vendredi 25 octobre 2013

A quand des occidentaux inculpés par la CPI ?

Ces derniers mois, l’hostilité des pays africains contre la Cour Pénale Internationale (CPI), a pris de l’ampleur. 

Et elle trouve son fondement dans un constat aussi simple que difficilement compréhensible : depuis la mise en vigueur du Traité de Rome en juillet 2002, cette juridiction, qui n’a de supranationale que le nom selon les dirigeants de l’Union Africaine (UA), a en effet inculpé uniquement des criminels africains. 

L’Afrique serait-elle donc le seul continent à commettre des atrocités ? 


L’Union Africaine, qui n’avait pas mâché ses mots il y a quelques mois en accusant ostensiblement la CPI de racisme, s’est réunie les 11 et 12 octobre derniers dans le cadre d’un sommet extraordinaire à Addis-Abeba, qui avait pour ordre du jour l’hypothèse d’un retrait pur et simple de l’ensemble des états du continent de la Cour. 


La raison de cette volonté sécessionniste, c’est que depuis qu’elle exerce, elle n’a mis en examen que des africains, après avoir ouvert des procédures d’enquête dans sept pays :

· Cinq membres de la Lord’s Resistance Army (LRA), mouvement insurrectionnel ougandais, dont son chef Joseph Kony

· Cinq criminels de guerre en RDC parmi lesquels Thomas Lubanga, Bosco Ntaganda (natif du Rwanda) et Callixte Mbarushimana (de nationalité rwandaise)

· En Centrafrique, le congolais Jean-Pierre Bemba

· Six soudanais, l’actuel président en exercice Omar el-Béchir y compris

· Six kényans dont les actuels président et vice-président Uhuru Kenyatta et William Ruto et l’animateur radio Joshua Arap Sang, mis en cause pour leur rôle présumé dans la crise post-électorale de 2007-2008

· Enfin, trois libyens : Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al-Islam et son beau-frère Abdallah Senoussi.

L’universalisme des droits humains ? Vraiment ?

Sans remettre en cause les monstruosités des individus cités ci-dessus – auteurs présumés ou avérés d’enrôlement d’enfants-soldats, massacres et exactions, crimes de guerre, crimes contre l’humanité – il apparaît tout de même difficilement admissible de ne pas relever la moindre présence de criminels occidentaux (entendez par là : européens, nord-américains, israéliens), alors que George W. Bush ou Tony Blair ont osé envahir l’Irak en 2003 avec des prétextes fallacieux. 



Le président américain et le premier ministre britannique ont en effet avancé des accusations selon lesquels l’état irakien possédait des armes de destruction massive, allégations dont on a vite su qu’il s’agissait de mensonges.

Or, aujourd’hui, plus d’une décennie après l’agression de la coalition, ni Bush ni Blair n’ont été inquiétés par la Cour Pénale Internationale, alors que la guerre en Irak a causé la mort de plus d’un million de civils d’après le rapport des britanniques de l’ORB (Opinion Research Business). 


Pour beaucoup d’autres pays, Barack Obama, David Cameron, Nicolas Sarkozy et Ban Ki-moon auraient dû voir leurs procès instruits en raison de leurs implications dans la mort de civils pendant la guerre en Libye. 

Selon ces mêmes personnes, ces dirigeants occidentaux ont commis des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et auraient donc dû être cités à comparaitre devant la CPI. Mais que nenni !

Quid également des actes d’atteintes à la dignité humaine dont ont été auteurs les soldats américains sur des Afghans, qui ont uriné sur leurs victimes ? Un comportement qui s’inscrit pourtant selon la définition que fait la CPI dans la notion de crimes de guerre ?

Pas d’instruction à La Haye non plus pour les personnalités israéliennes, pourtant clairement accusées par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et surtout par le rapport Goldstone d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le cadre de l’opération Plomb durci (2008) dans la bande de Gaza, durant laquelle, en autres, ont eu lieu :

· Des bombardements de civils

· L’utilisation de civils comme boucliers humains

Une justice « sélective » et « politique » ?

« Ce monde est divisé en catégories, il y a des gens qui ont le pouvoir d'utiliser la justice internationale ou le droit international pour juger les autres, mais ça ne s’applique pas à eux. 


Il n'est pas possible d'avoir un système international qui est supposé offrir une justice et qui au final le fait de manière sélective ou politique... », a expliqué Paul Kagamé, président du Rwanda. 

Les constatations que nous avons développées plus haut peuvent-elles donner de la légitimité au sentiment d’iniquité qui habite les africains ? 

Ont-ils le droit de s’interroger sur la parodie d’universalisme de la justice internationale ? Il apparaît en tout état de cause difficile de les contredire…

Et nous, nous nous posons candidement cette question : à quand des occidentaux en comparution devant la CPI ?




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire