’adoption d’un mécanisme conjoint de vérification à la frontière commune.
L’inefficacité de toutes ces initiatives a poussé la CIRGL à s’impliquer dans le conflit et imaginer d’autres initiatives pour un cessez-le-feu immédiat et un retour d’une paix durable. Les forces négatives, notamment les FDLR et le M23 (dernière création rebelle pro-rwandaise) étant demeurées davantage actives sur le terrain.Et l’on a convenu d’une Force internationale neutre (FIN).
Seulement voilà. Pendant que l’on bat campagne pour réunir tous les éléments techniques, logistiques et financiers pour rendre opérationnelle la FIN, Kigali, toujours subtil et opportuniste à tout crin, joue et gagne. Il réussit à convaincre Kinshasa de retourner au mécanisme conjoint de vérification en jouant sur la terminologie. Et au sein de la CIRGL, on mord à l’hameçon.
Et c’est Goma (et toujours Goma) qui est choisi pour accueillir les rencontres des experts militaires de la CIRGL. Une réunion y est tenue les 15 et 16 septembre 2012.
Selon le gouverneur du Nord-Kivu, rapporte Radio Chine internationale, cette réunion est parvenue à « tracer de manière technique les éléments du concept opérationnel de la force tout en réfléchissant sur la mise sur pied de l'équipe militaire d'évaluation pour qu'elle commence déjà à travailler dès le 22 septembre ».
Julien Paluku s’est félicitédes conclusions de cette rencontre, précisant que « le mécanisme conjoint de vérification est seulement pour se rassurer de l'étanchéité de la frontière entre la RDC, le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda ».
La grande nouveauté de la dernière rencontre de Goma a été la création d’une équipe militaire. Sur papier, l’équipe militaire, calquée sur le format du mécanisme conjoint de vérification, est officiellement chargée d'évaluer la capacité des forces négatives dans l'Est de la RDC, dont le M23. Elle devait être opérationnelle, selon Julien Paluku, dès le 22 septembre. Elle est, de cette manière, présenté comme un prélude au déploiement de la FIN.
La question qui taraude les observateurs avisés est celle de savoir ce qui aura changé sur le fond ? Présenté comme une solution de rechange, en attendant la mise en œuvre de la Force internationale neutre, le mécanisme conjoint de vérification est tout ce que Kigali a espéré depuis la première rencontre de la Cirgl en juillet dernier à Addis-Abeba, en marge du sommet de l’Union africaine.
L’on se rappelle qu’au terme du dernier sommet de la CIRGL, auquel le président rwandais, Paul Kagame a brillé par son absence, les chefs d’Etat présents se sont donné trois mois pour lé déploiement effectif de la FIN. Dans l’esprit de la rencontre de Goma, l’équipe militaire est censée placer des balises dans la perspective de la mise en œuvre de ladite force.
Cette équipe militaire d'évaluation, dont la présidence est confiée à un Tanzanien, aura deux délégués de chaque pays membre de la CIRGL, et devra essentiellement focaliser son attention sur l'organisation technique, matérielle et humaine des groupes armés en prélude du déploiement de la FIN.
Le gouverneur a également confié que l'équipe militaire d'évaluation, mise en place 24 heures après le lancement du mécanisme conjoint de vérification de renseignements des pays de la CIRGL, bénéficiera de l'appui des FARDC et de la MONUSCO.
Le provisoire qui doit durer
La réactivation du mécanisme conjoint de vérification, en lieu et place du déploiement de la Force internationale, est cet arbre qui cache la grande forêt de compromissions qui entoure les discussions amorcées au sein de la CIRGL pour une issue diplomatique probable au nouveau drame de l’Est de la RDC. En grattant un peu plus, l’on se rend compte que rien ne profite réellement à la RDC.
Lorsque le 8 septembre 2012 à Kampala, les trois chefs d’Etat de la CIRGL, réunis autour du président ougandais Yoweri Museveni, à savoir le Congolais Joseph Kabila, le Tanzanien Jakaya Kikwete et le Sud-soudanais Salva Kiir, prévoient de déployer dans les trois mois qui allaient suivre la FIN, personne ne se doute du tour de passe-passe que concocte Kigali.
Quelques jours après Kampala 2, son schéma est mis en œuvre à Goma. Le piège s’est donc refermé sur la RDC.
Le ministre rwandais de la Défense avait annoncé les couleurs dans une interview à Colette Braeckman.
A la journaliste belge, James Kabarebe prédisait en ces termes : « (…) Je ne suis pas sûr que la force neutre verra jamais le jour. Par contre, ce qui fonctionnera, c’est le mécanisme conjoint de vérification, qui sera composé de trois représentants de chacun des Etats membres de la conférence.
Le commandement sera exercé par l’Ouganda, le numéro deux sera originaire de Brazzaville, les autres viendront de RDC, du Rwanda, du Burundi, de l’Angola, de la Tanzanie…
Ces officiers vérifieront la frontière entre la RDC et le Rwanda, ils contrôleront aussi sur le terrain l’application du cessez-le-feu entre l‘armée congolaise et le M23 et la présence des FDLR sur le terrain ».
Dans un air triomphateur, le ministre rwandais de la Défense justifiait la pertinence de son schéma « en attendant l’éventuel déploiement de la force neutre. Si elle vient jamais… ».
La force neutre, pas avant 2015
Kigali est convaincu que la FIN ne verra pas le jour dans le délai fixé par la CIRGL. Quoique présentécomme provisoire, l’enclenchement du mécanisme conjoint de vérification passe, selon le Rwanda, pour une solution définitive.
Ce que ne méconnait d’ailleurs pas le professeur Ntumba Luaba, secrétaire exécutif de la CIRGL, qui, dans une interview au journal Les Coulisses, paraissant à Beni dans le Nord-Kivu, datée du 9 août 2012, rappelle que le principe pour le déploiement de la Force internationale neutre « est déjà acquis (…) avec un double mandat de contrôler et sécuriser la frontière ».
En réalité, poursuit-il, « il s’agit d’assurer la surveillance de deux zones (l’Est du Congo – Ouest du Rwanda. Ouest du Burundi – Ouest de l’Ouganda ». Mais, là où le bat blesse c’est lorsque le professeur Ntumba Luaba, note qu’« il y a des étapes pour opérationnaliser cette force qui ne sera vraiment opérationnelle qu’en 2015… ». C’est tout dire.
Pendant ce temps, les troupes d’occupation consolident leur position dans l’Est. Le piège de Kigali est en marche.
Le Potentiel
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