Vendredi, 14 Juin 2013
Accord-cadre d’Addis-Abeba, pourparlers de Kampala, affaire « Ba kata Katanga »
Plus que 24 heures pour la session ordinaire de mars du Parlement se clôture. Pourtant l’opinion nationale attendait avoir de ses élus des éclaircissements sur des questions d’intérêt national.
La session de mars n’a pas été à la hauteur des enjeux. Pas de lumière sur des questions de brûlante actualité telles que la signature le 24 février 2013 à Addis-Abeba de l’accord-cadre, les tergiversations des pourparlers engagés avec le M23 à Kampala (Ouganda) ou encore l’affaire « Ba kata Katanga » au Katanga.
Au Parlement, les bureaux de deux Chambres ont préféré se taire. Personne n’a voulu prendre le risque d’éventrer publiquement le boa. Un silence coupable qui engage la responsabilité du Parlement.
Le Parlement clôture, ce samedi 15 juin, sa session ordinaire de mars. Des questions d’actualité brûlante, particulièrement celles pour qui l’opinion nationale attendait voir ses élus prendre position ont été pratiquement mises de côté.
Seule la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a connu un dénouement avec la mise en place d’un nouveau bureau, en remplacement de celui coordonné par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda Nyanga.
Des questions sensibles ont été délibérément laissées de côté. En effet, dans les deux Chambres du Parlement, au Sénat tout comme à l’Assemblée nationale, personne n’a voulu prendre le risque d’élucider l’énigme qui se cache derrière la signature le 24 février 2013 à Addis-Abeba (Ethiopie) de l’accord-cadre pour la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs.
LE « SYNDROME DE KAMERHE »
Hanté par le « syndrome de Kamerhe », personne n’a osé franchir le Rubicon, se refugiant derrière le secret d’Etat. Qu’en est-il donc du « syndrome de Kamerhe » ?
L’on se rappelle qu’en 2009, Vital Kamerhe, ténor de l’Alliance pour la majorité présidentielle et président de l’Assemblée nationale, avait dénoncé publiquement la conclusion presqu’en catimini, entre la RDC et le Rwanda, des opérations conjointes entre les armées de deux pays pour la traque et la neutralisation des élements des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).
Kamerhe, alors président de l’Assemblée nationale, avait pris le courage de condamner, évoquant à ce propos des dispositions constitutionnelles qui donnaient prérogatives au Parlement d’être saisi pour information avant toute décision touchant à une seule once de la souveraineté.
Sa « témérité » lui a valu une fatwa auprès de sa propre plate-forme politique.
Sa défenestration du perchoir de l’Assemblée nationale et de l’AMP s’en était suivie. Son successeur, actuellement aux commandes de la Chambre basse du Parlement, n’a pas encore oublié le sort réservé à son prédécesseur descendu de son piédestal en 2009 de la manière que l’on sait.
Ainsi, à l’Assemblée nationale où trône un autre ténor de la Majorité présidentielle – du reste secrétaire général de la MP – la signature de l’accord-cadre d’Addis-Abeba n’a nullement été inscrite au calendrier des plénières de cette session de mars. Par crainte, sans doute pour éviter d’être rattrapé par le « syndrome de Kamerhe ».
La signature en février 2013 de cet accord-cadre garde encore tout son secret. Les contours et les engagements réels ne sont connus que de son seul initiateur, l’ONU, et de ses seuls signataires, les 11 Etats membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Le Parlement qui détient le pouvoir de plaider la cause de la population a passé outre cette question.
Pourtant, dans l’opinion tant nationale qu’internationale, l’accord-cadre d’Addis-Abeba continue de passer pour une négation de la souveraineté de la RDC. Et pourtant, le Parlement vient de louper une occasion durant sa session ordinaire de mars de remettre les pendules à l’heure.
Cette attitude est loin de dissiper les suspicions qui planent sur l’accord-cadre. Pour nombre d’observateurs, le document signé le 24 février 2013 hypothèque l’avenir de la RDC en tant que nation indépendante et souveraine.
LE MYSTERE
L’autre sujet sur lequel le Parlement ne s’est pas véritablement penché en cette session de mars porte sur les pourparlers initiés depuis décembre 2012 à Kampala (Ouganda) entre le gouvernement de la RDC et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Menés sur la base d’un accord conclu dans le cadre de la CIRGL, ces pourparlers, initialement prévus pour quelques jours, s’éternisent.
A Kinshasa, dans l’indifférence la plus totale du Parlement congolais, le sujet est l’affaire du seul gouvernement. Alors que les conclusions de ces pourparlers risquent de remodeler l’architecture institutionnelle issue des élections de 2011, le Parlement s’est mis totalement à l’écart de ce qui se passe à Kampala.
Le sujet n’aura été inscrit dans aucune plénière depuis le 15 mars 2013, date de l’ouverture de la session de mars.
Le fait d’avoir délégué à Kampala certains élus, notamment ceux de la province martyre du Nord-Kivu, ne peut pas constituer une excuse pour le Parlement. Les deux Chambres du Parlement n’ont daigné débattre librement et publiquement de cette question d’intérêt national.
Le Parlement, l’Assemblée nationale en particulier, a jalousement gardé le secret, se mettant sciemment hors du circuit des négociations de Kampala.
Outre ces deux dossiers, le plus épineux reste incontestablement l’affaire « Ba kata Katanga ». Les « Ba kata-Katanga » s’étaient manifestés le 23 mars dans la ville de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga. Venus du Nord de la ville, ils avaient traversé la ville, jusqu’à ce que des affrontements s’en suivent aux abords du gouvernorat.
Le bilan officiel avait été de 23 morts. Ils s’étaient rendus ensuite dans une caserne des Nations unies où ils avaient été désarmés, puis confiés aux forces de l’ordre congolaises et transférés à Kinshasa.
Leur reddition a été négociée entre les autorités locales de la province et la Monusco. Depuis, les « Ba kata Katanga » qui revendiquent l’indépendance de la province du Katanga ont transféré, sans autre forme de procès, à Kinshasa.
Que sont-ils devenus ? Qu’en est-il finalement du phénomène « Ba kata Katanga » ? Le sujet est curieusement classé « secret défense » ?
Pourtant, fin mars, l’Assemblée nationale, saisie de cette affaire, a diligenté une mission d’enquête dans le Katanga pour faire toute la lumière sur cette affaire. La commission d’enquête parlementaire a déposé courant avril 2013 son rapport au bureau de l’Assemblée nationale. Après, plus rien.
Membre de la Commission, André-Claudel Lubaya a été dur par rapport aux événements du 23 mars 2013 à Lubumbashi.
Les recommandations contenues dans le rapport de la mission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire Bakata Katanga devront être appliquées avec « objectivité » et « responsabilité » et « sans complaisance » par ceux qui auront la charge de les exécuter, avait proposé le samedi 6 avril le rapporteur de la délégation parlementaire, André-Claudel Lubaya, à l’issue de la mission d’enquête.
« Si on y ajoute juste un brin de complaisance, la situation va exploser », a-t-il estimé, interviewé par radio Okapi.
Plus virulent, André-Claudel Lubaya avait affirmé que l’entrée des rebelles dans la ville katangaise et les affrontements qui s’en sont suivis n’est que « la partie visible de l’iceberg ».
Le fond du problème mérite d’être examiné avec la plus grande attention, relevant que « Le Katanga est un volcan endormi dont il faut redouter les dégâts en cas d’irruption ».
Convaincu de la bonne foi de l’Assemblée nationale, il avait assuré que les recommandations de la mission d’enquête, qu’il n’a pas révélées, pourraient constituer des pistes de solutions pour affirmer de façon impérative l’autorité de l’État dans la province du Katanga ainsi que le caractère indivisible et unitaire de l’État congolais.
Malheureusement, ses propos lui auront valu une mise en garde en bonne et due forme, en plénière, du bureau de l’Assemblée nationale. L’on pensait cependant que la sortie médiatique du député de Kasaï Oriental pouvait pousser le bureau de l’Assemblée nationale à sortir de sa torpeur pour élucider l’énigme de « Ba kata Katanga ».
Bien au contraire, les déclarations ont durci la position de la représentation nationale, la refermant davantage dans sa tour indétrônable.
Or, le phénomène « Ba Kata Katanga » reste une menace réelle pour la province du Katanga. Selon le rapport hebdomadaire des Nations unies transmis jeudi à l’AFP, seize personnes ont été brûlées vives le 1er juin « par des éléments Maï-Maï Bakata-Katanga » lors d’une attaque contre le village de Lwela, un village du centre du Katanga.
Un groupe d’auto-défense local appelé Simba-Moto a repoussé l’attaque des Maï-Maï, tuant sept assaillants, précise-t-on de même source.
Toutes ces questions, et bien d’autres d’ailleurs, ont été superbement ignorées par le Parlement.
Les parlementaires se sont cependant distingués dans des motions, questions orales – généralement alimentaires – reléguant au second plan de questions de haute portée nationale.
Accord-cadre d’Addis-Abeba, pourparlers de Kampala, affaire « Ba kata Katanga »
Plus que 24 heures pour la session ordinaire de mars du Parlement se clôture. Pourtant l’opinion nationale attendait avoir de ses élus des éclaircissements sur des questions d’intérêt national.
La session de mars n’a pas été à la hauteur des enjeux. Pas de lumière sur des questions de brûlante actualité telles que la signature le 24 février 2013 à Addis-Abeba de l’accord-cadre, les tergiversations des pourparlers engagés avec le M23 à Kampala (Ouganda) ou encore l’affaire « Ba kata Katanga » au Katanga.
Au Parlement, les bureaux de deux Chambres ont préféré se taire. Personne n’a voulu prendre le risque d’éventrer publiquement le boa. Un silence coupable qui engage la responsabilité du Parlement.
Le Parlement clôture, ce samedi 15 juin, sa session ordinaire de mars. Des questions d’actualité brûlante, particulièrement celles pour qui l’opinion nationale attendait voir ses élus prendre position ont été pratiquement mises de côté.
Seule la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a connu un dénouement avec la mise en place d’un nouveau bureau, en remplacement de celui coordonné par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda Nyanga.
Des questions sensibles ont été délibérément laissées de côté. En effet, dans les deux Chambres du Parlement, au Sénat tout comme à l’Assemblée nationale, personne n’a voulu prendre le risque d’élucider l’énigme qui se cache derrière la signature le 24 février 2013 à Addis-Abeba (Ethiopie) de l’accord-cadre pour la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs.
LE « SYNDROME DE KAMERHE »
Hanté par le « syndrome de Kamerhe », personne n’a osé franchir le Rubicon, se refugiant derrière le secret d’Etat. Qu’en est-il donc du « syndrome de Kamerhe » ?
L’on se rappelle qu’en 2009, Vital Kamerhe, ténor de l’Alliance pour la majorité présidentielle et président de l’Assemblée nationale, avait dénoncé publiquement la conclusion presqu’en catimini, entre la RDC et le Rwanda, des opérations conjointes entre les armées de deux pays pour la traque et la neutralisation des élements des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).
Kamerhe, alors président de l’Assemblée nationale, avait pris le courage de condamner, évoquant à ce propos des dispositions constitutionnelles qui donnaient prérogatives au Parlement d’être saisi pour information avant toute décision touchant à une seule once de la souveraineté.
Sa « témérité » lui a valu une fatwa auprès de sa propre plate-forme politique.
Sa défenestration du perchoir de l’Assemblée nationale et de l’AMP s’en était suivie. Son successeur, actuellement aux commandes de la Chambre basse du Parlement, n’a pas encore oublié le sort réservé à son prédécesseur descendu de son piédestal en 2009 de la manière que l’on sait.
Ainsi, à l’Assemblée nationale où trône un autre ténor de la Majorité présidentielle – du reste secrétaire général de la MP – la signature de l’accord-cadre d’Addis-Abeba n’a nullement été inscrite au calendrier des plénières de cette session de mars. Par crainte, sans doute pour éviter d’être rattrapé par le « syndrome de Kamerhe ».
La signature en février 2013 de cet accord-cadre garde encore tout son secret. Les contours et les engagements réels ne sont connus que de son seul initiateur, l’ONU, et de ses seuls signataires, les 11 Etats membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Le Parlement qui détient le pouvoir de plaider la cause de la population a passé outre cette question.
Pourtant, dans l’opinion tant nationale qu’internationale, l’accord-cadre d’Addis-Abeba continue de passer pour une négation de la souveraineté de la RDC. Et pourtant, le Parlement vient de louper une occasion durant sa session ordinaire de mars de remettre les pendules à l’heure.
Cette attitude est loin de dissiper les suspicions qui planent sur l’accord-cadre. Pour nombre d’observateurs, le document signé le 24 février 2013 hypothèque l’avenir de la RDC en tant que nation indépendante et souveraine.
LE MYSTERE
L’autre sujet sur lequel le Parlement ne s’est pas véritablement penché en cette session de mars porte sur les pourparlers initiés depuis décembre 2012 à Kampala (Ouganda) entre le gouvernement de la RDC et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Menés sur la base d’un accord conclu dans le cadre de la CIRGL, ces pourparlers, initialement prévus pour quelques jours, s’éternisent.
A Kinshasa, dans l’indifférence la plus totale du Parlement congolais, le sujet est l’affaire du seul gouvernement. Alors que les conclusions de ces pourparlers risquent de remodeler l’architecture institutionnelle issue des élections de 2011, le Parlement s’est mis totalement à l’écart de ce qui se passe à Kampala.
Le sujet n’aura été inscrit dans aucune plénière depuis le 15 mars 2013, date de l’ouverture de la session de mars.
Le fait d’avoir délégué à Kampala certains élus, notamment ceux de la province martyre du Nord-Kivu, ne peut pas constituer une excuse pour le Parlement. Les deux Chambres du Parlement n’ont daigné débattre librement et publiquement de cette question d’intérêt national.
Le Parlement, l’Assemblée nationale en particulier, a jalousement gardé le secret, se mettant sciemment hors du circuit des négociations de Kampala.
Outre ces deux dossiers, le plus épineux reste incontestablement l’affaire « Ba kata Katanga ». Les « Ba kata-Katanga » s’étaient manifestés le 23 mars dans la ville de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga. Venus du Nord de la ville, ils avaient traversé la ville, jusqu’à ce que des affrontements s’en suivent aux abords du gouvernorat.
Le bilan officiel avait été de 23 morts. Ils s’étaient rendus ensuite dans une caserne des Nations unies où ils avaient été désarmés, puis confiés aux forces de l’ordre congolaises et transférés à Kinshasa.
Leur reddition a été négociée entre les autorités locales de la province et la Monusco. Depuis, les « Ba kata Katanga » qui revendiquent l’indépendance de la province du Katanga ont transféré, sans autre forme de procès, à Kinshasa.
Que sont-ils devenus ? Qu’en est-il finalement du phénomène « Ba kata Katanga » ? Le sujet est curieusement classé « secret défense » ?
Pourtant, fin mars, l’Assemblée nationale, saisie de cette affaire, a diligenté une mission d’enquête dans le Katanga pour faire toute la lumière sur cette affaire. La commission d’enquête parlementaire a déposé courant avril 2013 son rapport au bureau de l’Assemblée nationale. Après, plus rien.
Membre de la Commission, André-Claudel Lubaya a été dur par rapport aux événements du 23 mars 2013 à Lubumbashi.
Les recommandations contenues dans le rapport de la mission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire Bakata Katanga devront être appliquées avec « objectivité » et « responsabilité » et « sans complaisance » par ceux qui auront la charge de les exécuter, avait proposé le samedi 6 avril le rapporteur de la délégation parlementaire, André-Claudel Lubaya, à l’issue de la mission d’enquête.
« Si on y ajoute juste un brin de complaisance, la situation va exploser », a-t-il estimé, interviewé par radio Okapi.
Plus virulent, André-Claudel Lubaya avait affirmé que l’entrée des rebelles dans la ville katangaise et les affrontements qui s’en sont suivis n’est que « la partie visible de l’iceberg ».
Le fond du problème mérite d’être examiné avec la plus grande attention, relevant que « Le Katanga est un volcan endormi dont il faut redouter les dégâts en cas d’irruption ».
Convaincu de la bonne foi de l’Assemblée nationale, il avait assuré que les recommandations de la mission d’enquête, qu’il n’a pas révélées, pourraient constituer des pistes de solutions pour affirmer de façon impérative l’autorité de l’État dans la province du Katanga ainsi que le caractère indivisible et unitaire de l’État congolais.
Malheureusement, ses propos lui auront valu une mise en garde en bonne et due forme, en plénière, du bureau de l’Assemblée nationale. L’on pensait cependant que la sortie médiatique du député de Kasaï Oriental pouvait pousser le bureau de l’Assemblée nationale à sortir de sa torpeur pour élucider l’énigme de « Ba kata Katanga ».
Bien au contraire, les déclarations ont durci la position de la représentation nationale, la refermant davantage dans sa tour indétrônable.
Or, le phénomène « Ba Kata Katanga » reste une menace réelle pour la province du Katanga. Selon le rapport hebdomadaire des Nations unies transmis jeudi à l’AFP, seize personnes ont été brûlées vives le 1er juin « par des éléments Maï-Maï Bakata-Katanga » lors d’une attaque contre le village de Lwela, un village du centre du Katanga.
Un groupe d’auto-défense local appelé Simba-Moto a repoussé l’attaque des Maï-Maï, tuant sept assaillants, précise-t-on de même source.
Toutes ces questions, et bien d’autres d’ailleurs, ont été superbement ignorées par le Parlement.
Les parlementaires se sont cependant distingués dans des motions, questions orales – généralement alimentaires – reléguant au second plan de questions de haute portée nationale.
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