vendredi 10 mai 2013

Congo-Kinshasa : Où va-t-on?

 
Kalev Mutond, l’administrateur général de l’Agence nationale de renseignements, la police politique de "Joseph Kabila"

"L’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part", a pu dire un homme politique. 

Qui est responsable de quoi dans cette République du Congo-Kinshasa pompeusement qualifiée de "démocratique"? 

A quelle porte un citoyen peut-il frapper lorsque ses droits les plus élémentaires sont foulés aux pieds par un membre des Forces armées ou un membre de la garde prétorienne de "Joseph Kabila"? 

A quelle porte peut-on frapper pour faire valoir ses droits violés par un agent des services de renseignements civils ou militaires ou par un membre de la "famille présidentielle"? 

Voilà des questions que les Congolais se posent désormais dans un Etat où la notion de responsabilité se dilue au jour le jour.

Au lendemain de la promulgation de la Constitution du 18 février 2006, les ex-Zaïrois avaient cru qu’un chapitre de l’Histoire de leur pays venait d’être tourné et qu’un "Congo nouveau", fondé sur les valeurs démocratiques et le respect des droits humains allait enfin naître. 

La nouvelle charte fondamentale ne proclame-t-elle pas en son article 16 que "la personne humaine est sacrée" et que "l’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger"? 

Sept années après, la désillusion est totale. Pourquoi? 

Les détenteurs du pouvoir d’Etat affichent un comportement qui n’a rien à envier à celui de "bandits de grand chemin".

Aux quatre coins du pays, les droits et libertés se portent mal. Très mal. Le pays ressemble de plus en plus à une jungle où les "animaux les plus féroces" passent le temps "à bouffer" les plus faibles. Ces animaux les plus féroces ne sont pas toujours des combattants à la mine patibulaire appartenant aux bandes armées qui fleurissent à l’Est. Bien au contraire. 

Dans les provinces du Kivu et la Province Orientale, les soldats des Forces armées de la RD Congo sont accusés de se comporter en hors-la-loi. Ils rançonnent, violent et tuent. En toute impunité. 

Ailleurs, ce sont les éléments de la garde présidentielle et les agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR) qui imposent leur "loi". Ils font sentir aux autres le poids de leur "autorité".

Tous ces abus sont nourris par l’impunité ambiante frisant l’anarchie.

Au moment où ces lignes sont écrites, un procès vient de s’ouvrir devant une juridiction militaire à Kipushi dans la province du Katanga. Au banc des accusés, un certain Guisha Mateno. Capitaine des FARDC, cet officier est accusé d’avoir ordonné l’exécution sommaire, en juillet dernier, de 14 personnes suspectées d’appartenir à la nébuleuse "Maï Maï" laquelle sème la terreur au Nord Katanga.

L’affaire a failli être étouffée. C’est le lieu de saluer la ténacité des activistes de la société civile. C’est le cas notamment des membres de "Justicia asbl", une organisation citoyenne qui lutte contre l’impunité. Cette association a mené des investigations ayant abouti à l’identification de l’auteur présumé de ce crime odieux.

Dans une lettre, datée du mardi 7 mai 2013, adressée à "Joseph Kabila", l’organisation non gouvernementale américaine "Human Right Watch" demande instamment au numéro un Congolais de "mettre fin à l’impunité pour les auteurs de graves violations des droits humains" dans les provinces du Kivu. 

L’organisation stigmatise non seulement des combattants du M23 mais également des militaires des FARDC.

Pour avoir dénoncé l’implication présumée du gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu, et de l’ancien patron de la police nationale congolaise John Numbi Banza, dans le financement et l’approvisionnement en armes des "Maï Maï" Bakata Katanga, les activistes de la société civile du Katanga Jean-Pierre Muteba et Freddy Kitoko ont pris le chemin de l’exil pour échapper aux nervis du régime. 

La justice n’a pas été d’un grand secours. Que dire de l’arrestation, sans motif, des proches de l’avocate Marie-Thérèse Nlandu et de l’interpellation et de la détention du mécanicien Augustin Tshamala Bakajika sur intervention d’un colonel de la Direction de renseignements militaires?

Au lieu de se comporter en dernier rempart de l’ordre et de la paix sociale - en engageant des poursuites et en sanctionnant sans complaisance ni rémission les auteurs des actes asociaux -, la justice congolaise est devenue le complice du délitement de l’Etat. Sa mission se limite désormais à "faire du bien" aux "amis" de "Joseph Kabila" et à "faire du mal" aux "ennemis" de celui-ci.

C’est le règne de la terreur! Pris en otage par des "terroristes" déguisés en hommes d’Etat, l’Etat congolais est incapable de garantir à chacun et à tous une égale protection devant loi et des conditions minimales de sécurité pour les personnes et les biens. 

Un tel Etat ne laisse à ses citoyens qu’une seule alternative : se laisser occire à l’image de l’agneau qu’on égorge dans un abattoir ou résister en faisant usage de son droit légitime à se défendre... 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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