Isaias Samakuva, le chef du parti d'opposition Unita, en août 2012.
REUTERS/Siphiwe Sibeko
Par Christophe Boisbouvier
Aujourd'hui, le président de l'Unita, Isaias Samakuva, fait une tournée aux Etats-Unis et en Europe pour essayer de gagner des soutiens. L'alternance est-elle possible ? De passage à Paris, le numéro un de l'opposition angolaise était ce vendredi 10 mai l’« Invité Afrique » de RFI.
RFI : Après 2008, vous avez subi l’année dernière une deuxième défaite électorale. Est-ce que la machine MPLA n’est pas trop forte pour vous ?
Isaias Samakuva : Je ne pense pas, parce que les résultats des élections ne reflètent pas la volonté du peuple manifestée dans les urnes. Ce sont des résultats fabriqués, donc nous travaillons pour arrêter ce phénomène de fraude.
Pendant la campagne électorale, vous avez dénoncé les très graves inégalités, la corruption du système. Mais est-ce qu’il n’y a pas eu tout de même des progrès ces dernières années, de nouvelles routes, de nouveaux immeubles… notamment dans la capitale Luanda ?
Oui, il y a la volonté de faire de nouveaux immeubles, de faire de nouvelles routes... Mais le pays, ce n’est pas des immeubles, ce n’est pas des routes, le pays, c’est le peuple. Et le peuple souffre, même un peu plus qu’avant. Nous avons des routes qui sont conçues par des Chinois, mais trois mois après ces routes se retrouvent avec beaucoup de problèmes.
Vous avez fait un bon score à Luanda et dans votre fief du sud du pays. En revanche, vous avez été écrasé par le MPLA dans les autres régions. Est-ce que l’Unita n’est pas devenu un parti régional ?
Non, non et non. L’Unita aujourd’hui, c’est un parti réellement national. Nous avons un député à Cabinda, un député à Luanda, un autre à Bié, un autre à Bengala, un autre à Wambo, donc nous sommes partout.
Beaucoup disent en Angola que vous n’avez pas le charisme de Jonas Savimbi. Est-ce que ce n’est pas difficile de lui succéder ?
Non. Monsieur Savimbi, c’était un homme extraordinaire. Vous n’avez pas un Savimbi tous les ans. Donc le charisme, il faut le construire.
Alors, c’est vrai que votre parti a obtenu 32 sièges aux dernières législatives, mais le parti dissident d’Abel Chivukuvuku en a obtenu 8. N’est-ce pas la preuve que vous êtes contesté à la tête de l’Unita ?
Je ne pense pas. Ceux qui sont avec Abel Chivukuvuku, ce ne sont pas des Unita.
C’est un ancien camarade de l’Unita ?
Absolument. D’abord, c’est normal dans un parti démocratique que des gens puissent partir. Ce n’est pas un problème. Il y a ceux qui étaient du Parti socialiste ici et qui sont passés par la droite ou par d'autres partis. Ça arrive partout. Et puis, nous avons analysé les résultats des élections et nous avons vu que ceux qui sont allés voter Monsieur Chivukuvuku, la Casa (Convergence ample du salut de l'Angola), ils ne sont pas de l’Unita. L’électorat de l’Unita se maintient.
L’électorat de l’Unita n’a pas bougé ?
Il n’a pas bougé.
Depuis toujours, la force du MPLA c’est notamment le contrôle des puits de pétrole au large des côtes angolaises. Est-ce que ce n’est pas la raison pour laquelle vous avez perdu la guerre il y a dix ans ?
Je peux dire qu’en réalité, le pétrole compte. Nous trouvons même que ceux qui auparavant avaient soutenu des mouvements de démocratie, aujourd’hui il semble qu’ils soutiennent surtout le pétrole.
Vous pensez bien sûr aux Américains ?
C’est un peu tout le monde. Ce n’est pas simplement les Américains. Donc nous disions, pendant ce voyage en Amérique, en Angleterre, partout, que le pétrole est là et serait toujours là. Il faut dire à la communauté internationale que la stabilité de l’Angola, c’est une stabilité apparente et que ce que nous nous voyons c’est la pauvreté en Angola, et c’est un nouveau facteur de risque parce que peut-être sans parler d’une nouvelle guerre en Angola, elle est à l'origine de conflits.
Après trente-quatre ans de pouvoir, beaucoup disent que le président dos Santos commence à penser à sa succession. Qui peut lui succéder, peut-être le vice-président Manuel Vicente ?
Je ne sais pas, parce que c’est l’affaire du MPLA et pas de l’Unita.
Est-ce que José Eduardo dos Santos ne risque pas d’être contesté par les anciens combattants du MPLA ?
Monsieur dos Santos aujourd’hui est contesté par tout le monde : par le peuple, par l’opposition et par les gens du MPLA même qui viennent parler avec nous et nous encouragent à continuer à lutter pour que Monsieur dos Santos puisse aller se reposer.
Il y a des dissidents du MPLA qui se rapprochent de l’Unita ?
Je ne sais pas s’il faut les appeler « dissidents » ou pas. Mais ils m’ont appelé au téléphone pour dire : « Ecoutez, nous sommes membres du MPLA, anciens membres du MPLA, et nous sommes fatigués. Nous voulons le changement ».
Quelle est la solution pour Cabinda. Le statu quo, l’autonomie ou l’indépendance ?
Nous, dans l’Unita, nous pensons que l’autonomie serait une bonne solution pour Cabinda. Cabinda, c’est une partie de l’Angola, mais je pense qu’il y a des spécificités qu’il faut aussi considérer. Et là, nous pensons qu’il faut entamer un dialogue réel avec les forces vives de Cabinda…
Avec le Front de libération de l'enclave du Cabinda (Flec) ?
Avec tout le monde. Le Flec et les autres, de façon à ce que nous puissions trouver une solution acceptable pour tous. Là, je pense que Cabinda peut vraiment trouver une solution et pas comme aujourd’hui quand le gouvernement dit que la situation est calme quand nous tous nous savons qu’il y a encore des problèmes.
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