mercredi 29 mai 2013

La République démocratique du Congo est-elle encore un État, une Nation?


La carte du Congop-Kinshasa aux couleurs de l’embème national


Le philosophe français, Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry disait : «Si l’État est fort, il nous écrase; s’il est faible, nous périssons».

Qu’est-ce qu’un Etat?

Un État est caractérisé par la réunion de trois éléments constitutifs et cumulatifs que sont la population, le territoire et l’autorité politique. La population est constituée des individus qui vivent sur ou hors du territoire et qui, généralement, sont liés à l’État par la nationalité.

Le territoire désigne l’espace délimité par la frontière et soumis à la domination de l’État. L’autorité politique, généralement appelé
«gouvernement», est composée du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.

Selon le sociologue Max Weber, un État est une organisation politique qui possède le monopole de la violence physique légitime – c’est-à-dire seul l’État peut arrêter et emprisonner des individus –; exerce le pouvoir sur le territoire donné, et est capable de mobiliser les pouvoirs coercitifs afin de s’imposer.

En droit international, l’État se présente comme la personne morale titulaire de la souveraineté. Il est constitué des institutions et délimité par des frontières territoriales établies – frontières naturelles (fleuves ou rivières) ou artificielles (déterminées par un traité qui fixe les limites –, à l’intérieur desquelles s’exerce l’effectivité de l’autorité de l’État sur tous les individus qui y vivent. La souveraineté résulte de la capacité de l’État à travers son appareil administratif à s’emparer du monopole de la violence physique et symbolique.

Les grands théoriciens tels que Nicolas Machiavel ou Thomas Hobbes estiment que l’État est caractérisé par ses souverainetés interne et externe. L’État est un Léviathan dont la fonction est de maintenir l’ordre dans la société dont il assure la direction.

Il incarne l’intérêt général et dispose d’un certain nombre de prérogatives qui émanent de sa souveraineté. À l’intérieur du territoire national, l’État est souverain car il est maître de son organisation et de ses décisions et ne tient son pouvoir que de lui-même.

Toutes les personnes exerçant leurs activités sur le territoire sont soumises à l’État. Pierre Bourdieu parle de la « magie d’État », c’est-a-dire qu’un État doit disposer d’un monopole de la contrainte physique légitime sur un territoire donné et la capacité à exercer une violence symbolique sur ses citoyens, par ses tribunaux, en les déclarant coupables ou innocents.

À l’échelle internationale, la souveraineté de l’État s’exprime à travers son indépendance à l’égard de toute autre autorité.

Qu’est ce qu’une nation?

La Nation se définit non seulement par des caractéristiques communes mais également par la différenciation des membres des autres collectivités humaines. Elle est une communauté humaine dont les membres se sentent liés les uns aux autres par un ensemble de liens à la fois historiques, matériels et spirituels – langue, religion, économie, culture –; par un passé commun, un présent commun, un désir et une volonté de vouloir vivre ensemble.

La Nation ne peut se confondre avec l’État, sauf dans le modèle de l’État-nation. Cette dernière est un concept théorique, politique et historique, désignant la juxtaposition d’un État, en tant qu’organisation politique, à une Nation, c’est-à-dire des individus qui se considèrent comme liés et appartenant à une même une collectivité humaine.

C’est donc la coïncidence entre une notion d’ordre identitaire, l’appartenance à un groupe, la Nation, et une notion d’ordre juridique, l’existence d’une forme de souveraineté et d’institutions politiques et administratives qui l’exercent, l’État.

RD. Congo : Un Etat ou une nation?

Certains diront, ni l’un ni l’autre; d’autres diront, c’est un État au minima; d’autres encore diront, que la RD Congo a cessé d’être un État mais le sentiment national demeure.

En effet, comme présenté brièvement les deux concepts – État et Nation – ci-hauts, les principaux devoirs d’un État sont de défendre le territoire, de sécuriser les citoyens et leurs biens, d’assurer la libre circulation et la libre expression grâce à une police et une justice indépendante, et d’offrir les services publics (éducation, santé, transports, etc.) à ses citoyens.

Sur le plan international, un État doit savoir définir une politique étrangère capable de protéger les intérêts nationaux et ses citoyens à l’étranger par la protection diplomatique.

Ceci dit, pour que la RD Congo se dise un État et veut être reconnue et respectée en tant que tel, on devrait constater, de manière évidente, le respect d’un certain nombre devoirs et obligations, à savoir :

Primo, au niveau interne, constater l’existence d’un territoire clairement délimité et déterminé, dans lequel tout individu présent sur ce territoire est soumis sans concurrence possible au même ordre juridique, expression de la souveraineté de l’État qui s’applique aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers.

Constater que l’autorité de l’État dispose de la plénitude du pouvoir d’imposer des obligations aux individus et de faire respecter les lois de l’État sur ce territoire. Que l’État est capable d’user du monopole de la violence physique légitime pour protéger et assurer la sécurité de ses citoyens et garantir la cohésion sociale.

Secundo, à l’échelle internationale, la souveraineté de l’État s’exprime à travers son indépendance à l’égard des autres États. Conformément à la Convention de Vienne sur les relations consulaires, constater l’existence de l’État représenté effectivement à l’étranger par ses missions diplomatiques (Ambassades et Consulats) et leurs capacités à entrer en relation avec les autres États pour protéger ses citoyens et les intérêts nationaux.

Dans le cas où tous les éléments évidents, énumérés ci-hauts, ne sont pas constatés, on peut dire que la RD. Congo est un « État » parce qu’elle a un « territoire », une « population » et un « gouvernement », mais on devrait néanmoins ajouter une épithète « faible ».

La RD Congo est un «Etat» faible

Pour revenir à la citation : « Si l’État est fort, il nous écrase; s’il est faible, nous périssons », la RD. Congo est considérée comme un « État faible » par ses institutions et leur incapacité à assurer la protection du territoire, des citoyens et de leurs biens.

En effet, un État faible fait appel à ce que le philosophe anglais, Thomas Hobbes nomme « état de nature », c’est-à-dire un État où règne la loi de la jungle. Où il n’existe pas de justice indépendante, ni une armée et une police structurées. Où l’autorité de l’État ne parvient pas à assurer ses prérogatives de base qui sont l’ordre, la paix et la sécurité publique. Dans un tel, les individus sont en risque permanent pour leur sécurité.

L’existence d’un État, c’est aussi sa capacité à assurer les services publics de base à sa population. Là aussi, la RD Congo est incapable d’assumer ses responsabilités.

Le potentiel minier qui, normalement, devrait être une ressource pour le développement du pays et l’amélioration des conditions de vie de populations, s’est avéré être une malédiction pour des populations qui paient de leur vie, chaque jour, parce qu’il y a certains individus, pays et multinationales qui veulent à tout prix s’approprier de ces richesses.

L’État congolais, s’il existe encore, n’est caractérisé ni par sa souveraineté, ni par sa capacité à assumer ses fonctions régaliennes. C’est une coquille vide derrière laquelle se cachent des gouvernants qui ne sont pas capables de défendre le territoire, mais ne sont capables que de monopoliser tous les biens matériels et immatériels de celui-ci à leur propre profit.

Depuis une vingtaine d’années, la cohésion sociale est menacée et l’intégrité territoriale encore plus. Le socle national cimenté par les années Mobutu, le désir et la volonté de vivre ensemble de congolais a tellement fissuré qu’il menace de se fondre.

On observe remise en cause de la légitimité de l’État congolais sur le plan interne, dans ses frontières avec tous ses voisins et au plan international, certains États se proposent même de venir faire du «baby-sitting».

Isidore Kwandja Ngembo
© Congoindépendant

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