dimanche 7 octobre 2012

RDC : Kinshasa partagée entre la Francophonie et la francofolie


Comme d'autres artères de Kinshasa, le boulevard Lumumba a été méticuleusement nettoyé.
AFP Photo/Junior D.Kannah

Par Habibou Bangré

Si des habitants de la capitale congolaise attendent beaucoup du sommet de la Francophonie qui s’y tient du 12 au 14 octobre, d’autres doutent de ses éventuelles retombées ou dénoncent les tracas qu’imposent les travaux de préparation.

Kinshasa, capitale de la langue française. Du 12 au 14 octobre, elle accueillera le sommet de la Francophonie. Il s’agit d’une revanche sur l’Histoire : en 1991, l’événement avait été délocalisé à Paris pour sanctionner les violations des droits de l’homme du régime du dictateur Mobutu.

Des droits qui, 11 ans plus tard, restent capitaux. Avant de confirmer sa venue au sommet, le président français François Hollande a affirmé que « les autorités de la RDC doivent démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l'Etat de droit ».

La ministre de la Francophonie Yamina Benguigui à Kinshasa, le 28 juillet dernier.AFP PHOTO / JUNIOR D.KANNAH


Prestige, 20 ans, espère que le sommet consacré aux « enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale » n’oubliera pas le Nord-Kivu, la province de l’Est où l’armée combat depuis mai le Mouvement du 23 mars (M23), la nouvelle rébellion.

« S’ils pouvaient tous en parler et trouver une solution… Il y a nos sœurs qui meurent là-bas », se désole l’étudiante en tourisme. Quoi qu’il en soit, Martin estime que « ce sommet, ça donne un coup de pouce au Congo ».

« Tout s'est accéléré parce qu'Hollande vient »

« C’est un plus dans la politique, dans le quotidien du Congo, renchérit le chauffeur de taxi quadragénaire. Le Congo a besoin de conseils extérieurs pour développer le pays et réveiller tous ceux qui dormaient.

On le voit avec les travaux : tout s’est accéléré parce que François Hollande vient. C’est bon qu’il vienne pour que le gouvernement congolais évolue, et puisse aller très loin ».

Agnès, pour sa part, dit se moquer éperdument de la Francophonie car « la façon dont ils sont en train de gérer ça » ne lui plaît « pas beaucoup ».

« C’est à notre avantage. On aura de bonnes routes, de belles peintures sur les façades, précise la responsable d’événementiel de 31 ans. Mais ils imposent à la population de mettre la peinture à ses propres frais.

Ça n’a pas de sens : on passe de la Francophonie à la francofolie ! Ils ont des fonds pour le sommet, alors ils auraient dû les dépenser pour repeindre les façades des gens qui habitent le long de la route. Si j’habitais le coin, vraiment, ils allaient venir m’arrêter parce que je n’allais pas repeindre ! »

Surtout à la Gombe, dans le nord de Kinshasa, une armée de balayeurs est déployée et une pelleteuse ramasse des monceaux d’immondices près du stade des Martyrs, qui doit abriter les villages de la Francophonie.

Aussi, des poubelles, rares d’ordinaire, ont été installées sur plusieurs axes, dont le boulevard du Trente-Juin, la principale artère. Un petit logo blanc sur ces réceptacles vert pomme explique le mode d’emploi ; comme une piqûre de rappel du message télévisé sensibilisant les Congolais à ne plus jeter leurs détritus par terre.

« C’est une bonne chose si [après le sommet] on continue à maintenir la ville propre et à donner une aussi bonne impression », estime Olivier, un informaticien de 33 ans.

Mais Agnès met en garde : « Tout dépend juste de la volonté des individus qui nous gèrent. Ils nous ont montré qu’ils avaient la possibilité d’arranger la ville, mais s’ils ne le faisaient pas !

Ils devraient bosser comme ça tous les jours, mais ils le font juste pour François Hollande. Et quand il va partir, pronostique-t-elle, on va revivre encore dans le bordel… ».

Place nette

Au « marché rail », situé à proximité d’une voie ferrée, l’approche du sommet de la Francophonie est douloureuse. Dans le cadre de l’opération « Kinshasa propre », et pour des raisons de « sécurité », ce marché jugé clandestin a été, comme bien d’autres, rasé.

Et depuis, la police s’assure régulièrement que les commerçants ne reviennent pas. Mais certains s’entêtent et se tiennent prêts à fuir à la moindre patrouille. « On n’a pas de travail. Notre travail, c’est seulement ici ! », s'insurge Paul.

Ce marchant de gâteaux de 32 ans a dû se reconvertir dans la vente de cartes téléphoniques, qu’il garde précieusement dans son jean. « Je n’ai pas voulu vendre là, par terre : ça me fait du mal, ça me fait honte ! », maugrée-t-il.

« Le sommet, reprend-il, c’est une première pour nous et c’est bien pour notre pays, mais ce n’est pas dit qu’on doit nous chasser et que toute la capitale doit être mal à l’aise pour la Francophonie ! Si on nous chasse, nous serons tristes. Alors comment peut-on être contents de les accueillir ? »

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