jeudi 16 mai 2013

Massacres en RDC: La France ne doit-elle pas s’impliquer militairement?




La Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) doit prochainement être renforcée. D’ici quelques semaines, une brigade d’intervention de 3 000 Sud-Africains, Tanzaniens et Malawites sera mise en place pour combattre les groupes armés de l’Est congolais.

Dans une déclaration récente, le président Obama, mieux placé que quiconque pour avoir une vue « panoramique » des tragédies de la planète, fait un parallèle entre les massacres en cours en Syrie et ceux de la République démocratique du Congo, plus spécialement au Kivu : « Comment dois-je considérer les dizaines de milliers de personnes qui ont été tuées en Syrie face aux dizaines de milliers qui sont actuellement tuées au Congo? »

Une fois de plus le Kivu est occupé par des rebelles qui tuent, violent, pillent, détruisent.

Une fois de plus la rébellion, dite M23, est appuyée en sous-main par le gouvernement du Rwanda voisin.

Ce pays n’avait causé aucun trouble hors de son territoire jusqu’en 1994, du temps où il était gouverné par la majorité hutue. Depuis la prise de pouvoir par le président Paul Kagame, à la tête d’une milice tutsie ultra-minoritaire, qui prétend avoir mis fin au génocide de 1994, lequel avait causé plusieurs centaines de milliers de morts, ce pays ne cesse de fomenter des rébellions voire de mener des expéditions dans le grand voisin, la République démocratique du Congo.

Quel que soit leur motif avoué, poursuite des milices hutues réfugiées en 1996, renversement de la dictature de Mobutu en 1997, ces expéditions ont fait au total en RDC, directement ou indirectement, près de quatre millions de victimes, venant s’ajouter aux morts du Rwanda. C’est du moins le chiffre qu’avance le Rapport Maping du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations -Unies,

Le malheureux gouvernement de Kinshasa, éloigné de 1 500 km, dans un pays depuis longtemps en pleine décomposition ne peut pas faire grand-chose. Ses troupes ne lui obéissent guère et, à l’occasion, participent elles aussi aux exactions.

Dans un pays très bien doté en ressource naturelles de toutes sortes, principalement métalliques, le Kivu est particulièrement riche et l’exploitation des ressources minérales (on peut même dire leur pillage) se fait sans aucun bénéfice pour le gouvernement et le peuple du Congo mais pour le plus grand avantage des compagnies internationales qui y ont obtenu des concessions et de celui du gouvernement de Kigali.

A la curée, les Chinois qui achètent dans ce pays des mines et des terres par milliers d’hectares pour les exploiter en complète extraterritorialité, sans recours à la main d’œuvre locale et sans payer d’impôts, ne sont pas les moins avides.

L’effacement de la France

La France ne saurait rester indifférente au devenir de ce pays, deuxième pays francophone du monde et avec lequel elle avait tissé, dès l’indépendance, pour le meilleur et pour le pire, des liens particuliers, profitant du repli de la Belgique. Face à la situation dramatique qui prévaut aujourd’hui, qu’a fait François Hollande ?

Il a essentiellement fait la leçon. A qui ? A l’auteur des désordres déjà responsable de millions de victimes et qui plus est ennemi acharné de la France, le gouvernement de Kigali ?

Non, au pauvre président Kabila de la RDC, qui ne contrôle rien mais qui n’en a pas moins été mis plus bas que terre lors du sommet de la francophonie qui s’était tenu à Kinshasa en octobre dernier.

Dans cette ville où il n’avait pas même pas daigné passer la nuit (une injure en Afrique), le président français avait, dans un discours bref et méprisant, fustigé les manquements « tout à fait inacceptables sur le plan des droits et de la démocratie » et marqué ostensiblement son mépris pour le pouvoir en place.

Il ne savait pas encore, le malheureux, que, quelques semaines après, la France serait amenée à s’engager au Mali en soutien d’un pouvoir issu, lui, carrément d’un coup d’Etat militaire !

Pas plus que Sarkozy, particulièrement complaisant pour le président rwandais, Hollande ne s’est risqué, depuis son arrivée aux affaires, à dénoncer l’emprise du Rwanda sur la RDC qui fait que beaucoup considèrent Kabila comme un simple factotum de Kagame.

Après les reculades de 1993 et de 1997, sous les présidents Mitterrand (il est vrai tributaire d’un gouvernement de cohabitation) et Chirac, où la France, isolée dans le camp occidental, avait refusé de barrer la route à Kagame, d’abord au Rwanda, puis au Kivu, notre pays ne compte, il est vrai, plus beaucoup dans la région.

Le Rwanda a quitté la Francophonie pour entrer dans le Commonwealth. Les pays qui avaient pris le parti de la France dans cette région (Gabon, Congo, Angola), voyant sa passivité, ont établi des liens avec le Rwanda et songent même, eux aussi, à prendre leurs distances avec la Francophonie.

De fait, personne n’ose plus remettre en cause ouvertement le rôle déstabilisateur du président Kagame.

D’abord parce que, par un savoir-faire consommé, il a acquis une bonne réputation dans la sphère internationale. Oubliant la capacité des dictatures les plus impitoyables (Staline, Mao) à montrer des villages Potemkine aux visiteurs de marque, on le crédite d’avoir remis son pays en ordre : quand la mendicité est punie assez sévèrement, personne ne tend la main, quand la crainte de l’Etat est assez forte, les rues sont propres.

On dit même qu’il a instauré un régime honnête (ignorant le pillage des richesses du Kivu) et en plein développement (par une aide extérieure massive).

Mais la vraie raison de la bonne réputation de ce régime et du fait que personne n’ose plus le mettre en cause ouvertement est l’appui inconditionnel qu’il reçoit des Etats-Unis et de ses alliés (Royaume-Uni, Belgique, Israël, voire Afrique du Sud).

Cela a suffi à faire passer le rapport Maping à la trappe, comme avait complètement disparu (au point qu’on n’en trouve plus un exemplaire nulle part dans le monde !) un autre rapport publié en 1995 dénonçant le régime de Kagame. Dans la diplomatie des droits de l’homme, la raison du plus fort est toujours la meilleure.

A quoi va conduire la résolution du Conseil de sécurité, adoptée le 28 mars dernier, créant la Brigade d’intervention de la Monusco, composée de 3000 hommes, tous africains (Tanzanie, Malawi, Afrique du Sud) dans le Nord-Kivu ?

Même si elle semble fraîchement accueillie par le pouvoir rwandais (qui vient de livrer des missiles sol-air aux rebelles !), il y a peu de chances qu’elle ramène la paix dans cette région.

Même s’il faut faire la part de la forfanterie, on peut croire le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole militaire du M23, quand il dit, dans un entretien à l’AFP : « La Brigade d’intervention de l’ONU n’arrivera pas à faire ce que les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), soutenues par les 20 000 casques bleus de la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (MONUSCO) n’ont jamais fait ».

La division récente du M23 en deux factions rivales risque de mettre un peu plus de désordre. Le statu quo dans la région, sur fond de chaos, globalement favorable au président Kagame et à ses protecteurs et dont le peuple congolais est la principale victime, n’est pas prêt d’être remis en cause.

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.
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Il est l’auteur de « La grande démolition : La France cassée par les réformes »
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Source : Direct!cd

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