Une ligne formée par plusieurs centaines d'éléments de l'armée tchadienne à Kidal, le 7 février 2013.
REUTERS/Cheick Diouara
L’ONU a nommé, ce mardi 11 juin, un général rwandais à la
tête de la Mission de l’Onu en cours de déploiement, au Mali (Minusma).
Jean-Bosco Kazura a été préféré au candidat tchadien, le général Oumar
Bikimo, qui a commandé le contingent tchadien au Mali. Pourquoi le
Tchad, qui a le plus gros contingent au Mali, n’a-t-il pas obtenu le
poste ? Et comment le Rwanda, qui n’a pas de contingent au Mali, a-t-il
réussi à l’obtenir ?
C'est au Japon - au
sommet nippon-africain de la Ticad
- que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a annoncé la
mauvaise nouvelle au président tchadien, Idriss Deby. Pour Ndjamena,
c’est une grosse déception tant sa candidature lui semblait la plus
légitime. En effet, c'est l'armée tchadienne qui était en première ligne
avec les Français, au nord du Mali, et qui a payé le prix du sang : 38
morts et des dizaines de blessés.Alors comment expliquer une telle décision ?
D'abord parce que - même s'il était l'un des deux généraux qui commandait les troupes tchadiennes au nord du Mali - le général Bikimo n'a pas convaincu sur ses capacités politiques et stratégiques. En effet, être le chef militaire d'une mission onusienne de maintien de la paix c'est occuper, avant tout cela, un poste politique.
Ensuite, parce que c'est la première participation d'ampleur des soldats tchadiens aux opérations de maintien de la paix. Des novices - explique une source onusienne - qui ne connaissent pas les rouages du système onusien et qui pensaient arriver en terrain conquis.
Il se trouve aussi que les nominations, à ce niveau de responsabilité, sont le résultat de marchandage. Ainsi, la rivalité entre le Tchad et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a profité au candidat rwandais qui est apparu comme une solution médiane.
La présence du Tchad, cette année encore, sur la liste noire des pays utilisant des enfants soldats a-t-elle joué ? Pas vraiment, explique-t-on côté onusien.
Mais à New York, entretemps, on sait bien qu'il faudra trouver un poste au Tchad, vu l'importance du contingent tchadien pour la Minusma. Le problème, c'est que Ndjamena n'a postulé sur aucun autre poste.
Appel au retrait des forces tchadiennes
« Tous les Tchadiens sont très déçus de cette décision. Ils sont d’autant plus surpris que dans la chaîne de commandement, il n’y a aucun officier général tchadien », a déploré Abdelnasser Garboa, journaliste et président du Comité de soutien aux Forces armées tchadiennes au Mali (Fatim), joint par RFI.
Il va même jusqu’à appeler au retrait des forces tchadiennes au Mali : « Je pense que nos forces n’ont plus rien à faire au Mali. Elles ont libéré le Mali ; elles ont fait leur travail. Il est temps, pour nous, de rentrer », a-t-il poursuivi avant d’ajouter : « Nous n’allons plus accepter de faire tuer un seul de nos soldats. Nous n’accepterons jamais qu’un seul soldat tchadien meurt dans cette situation où le comité international ne reconnait pas notre effort. », a insisté le président du comité de soutien aux Fatim.
Satisfaction du Rwanda
Contrairement au Tchad, le Rwanda est devenu un expert dans la maîtrise des rouages du système onusien.
Depuis janvier, le pays occupe un siège au conseil de sécurité de l'ONU en tant que membre non permanent, et ce, malgré les dénonciations du groupe des experts des Nations unies sur la République Démocratique du Congo et de plusieurs organisations de défense de droits de l'Homme qui l’accusent de soutenir la rébellion congolaise du M23.
C'est bien la preuve - explique une source onusienne - de la force de la diplomatie rwandaise au sein des institutions des Nations unies.
Par ailleurs, le président rwandais, Paul Kagamé, se rend régulièrement à New York. Selon plusieurs sources, il aurait ses entrées auprès du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui est véritablement celui qui décide, in fine, des nominations à ce niveau de responsabilités.
Ceci dit, le Rwanda a des arguments comme, par exemple, sa participation aux missions de maintien de la paix et notamment au Darfour, dans l’ouest du Soudan où le général Jean-Bosco Kazura a d’ailleurs servi à l'époque où il s'agissait seulement d'une mission de l'Union africaine.
Aujourd’hui encore, le Rwanda dispose de plus de 3 000 hommes au sein de la mission de paix conjointe Union africaine - Nation unies au Darfour (Minuad). Ce contingent - apprécié pour sa discipline et son efficacité – est toujours sous le commandement rwandais mais plus pour longtemps, c'est pourquoi Kigali cherchait à obtenir un poste similaire sur un autre théâtre d'opérations.
Malgré les accusations de soutien au M23, Kigali a toujours des relais au sein de l'administration américaine, ce qui n’est pas négligeable vu que les Etats-Unis contribuent à hauteur de 27% du budget des opérations de maintien de la paix.
Et puis, selon plusieurs sources, le Rwanda a profité de la concurrence entre le Tchad et la Cédéao pour s'engouffrer dans la brèche et se présenter comme la candidature la plus consensuelle.
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