mercredi 3 octobre 2012

Crise au Nord Kivu : Le M-23 persiste et signe

Jean-Marie Runiga Lugerero, le Coordonnateur politique du M23. Images TV

Dans un communiqué daté du mardi 2 octobre 2012, le «Mouvement du 23 mars» annonce que ses forces «ont pris le contrôle» de la localité de Nyamilima qui était sous le contrôle, semble-t-il, des miliciens des FDLR. Nyamilima est située à une quarantaine de kilomètres de Rutshuru.

Pendant que les autorités de Kinshasa - «Joseph Kabila» en tête - paraissent tétanisées par la crise qui règne dans la province du Nord, le M-23 continue à avancer ses pions. Il étend son emprise sur cette région. La ville de Goma reste menacée.

A Kinshasa, les forces politiques de l’opposition affichent leur "incompétence" face aux kabilistes qui continuent à «verrouiller» les débats à l’Assemblée nationale et à tenir la population en respect.
Analyse

Selon le porte-parole de ce M-23, Bertrand Bisimwa - lequel jouait le même rôle au sein du CNDP sous la présidence du flamboyant Laurent Nkunda Mihigo - , il s’est agi d’une «opération de police» afin non seulement d’y «déloger des forces négatives de FDLR» mais aussi pour «créer (…) les conditions favorables au retour dans leurs villages respectifs des milliers des déplacés civils». Le M-23 qui tente de soigner son image, en prenant la posture d’une «organisation républicaine», d’ironiser sur «l’armée gouvernementale». Il accuse celle-ci d’avoir abandonné les habitants de Nyamilima «à leur triste sort» sous les intempéries et à la merci de ces "inciviques".

Après avoir relevé que l’ordre public est revenu à Nyamilima, le M-23, convaincu de son "invincibilité", de souffler le chaud et le froid. Il réaffirme d’une part sa volonté de respecter la «trêve» demandée par le président Yoweri Kaguta Museveni en sa qualité de président de la CIRGL (Conférence internationale sur la Région des Grands-Lacs). De l’autre, il brandit une sorte d’épée de Damoclès en clamant «sa détermination à garantir la protection des vies humaines mises en péril par ces inciviques qui écument nos villages et insécurisent nos populations civiles». Traduction : le mouvement entend poursuivre d’autres actions de ce genre. Jusqu’où?

Il faut refuser de regarder pour ne pas voir que le M-23 reste dans sa logique. Une logique qui consiste à accentuer la pression sur le terrain afin de forcer «Joseph Kabila» et son gouvernement à se mettre autour de la table de négociation. Le Mouvement se sent pousser des ailes. Il semble avoir pris toute la mesure de l’atonie du camp adverse. «Recourir à l’appui des troupes étrangères pour régler une crise interne aura toujours un caractère limité dans le temps et dans l’espace», déclarait Jean-Marie Runiga Lugerero, le coordonnateur politique du Mouvement. Pour Runiga, le M-23 va continuer «à revendiquer le respect de l’Accord de paix de Goma». «Dans le cas actuel, soulignait-il au cours d’un point de presse à Bunagana, le gouvernement du pays feint d’ignorer le partenariat qui nous lie à travers l’accord de paix de Goma et qui nous confère le droit de nous plaindre s’il y a lieu». En un mot, le M-23 veut s’imposer comme le véritable interlocuteur des autorités de Kinshasa et non «certains pays voisins» dont le Rwanda.

Un Président impuissant

Dans son discours prononcé à la tribune de la 67ème Assemblée générale des Nations Unies, «Joseph Kabila» est apparu désemparé. Ambigu. Il a dit une chose et son contraire. Il a reconnu «qu’il revient» à l’Etat congolais d’assurer la défense de son territoire et y compris la «détermination» des autorités congolaises «à assumer cette responsabilité» en y consacrant toutes les «ressources humaines, matérielles et financières, quitte à sacrifier» les «ambitions légitimes pour l’émergence» du pays. Après ces propos dignes d’un bretteur prêt à croiser le fer, le numéro un Congolais a fini par adopter une attitude défaitiste. «En effet, dira-t-il, depuis le mois de mars de cette année, la province du Nord Kivu (…) est redevenue tristement célèbre, non pour la beauté incomparable de ses paysages, (…) mais comme démonstration du mal profond que l’égoïsme, l’extrémisme, le communautarisme et le primat de la loi de la force sur la force de la loi peuvent produire dans une société». «Cette situation est inacceptable. Elle mérite d’être condamnée et devrait donner lieu à des sanctions. Nous attendons de la Communauté des Nations (…) et du Conseil de Sécurité qu’il fasse respecter ses résolutions. C’est la condition de leur efficacité et de leur crédibilité», a-t-il conclu. Le chef de l’Etat congolais attend donc que la "communauté internationale" envoie des troupes pour restaurer l’intégrité du territoire national. Quel aveu d’impuissance !

Une opposition en panne de stratégie

A Kinshasa, l’opposition congolaise, minée par le schisme et incapable de contourner les manœuvres dilatoires du pouvoir kabiliste pour désigner son porte-parole, paraît en panne de stratégie. Leader de l’opposition, Etienne Tshisekedi wa Mulumba - dont le parti, l’UDPS, est empêtré dans des contradictions internes pour le moins ubuesques - est assigné à résidence de facto depuis le mois de janvier dernier. Les manifestations sur la voie publique sont quasiment interdites. Sauf pour les partisans du «raïs». Tenu en respect par les forces dites de sécurité qui se comportent en milices du parti kabiliste le PPRD, les représentants des forces politiques et sociales "acquises au changement" n’osent prendre l’initiative d’une attaque frontale.

Au Parlement, le rapport des forces est loin d’être en faveur de l’opposition. Jouissant de la majorité numérique, les kabilistes ont levé l’option de «verrouiller» les débats portant notamment sur la situation au Nord Kivu. Lundi 1er octobre, la séance plénière de l’Assemblée nationale, présidée par le PPRD Aubin Minaku, a rejeté la motion d’interpellation du Premier ministre Augustin Matata Ponyo, initiée par le député MLC Jean Lucien Bussa. «Par un vote assis et debout, les députés de la majorité présidentielle ont voté contre la motion tandis que ceux de l’opposition tenaient à recevoir du Premier ministre certaines explications sur la situation générale et sociales de l’ensemble du pays», indique une dépêche de l’ACP. Rien de plus normal dans un système qui se dit démocratique.

Le Congo démocratique est «bloqué» par l’incivisme autant que par la corruptibilité de son personnel politique. La corruption et la terreur servent de pilliers au pouvoir kabiliste. Un pouvoir vomi par la grande majorité de la population. Le M-23 souffre d’un désamour identique du fait notamment de sa proximité avec le Rwanda de paul Kagame. Les "libérateurs" du 17 mai 1997 et les "Kadogos" ont laissé des souvenirs cauchemardesques.

L’ordre institutionnel en vigueur étant inopérant pour promouvoir une résolution de la crise au Nord Kivu par des mécanismes démocratiques, le Congo-Kinshasa a plus que jamais besoin d’un «troisième larron» pour départager les protagonistes en présence…

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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