L’avocate Marie-Thérèse Nlandu
1. La nuit du 1er mai 2013 à 1 heure du matin, plusieurs véhicules de type 4x4 et camions transportant des militaires en uniformes de police et des agents en civil arrivent sur l’avenue qui abrite la villa du couple Noël Mbala Nkondi et Marie-Thérèse Nlandu (M/N).
D’après nos sources, ce sont des agents de l’ANR (Agence Nationale des renseignements), de la PIR (Police d’Intervention Rapide) et de la Garde présidentielle de Joseph Kabila alias « bana mura ».
Ils sont plus de 200 aux dires des témoins, habitants du quartier.
Selon les mêmes sources, l’opération a été supervisée par Kalev, chef de l’ANR assisté d’un certain commandant Mido de la police.
2. Ces assaillants sautent de leurs véhicules dont l’un est immatriculé L05, plaque d’immatriculation de l’ANR. Le grand nombre fait une haie contre les murs et une soixantaine d’hommes en armes entrent au domicile du voisin de droite, la maison de la veuve Mapepe.
Ils cassent les vitres, saccagent la maison, l’un d’eux exige de l’argent. Une des domiciliés, sous la menace des armes, remet 30 dollars US. L’assaillant déclare : «Nous allons à l’objectif maintenant».
A bord de 4 véhicules 4x4, ils entrent brutalement au domicile du couple M/N en cassant le portail d’entrée, certains escaladent les murs et trouvent le gardien qu’ils frappent à la tête. Ce dernier émet des cris stridents pendant qu’il est frappé et qui réveillent d’autres voisins ainsi que ceux qui dormaient dans la maison du couple. Ils l et père de famille.
3. Makiesse Mbala, neveu du couple, entend les cris de détresse du gardien, sort de la maison pour s’enquérir de la situation. Il est aussitôt, saisi et frappé à la tête et aux bras. Il est blessé et ligoté par la suite.
Les assaillants entrent dans la maison et commencent aussitôt le saccage de celle-ci de fond en comble. Ils montent à l’étage où dort un autre neveu du couple, marié, père de famille.
Ils lui disent aussitôt : «Toi, tu es le neveu de Me Nlandu, ne te dérobe pas».
Il répondra : «oui, je le suis. Quel service vous a ordonné d’entrer dans une propriété privée sans mandat ?». Pas de réponse.
Parmi ceux qui l’interrogeaient, se trouvait en tenue civile, Kalev, chef de l’ANR.
Devant ses enfants mineurs et sa femme, tous terrorisés, l’un d’eux le menace : « Je vais tirer sur toi s’il n’ y a pas d’argent ». Son épouse, terrifiée, remettra 350 dollars US, toute l’économie qui était sur elle et gagnée à la sueur de son front. Ils trainent de force le neveu, Guy Nkoko, jusqu’à la chambre du couple M/N dont ils cassent la porte et saccagent tout l’intérieur.
Ils éventrent des malles contenant des œuvres d’art et ustensiles de cuisine, propriété d’un oncle.
Des dossiers d’avocats trouvés sur place, des valises et de l’argent, le tout emporté sans procès-verbal de saisie d’objets et sans mandat. Ils font de même dans le bureau de Me Nlandu, faisant face à sa chambre saccagée.
4. Dans l’entre-temps, d’autres militaires menacent la famille de Lezi Nsundi Luwawu, parent de Monsieur Noël Mbala, occupant une annexe à la maison. Ils les font sortir de l’annexe, les forcent à s’asseoir par terre, les canons des fusils pointés sur le nez de Lezi devant sa femme et de leurs enfants, terrorisés.
De la chambre de Makiesse Mbala, ils volent 150 dollars US, sa radio ainsi que son téléphone Blackberry.
Après trois heures de destruction méchante de biens de la maison et de la toiture, l’escadron de la mort s’est retiré à quatre heure du matin, amenant avec eux les quatre précités. Sans être informés au préalable du motif de leur enlèvement, ils ont été jetés dans les véhicules et conduits au cachot de l’ANR situé près de la banque nationale congolaise, dans la commune de la Gombe.
A l’ANR, on leur a dit que c’est pour raison d’enquête qu’ils étaient là, sans autres précisions.
Les membres de famille qui cherchèrent à les visiter, furent interdits de les voir. Les hommes de la famille furent dissuadés par les agents de s’approcher du cachot sous peine d’être arrêtés à leur tour.
5. Dans l’entretemps, de fortes pressions furent exercées à travers le monde pour la libération immédiate des personne enlevées. Ces pressions ont contraint l’ANR à les libérer, sans document judiciaire, le 6 mai 2013 à 14 heures. Toutefois et curieusement l’ANR a exigé la présence d’un membre de famille qui devait signer un document constatant qu’ils étaient en vie.
7. Conclusion
Il est difficile de savoir tout ce qu’ils ont emporté. Et Me Nlandu ainsi que son mari sont considérés comme ennemis du régime totalitaire de Joseph Kabila.
Il est clair que si ils étaient dans la maison, ils auraient tués ou gardés au secret.
Il y a lieu de rappeler que Me Nlandu a déjà été arbitrairement enlevée et arrêtée en 2006 aux faux motifs:
- de vouloir renverser le régime Kabila,
- d’avoir incendié la Cour Suprême de Justice,
- de posséder des armes de guerre prétendument saisies dans un véhicule imaginaire de Me Nlandu, alors que le seul véhicule saisi était la voiture taxi d’un des chauffeurs de Me Nlandu.
Elle a été acquittée avec ses sept collaborateurs le 30 avril 2007. Six ans après cet acquittement, la nuit du 30 avril au 1er mai 2013 des membres proches sont de nouveau enlevés.
Le terrorisme d’Etat semble désormais la seule voie ou méthode de gouvernance contre les paisibles citoyens. Jusqu’à quand ? Ce terrorisme s’est installé depuis 1996.
Ce qui vient d’arriver à Me Nlandu et son mari peut arriver à n’importe qui.
Il est à noter que la villa est pillée pour la deuxième fois. La première fois c’était en janvier 1999 par les forces de sécurité du régime de Laurent D. Kabila. Elles se sont installées dans la villa de 1999 à 2002.
Ces indésirables ont été priés de déguerpir en juillet 2002 au retour d’exil de Me Nlandu. Mais l’action judiciaire menée devant la Cour d’ordre militaire (C.O.M) de l’époque contre cette violation de domicile, destruction méchante et pillage de la maison n’a pas aboutie.
Elle ne pouvait aboutir étant donné l’instrumentalisation politique et la personnalisation de la justice autant militaire que civile. Toutefois une deuxième plainte sera déposée pour les faits susévoqués.
Il est clair que nous sommes en présence d’un pouvoir d’Etat qui détruit, qui agresse, qui enlève ; d’un pouvoir d’Etat qui utilise les ressources publiques pour persécuter le peuple ; d’un pouvoir d’Etat qui musèle l’opposition en s’attaquant à leur famille.
La R.D. Congo sous le régime de Joseph Kabila est une dictature sanguinaire. Il est plus que temps que tout régime totalitaire cesse au Congo.
Nous sommes informés que des réunions de sécurité ont eu lieu en vue d’adopter la stratégie de réduire au silence les opposants en s’attaquant à leurs membres de famille biologique et politique restés au Congo.
Joseph Kabila vient de réussir une chose : la terreur règne partout désormais, même chez les avocats, activistes de droits de l’homme ainsi que chez les journalistes. Ils ont désormais peur pour leur vie et pour leurs membres de famille.
Il est troublant de constater que les mêmes autorités congolaises qui enlèvent, torturent, extorquent, tuent à Kinshasa, négocient à l’Est avec des criminels avérés du M23, CNDP et du RCD. Il est aussi malheureux de constater l’absence totale de volonté politique de la part des autorités Congolaises d’utiliser les moyens d’Etat pour empêcher les viols des femmes et des petites filles à l’Est du Congo, déclaré capitale mondiale du viol.
Les fait décrits ci-dessus ne font que confirmer le climat général de terreur, d’intimidation et de violations massives de droits de l’homme que le régime Kabila impose au peuple congolais. Rien n’indique, malgré l’invitation à un nouveau dialogue inter-congolais, que l’oppression s’arrêtera avant l’échéance de l’élection présidentielle de 2016.
Or, selon la Constitution, Joseph Kabila ne peut plus briguer de mandat présidentiel. Mais rien n’est sûr. Les représentants dit «du peuple» modifièrent en 2011 en un tour de bras et à coup de quelques billets de dollars, les deux tours de l’élection présidentielle en un seul.
Pour terminer, nous exigeons la fin de viols de femmes par tous les moyens et petites filles d’une part, et d’autre part, la libération sans condition de tous les prisonniers politiques, notamment le député Eugène Diomi, Monsieur Gabriel Mokia, le pasteur Kutino, l’avocat des droits de l’Homme Maître Firmin Yangambi, Monsieur Eric Kikunda et l’étudiant Olangi.
Fait à Londres le 09 mai 2013
Marie-Thérèse Nlandu
Human Rights lawyer
Amnesty International Prisoner of Conscience 2006/7
© Congoindépendant
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