Transparency International récompense tous ceux qui œuvrent dans l'ombre. En 2013, pourquoi pas vous?
Le prix de l’Intégrité Transparency International est décerné, chaque année, à tous les citoyens du monde ou aux organisations qui luttent dans l’ombre (ou pas), contre la corruption dans leur pays. Pour l’édition 2013, l’appel à candidatures est ouvert jusqu’au 15 juin. Tout citoyen pourra ainsi «nommer son héros de la lutte anti-corruption».Depuis 2000, le prix de l’Intégrité de Transparency International a récompensé le courage et la détermination de personnes remarquables, parmi lesquels des journalistes, procureurs, responsables gouvernementaux ou simples citoyens. Les gagnants devenant ainsi une véritable source d’inspiration pour le mouvement anti-corruption.
Parmi les lauréats de ce prix, figure le désormais emblématique Grégory Ngbwa Mintsa.
En décembre 2008, ce citoyen gabonais a pris position contre la corruption, en déposant une plainte contre les détournements de fonds présumés dans son pays. Ce qui a permis d’apporter davantage de lumière dans l’affaire des biens mal acquis où plusieurs chefs d’Etat africains sont soupçonnés de corruption à grande échelle.
Grégory Ngbwa Mintsa a remporté le prix de l’Intégrité en 2010. Rencontre.
Gregory Ngbwa Mintsa © DR
Pourquoi avez-vous décidé d’affronter la corruption dans votre pays?La corruption qui sévit au Gabon est la plus nocive et la plus dramatique possible: celle qui est instituée par la classe dirigeante.
Le Gabon est un pays très riche mais 60% de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté, dont 10% sous le seuil de pauvreté absolue.
Le patrimoine qui aurait du servir à développer le pays et répondre aux besoins quotidiens des Gabonais a été utilisé par un groupuscule pour se maintenir au pouvoir par la corruption et le clientélisme au service de la gloire et de l’enrichissement personnel.
Lorsque la corruption est érigée en modèle de gouvernement, il ne faut pas s’étonner qu’elle s’étende à toutes les sphères de la société: à l’école et à l’université où des enseignants vendent des notes, à l’hôpital, aux innombrables contrôles de police, dans les églises, dans les services publics et même dans les familles.
Que faites-vous pour lutter contre la corruption?
J’ai longtemps milité dans un grand parti politique de l’opposition. J’ai vite déchanté lorsque j’ai compris que, grâce à l’argent public, (l’ancien président gabonais) Omar Bongo avait toujours été, de fait, le leader de la majorité et de l’opposition.
Pendant des années, je me suis mis à dos tous les leaders politiques de la majorité autant que de l’opposition, à cause de mes éditoriaux qui insistaient sur le fait que l’Etat de droit ne vient ni des politiciens, ni des anciennes puissances coloniales, ni des syndicats, mais de l’aptitude des citoyens à défendre leurs droits eux-mêmes.
C’est pour prêcher par l’exemple que je me suis associé à la procédure dite des Biens Mal Acquisde Transparence France, sans m’exiler mais en prenant soin de rester en vie pour que les citoyens cessent d’avoir peur et qu’ils apprennent que c’est par eux-mêmes qu’ils doivent cesser de placer qui que ce soit au-dessus des lois.
Depuis que vous avez gagnez le prix de l’Intégrité en 2010, qu’est-ce que vous avez fait?
Ma marge de manœuvre est extrêmement ténue. Mon salaire est confisqué, ce qui me prive du minimum vital et de lancer quelque activité que ce soit.
Il ne me reste que ma conscience et ma parole, dans un contexte où même la plupart de ceux qui me soutiennent, le font dans la plus grande discrétion.
Les lauréats du prix de l'Intégrité 2010 © DR
Est-ce que quelque chose a changé au Gabon?Je suis personnellement satisfait que l’affaire des biens mal acquis ait contribué à reconsidérer une conception de l’Etat qui était établie: que le chef de l’Etat d’un pouvoir personnifié use légitimement des biens de l’Etat de façon personnelle. Il était acclamé comme un héros lorsque, à l’occasion de campagnes électorales, il initiait une ou deux mesures régaliennes ou qu’il fasse des “dons” de médicaments, d’argent ou de cahiers dans quelques villages.
Enfin, ce qui a changé, c’est qu’il devient de plus en plus difficile aux prédateurs du patrimoine public de placer les avoirs détournés en France, la “mère-patrie” de la Françafrique.
Quel type de personne/organisation est-ce que vous voulez voir gagner le prix de l’Intégrité?
A mon avis, le prix de l’Intégrité devrait être toujours décerné pas seulement à ceux qui luttent contre la corruption et les paradis fiscaux. Il devrait être surtout décerné à ceux qui défendent directement les intérêts des peuples, la vie quotidienne des plus faibles contre le cynisme des politiciens et des pouvoirs d’argent.
On ne compte plus les gens traduits devant le Tribunal pénal international pour avoir commis des exactions qui se sont soldées par des dizaines de morts. Pourtant, on déroule le tapis rouge à des criminels qui s’approprient ce qui est destiné à permettre à des milliers ou des millions de gens de naître, de grandir, de se soigner, de s’éduquer, de travailler, d’aimer, de fonder une famille, d’élever leurs enfants, et de mourir en paix.
Les conventions actuelles sont tellement non contraignantes que les prédateurs au pouvoir n’ont pas hésité à les signer. Mobilisons-nous pour imposer une cour civile internationale qui pénalisera les crimes économiques qui tuent le présent et le futur de millions d’êtres humains et menacent la paix du monde.
Source Transparency International
Pour toute information relative au prix de l'Intégrité, cliquez ici.
SlateAfrique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire