jeudi 20 septembre 2012

Sommet de la Francophonie : L’Opposition congolaise opte pour la "chaise vide"

 
Le Palais du peuple va abriter le Sommet de la Francophonie

Les groupes parlementaires de l’Opposition ont décidé de «sécher» le Sommet de la Francophonie prévu du 12 au 14 octobre prochain à Kinshasa. Dans un communiqué signé par les députés nationaux Samy Badibanga (UDPS/FAC), Justin Bitakwira (UNC & alliés) Jean-Lucien Bussa (MLC & alliés) et José Makila, les chefs des groupes parlementaires de l’opposition donnent la raison. A savoir qu’ils ne font partie ni du gouvernement encore moins de la majorité au pouvoir.
Ce n’est pas un boycott mais cela y ressemble fort. En prévision du sommet de la Francophonie, le ministre de l’Intérieur, le PPRD Richard Muyej Mangez, «consulte». Il a, dans ce cadre, invité les chefs des groupes parlementaires de l’opposition à venir s’entretenir avec lui sur le déroulement de cette manifestation politico-diplomatique. Notons que les forces de l’opposition avaient plaidé pour la «délocalisation» de cette rencontre internationale. Des messages ont été transmis dans ce sens à la secrétaire d’Etat française chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui, lors de son séjour à Kinshasa.

"Cahier de charges"

Lundi 17 septembre, les chefs des groupes parlementaires de l’opposition se sont concertés, sur cette invitation. Lieu : le siège du MLC (Mouvement de libération du Congo). A l’issue de cette réunion, les participants ont «levé l’option» de ne pas participer à la "grande messe" des nations ayant en paratage la langue française. Dans ce communiqué, il est écrit que «les groupes politiques de l’opposition ne prendront pas part à cette messe parce qu’ils ne font pas partie et du gouvernement et de la Majorité». Les représentants de l’opposition mettront à profit ce temps pour élaborer le «cahier de charges» de "leur rencontre avec le président français, François Hollande, d’autres chefs d’Etat et différents chefs de délégation pendant leur séjour à Kinshasa". «Le déficit démocratique ; la violation massive des droits de l’homme (cas : Floribert Chebeya, Fidèle Bazana, Fernando Kuthino, Gabriel Mokia, Pierre-Jacques Chalupa) ; l’insécurité dans tout le pays en général et à l’Est en particulier». Ce sont les sujets que l’opposition entend évoquer avec les différents interlocuteurs.

Lors d’une interview accordée, jeudi 28 juin, à quelques journalistes kinois, «Joseph Kabila» n’avait pas exclu d’associer les représentants de l’opposition aux travaux de la Francophonie. «Nous allons inviter nos amis de l’opposition à l’ouverture du Sommet de la Francophonie, déclarait-il. C’est le Congo qui est à l’honneur». A la question de savoir s’il allait s’entretenir avec les représentants de l’opposition, il dira : «Je n’ai jamais fermé la porte à l’opposition. On est prêt à dialoguer avec l’opposition à tout moment».

Depuis la tenue des élections chahutées du 28 novembre dernier, le climat politique est de plus délétère au Congo démocratique. Accusé d’avoir commis un «hold-up électoral», «Joseph Kabila» est plus que jamais contesté par la grande majorité de la population. Une population qui a acquis, par ailleurs, la conviction que l’amélioration de son quotidien est loin de faire partie des priorités du pouvoir en place. Le déclenchement, au mois de mai, de la «rébellion» du M-23 et les contre-performances de l’armée nationale n’a fait qu’exacerber le climat de défiance ambiant à l’égard d’un chef d’Etat suspecté, à tort ou à raison, d’être de connivence avec ceux qui tentent de «balkaniser» le Congo.

"Mobilisation générale"

Au cours de sa réunion extraordinaire du samedi 7 juillet présidé par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, le Conseil des ministres a lancé un appel de «mobilisation de l’ensemble du peuple congolais» en vue de «faire échec» à «ceux» qui veulent attenter à l’intégrité du territoire national. Un appel surprenant de la part d’un pouvoir qui n’a jamais rassemblé les Congolais autour des valeurs de solidarité et de cohésion nationale. Redoutant que la «mobilisation» décrétée ne se transforme en une contestation d’un pouvoir dont l’impopularité crève les yeux, le ministre de l’Intérieur, le même, est monté au créneau, vendredi 13 juillet, pour préciser que «la mobilisation n’est pas synonyme de marche». Pour lui, il s’agit simplement de «sensibiliser en regardant dans la même direction» et «faire la paix par le dialogue». Qui doit faire la paix avec qui?

Le 31 août, l’opinion congolaise apprenait avec stupeur l’annonce par le Rwanda du retrait de ses 280 soldats. Ceux-ci se trouvaient à Rutshuru, au Nord Kivu, depuis deux ans, dans le cadre d’un «mécanisme bilatéral de surveillance des frontières» connu de "Joseph Kabila" et de Paul Kagame dont le pays est accusé par le premier d’agresser le Congo. Où est la cohenrence?

Coup de théâtre. Réagissant à cette nouvelle situation, des partis de l’opposition - à l’exception du MLC - ont publié, lundi 3 septembre une déclaration politique exhortant le Parlement à enclencher la procédure de mise en accusation de «Joseph Kabila» pour «haute trahison». Et ce en application de l’article 165 de la Constitution. L’UDPS d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba a rendu publique, le 7 septembre, un communiqué dans les mêmes termes.

Inutile de relever que l’opinion congolaise est opposée à toute idée de négociation avec les «rebelles » du M-23. Une position soutenue par les confessions religieuses. «Non aux négociations avec les criminels !», peut-on lire dans une pétition publiée le 12 juillet. Et pourtant. Dans son bulletin daté du lundi 17 septembre, l’Agence congolaise de presse rapporte dans un style digne de la "Pravda" à l’époque soviétique que «le Président Joseph Kabila Kabange a mis en branle sa machine diplomatique en quête du rétablissement d’une paix durable dans la province du Nord-Kivu (…) ». A en croire l’ACP, «Joseph Kabila Kabange ne s’est accordé aucun répit depuis que le pays est victime d’une agression». «Il est au four et au moulin, à la recherche de solutions durables successibles de ramener la paix dans cette partie orientale de la RDC. Pour y arriver, il s’est engagé à se rendre partout où l’on traite du retour de la paix dans la province du Nord-Kivu». L’ACP de rappeler que «le 3ème sommet de Kampala a opté pour « des solutions diplomatiques et politiques en vue de parvenir à la cessation totale des hostilités dans l’Est de la RDC, l’option militaire ayant été mis en sursis, pour l’heure». Confondant le métier de journaliste à celui d’agent publicitaire, l’agence de conclure que «c’est là une victoire diplomatique incontestable à l’actif du Président Joseph Kabila Kabange». Une victoire?

Sauf changement, "Joseph Kabila" aura "son" Sommet de la Francophonie mais sans la participation des représentants de l’opposition congolaise. Boycott? Personne n’a utilisé ce mot. Les opposants entendent par ce «message fort» dénoncer le «déficit démocratique» s’illustrant notamment par le mépris de l’oligarchie au pouvoir du principe même de pluralisme politique consacré dans la Constitution.

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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