lundi 13 mai 2013

Elargissement de l’assiette fiscale : mission impossible pour Matata Ponyo à la lumière de la razzia opérée par Katumbi et Kyungu au Katanga!

Vendredi, 10 Mai 2013



Un an déjà ! Investi le 9 mai 2012, le premier gouvernement de la deuxième législature de l’ère Kabila Kabange a un mérite évident : celui d’exister. Tout un programme !

Il n’est donc pas étonnant que le premier ministre Matata Ponyo s’autoévalue et s’accorde un satisfecit !

Il l’a fait il y a quelques semaines déjà en mettant en exergue la stabilisation du cadre macroéconomique. A quelle réalité renvoie ce terme fourre-tout ?

Il importe en pareille circonstance de s’en tenir aux faits pour un peu plus d’objectivité. Pour marquer l’an un de son gouvernement, Matata Ponyo a ouvert à Kinshasa le jeudi 2 mai courant les assisses dites nationales sur le « coulage » des recettes publiques.

Objectif : améliorer l’efficacité et la rentabilité des services mobilisateurs des recettes et assainir l’environnement fiscal des entreprises. Ce, en vue de l’élargissement de l’assiette fiscale. Le discours n’est pas nouveau. En 1990 déjà, Marco Bangulo Sambwe Mbali, alors directeur général des Contributions entonnait le même refrain en parcourant les chefs-lieux des provinces.

Pas si naïf et conscient des goulots d’étranglement sur son chemin, Matata redoute que lesdites assises ne demeurent un simple forum sans thérapeutique appropriée. Aussi, a-t-il invité chaque congolais au civisme fiscal et s’est employé à exorciser ce qu’il a appelé les pratiques et actes qui empêchent l’Etat de disposer des moyens de sa politique.

Certes qu’augmenter le niveau des recettes publiques est un bel objectif pour le chef du gouvernement. Mais, Matata Ponyo a-t-il des couilles assez solides pour y parvenir quand on sait que l’enrichissement illicite est un sport national pour les apparatchiks de la kabilie ?

On pourrait accorder du crédit au premier ministre de kabila Kabange étant donné qu’à la suite de la bancarisation de la paie des fonctionnaires, l’Etat-employeur a pu épargner cinq millions de dollars que se partageaient des réseaux bien structurés depuis des décennies. A la vérité, il ne s’agirait que d’un rideau de fumée pour masquer la gabegie financière pratiquée de haut vol.

On en veut pour preuve le fait que, selon les chiffres officiels, la RD Congo a réalisé plus de quatre millions de dollars yankée, précisément 4.347.826.086 dollars américains, des recettes courantes en 2012.

Pour avoir une idée du bond rélisé il est utile de rappeler que les recettes provenan, en 2011, des régies financières (OFIDA, DGI et DGRAD) ont été de l’ordre de 69.565.217 dollars américains. Ce qui fait un accroissement de plus de 5000% !

Ces chiffres, qui donnent à penser à une révolution des mentalités, en pourcentage, ont été livrés le 29 avril dernier par le vice-premier ministre et ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba au cours d’une conférence de presse sur les fameuses assises nationales sur le coulage ou la fuite des recettes publiques tenues du 2 au 4 mai courant à Kinshasa.

Fait étonnant tout de même, en, dépit de l’augmentation qu’on peut considérer comme extraordinaire des recettes publiques, Daniel Mukoko Samba ne jette pas des fleurs aux régies financières !

Et pour cause, pour le vice-premier ministre et ministre du Budget, le niveau des recettes mobilisées et canalisées dans les caisses de l’Etat ne reflète (toujours) pas le potentiel fiscal ou la capacité contributive de l’Etat.

Ce que semble découvrir Daniel Mukoko Samba est un secret de polichinelle, l’écart entre le potentiel fiscal et les réalisations des recettes par les régies financières c’est une sorte de butin de guerre que se partagent ceux qui sont chargés de collecter « l’impôt » et leurs protecteurs.

L’opulence dans laquelle ils baignent alors que le pays est un océan de misère l’atteste et il ne faut pas un dessin tellement c’est évident. Mais, ils ne sont pas les seuls coupables des détournements de l’argent de la collectivité.

Il y a aussi et surtout certains apparatchiks du régime qui s’enrichissement sans état d’âme. Il y a lieu de ne citer ici que le cas du Katanga, le poumon économique du pays, où la population continue à broyer du noir en dépit de la relance de l’activité minière.

Hakuna Matata et Pourquoi pas Baba ? !

Ce n’est pas un scoop de souligner qu’au Katanga, ce n’est plus la SNCC qui s’occupe du transport des minerais destinés à l’exportation faute de locomotives et de wagons. L’Etat-propriétaire ne s’en offusque car les minerais sortent des frontières nationales au quotidien.

Deux entreprises appartenant à deux bonzes de la kabilie s’en occupent. Il s’agit de Hakuna Matata, propriété de Moïse Katumbi Chapwe, gouverneur du Katanga, qui dispose d’une centaine de camions- remorques et Pourquoi pas Baba ?, propriété de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga qui dispose de plusieurs dizaines de véhicules de même type que ceux du « gouvernator ».

Pour la petite histoire, c’est l’affairiste Katumbi qui a flairé la bonne affaire en créant son entreprise de transport de minerais dénommée Hakuna Matata au point d’écraser tous les petits commerçants qui disposaient de quelques camions.

Avec comme circonstances aggravantes que les véhicules de la société du gouverneur de province traversent la frontière de Kasumbalesa sans s’acquitter des droits de douanes. Mis au parfum de la situation, Gabriel Kyungu, qui se dit Baba (papa) du Katanga décida de réagir. Non pas en exhortant le gouverneur-commerçant au civisme fiscal, mais en le singeant jusqu’au délire.

Kyungu créa aussi sa société de transport des minerais dénommée Pourquoi pas Baba, une manière de dire « pourquoi Katumbi peut-il exporter les minerais du Katanga sans payer les impôts et pas moi Kyungu ?»

Parenthèse fermée !

L’exemple du Katanga explique à lui seul pourquoi l’élargissement de l’assiette fiscale est une mission impossible pour Augustin Matata Ponyo. Il n’est donc pas surprenant que quelques jours après le satisfecit qu’il s’est attribué les réalités économiques et sociales l’aient rattrapé.

C’est ainsi qu’après avoir affirmé que le gouvernement a gagné le pari sur le plan macroéconomique à l’ouverture des assisses sur le coulage des recettes publiques, le vice-premier ministre et ministre du Budget a fait volte-face comme si , inconsciemment, il ne pouvait malgré lui s’enfermer dans une funeste politique d’autruche.

Dans un moment de lucidité qui mérite d’être mis en relief, Daniel Mukoko Samba a carrément dit la vérité vraie : le chômage demeure élevé (et comment en serait-il autrement quand Matata Ponyo est fier d’annoncer sur Radio Okapi a création de trois cents emplois pendant la première année de son gouvernement ?), la pauvreté et la précarité continuent d’alourdir le taux de mortalité, tout comme les besoins en infrastructures de base et biens publics sont considérables face à une offre très limitée.

Face à ce langage de la vérité, c’est à croire que les cinq chantiers n’ont existé que dans le monde des idées.

Pour des analystes, la suspension de la RD Congo de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIB), organisation qui promeut la transparence des revenus dans le secteur minier et pétrolier est une preuve que Matata Ponyo n’a pas la capacité de changer le système de l’intérieur.

La gestion des flux financiers venant des entreprises minières est un boulet pour le premier ministre de Kabila Kabange dont le gouvernement a manqué au devoir de publier dans un rapport les paiements effectués par les entreprises minières et les revenus perçus.

Ce processus aurait pourtant pu permettre une vérification indépendante des taxes et impôts perçus afin d’assurer la transparence des paiements issus de l’exportation des ressources naturelles

Manque de courage politique !

Donnant l’image d’un technocrate austère, Matata Ponyo est un matamore dont la seule qualité à la cour de la kabilie est de ne pas gêner Joseph Kabila. L’homme à la cravate rouge aurait pourtant pu se grandir en esquivant pas de s’expliquer devant les députés nationaux à la suite de la motion du député UNC Jean-Baudouin Mayo le 15 avril dernier.

Voilà un premier ministre qui, disposant d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale, tremble à l’idée d’une motion contre son gouvernement déposée par un député de l’opposition avec l’appui d’une quarantaine de députés de la majorité.

Des « tractations » furent nuitamment menées par les hommes de Matata pour obtenir le retrait des signatures des députés de la majorité en vue d’invalider la motion de Jean-Baudouin Mayo.

Dommage que Matata Ponyo ne se soit pas saisi de l’occasion pour ne pas empêcher la lecture de la motion Mayo et aller au fond du débat à travers sa réplique en expliquant l’action de son gouvernement au peuple congolais à travers la représentation nationale !

Une belle opportunité ratée, peut-être, pour essayer de mettre un terme aux conflits d’intérêts qui justifient nombre d’abus et dénoncer ceux qui sapent l’action du gouvernement au profit de leurs intérêts personnels. Et Dieu seul sait s’ils sont nombreux dans la cour du roi Pétaud qui gouverne le Congo à démocratiser par défi !

Raymond LUAULA
Congoone

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