Chronique d’un échec annoncé à Kampala.
À Kampala, l’ombre de l’échec hante les pourparlers entre le M23 et le gouvernement. Désormais, la voie est ouverte à la mise en branle du volet militaire.
La reprise des hostilités entre la RDC et le Rwanda est imminente, les deux protagonistes étant sur le pied de guerre.
Les pourparlers de Kampala ont échoué. C’est le moins que l’on puisse dire – les nouvelles en provenance de la capitale ougandaise n’étant plus rassurantes.
Pendant ce temps, ailleurs, essentiellement à Kigali, on se prépare déjà au pire ; autrement dit à la guerre.
Dans la région des Grands Lacs, tous les ingrédients se mettent en place pour cette éventualité. A Kigali, la question ne fait plus de doute – Kampala ayant désormais montré ses limites.
Raison pour laquelle le Rwanda intensifie, depuis peu sa présence militaire à la frontière avec la RDC. Le décor est ainsi planté pour une guerre généralisée aux conséquences incalculables.
Le récent passage dans la région des Grands Lacs d’une délégation de membres du Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas non plus résolu le problème. Au contraire, ceux-ci ont ravivé le doute au point d’étaler au grand jour la passivité de l’ONU.
L’ONU prise au piège
Piégée dans sa propre stratégie d’une promotion de paix, apparemment hypothétique, l’ONU a, comme à l’accoutumée, recouru à la rhétorique habituelle, appelant – sans conviction d’ailleurs – les parties en conflit dans les Grands Lacs – à la retenue.
Pourtant, un rapport des experts des Nations unies sur la RDC a clairement chargé le Rwanda, le considérant comme le principal responsable du désordre qui mine la région des Grands Lacs.
Curieusement, de passage dans la région des Grands Lacs, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont superbement ignoré cette réalité, préférant se camoufler derrière des circonlocutions qui dédouanent pratiquement le Rwanda. Du coup, Kigali a du vent en poupe, conscient des enjeux en présence.
Les négociations de Kampala se butant toujours au mur de refus de Kinshasa, Kigali envisage d’ores et déjà une stratégie de rechange pour sa survie.
De l’avis de Kigali, la guerre reste la seule option possible.
Mais, une sagesse renseigne qu’il est facile de s’engager dans la guerre. La même sagesse prévient cependant qu’il n’est pas sûr d’envisager la voie de sortie quand on se décide d’enclencher la machine de guerre.
La question serait à l’étude dans différentes chancelleries. En Occident, tout comme à l’ONU, l’on craint qu’une confrontation militaire dans les Grands Lacs ne vire au pire.
Le plus grand danger est de perdre le contrôle de cette région où pullulent des milliers de groupes armés aussi divers que contradictoires.
Ce qui, pense-t-on dans certains milieux, expliquerait le passage des membres de Conseil de sécurité dans la région des Grands Lacs. Lesquels auraient fait le lobbying de dissuasion envers la RDC et le Rwanda.
Tout le monde craint la survenance d’une guerre généralisée dans la région, mais personne n’est en mesure de l’éviter. Alors que l’ONU continue de soutenir la solution politique dans la crise de la région des Grands Lacs, elle se trouve, en même temps, impuissante à imposer son schéma pour une sortie de crise apaisée dans la région.
« Le gouvernement congolais et le M23 doivent reprendre le dialogue. Aucune pacification de l’Est du Congo n’est envisageable sans un vrai dialogue », ont fait savoir les ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité au terme de leur mission dans les Grands Lacs.
Kinshasa se prépare
A Kinshasa, le schéma de la guerre n’est pas laissé de côté. A l’ouverture le 7 septembre 2013 des concertations nationales, le chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, a clairement évoqué cette possibilité.
« Aucun effort ne sera ménagé pour que les réunions de Kampala aboutissent à la restauration de la paix et de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, faute de quoi nos Forces armées assumeront ce devoir », avait-il déclaré rappelant qu’ « à maintes reprises, j’ai indiqué que trois options fondamentales, à savoir politique, diplomatique et militaire, sont déterminantes pour mettre fin à cette guerre qui nous est injustement imposée ».
Après avoir cru en une solution politique et diplomatique depuis plus d’une année, l’on se rend compte aujourd’hui que ces deux options ont montré leurs limites.
Pire, de l’autre côté de la frontière, Kigali multiplie des actes de provocation, hypothéquant toutes les chances de réussite d’un processus de paix.
Au bout de compte, la guerre reste la seule issue de sortie de crise pour stabiliser la région des Grands Lacs, malgré ses conséquences.
Kigali, dont la mauvaise foi fait l’unanimité, est convaincu qu’une région des Grands Lacs pacifiée et stable joue en sa défaveur.
En entraînant la RDC dans le schéma des négociations tel que tracé dans le cadre de la CIRGL, il ne cherchait qu’à gagner du temps pour se mettre dans la position de résister si jamais Kinshasa changeait de cap.
La concentration de ses troupes à la frontière en RDC, et tout récemment, la transplantation des soi-disant réfugiés congolais dans les territoires sous contrôle du M23, tiennent à cette stratégie.
Kinshasa doit éviter la léthargie
Kigali ne cache plus ses préparatifs à une éventuelle confrontation militaire, soit directement avec Kinshasa, soit indirectement par le biais du M23. Sa survie en dépend.
Est-ce qu’à Kinshasa on a perçu ce message ?
Le gouvernement ne devait pas dormir sur ses lauriers. « Qui veut la paix prépare la guerre », renseigne un vieil adage.
Il devrait plutôt comprendre que la rengaine d’une issue politique dans la capitale ougandaise, embouchée par les ténors de la communauté internationale, passe pour une pilule amère.
L’ONU tente désespérément d’apaiser les tensions. Et pourtant, elle est consciente de limites de ses appels. Car les signes précurseurs d’une reprise des affrontements entre les protagonistes sont déjà visibles de part et d’autre. Sur le terrain, les militaires sont sur le pied de guerre.
Par ailleurs, d’aucuns soupçonnent le Conseil de sécurité de vouloir jouer le jeu des balkanisateurs de la RDC. Il laisserait aller les choses jusqu’au pourrissement avant de s’improviser en croquemort.
Pour preuve, les visiteurs onusiens ont feint d’ignorer le rapatriement de 200 familles présentées comme réfugiés congolais venus de Tanzanie ou d’ailleurs.
En réalité, c’est pour exécuter le plan de repeuplement des villages abandonnés par les autochtones condamnés à l’errance.
L’agenda caché, c’est de préparer le terrain à l’éventualité de l’exigence d’un référendum d’autodétermination des communautés locales qui se sentiraient non prises en compte par Kinshasa.
Le moment venu, le Conseil de sécurité de l’ONU encouragera la démarche comme il l’a fait dans l’ex-Yougoslavie et au Soudan.
De même, les ambassadeurs du Conseil de sécurité en visite dans le Grands Lacs ont feint d’ignorer ce que tous les observateurs savent, à savoir que ces « réfugiés » dont le rapatriement s’est effectué en violation des procédures légales, ont servi de sauf-conduit pour les militaires rwandais venus en renfort au M23.
Que la guerre éclate incessamment, l’Onu en portera moralement la responsabilité.
Quant à la population congolaise, elle doit rester vigilante et prête à toute éventualité. Elle devra intérioriser le fait que personne ne viendra défendre l’intégrité territoriale de son pays à sa place.
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Le Potentiel
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