jeudi 14 novembre 2013

A Tacloban, "on construit des cabanes au-dessus des cadavres"

14 novembre 2013

 

A TAcloban, le 14 novembre 2013, la vie reprend dans les monceaux de débris laissés par le typhon Haiyan. (Photo Ted Aljibe. AFP)

Philippe Grangereau, envoyé spécial de «Libération» aux Philippines, décrit le dénuement absolu de la population six jours après le passage du typhon Haiyan.


 A Tacloban, «des cabanes au‑dessus des cadavres» 


Cartographie de crise aux Philippines Par Camille Gévaudan

Philippe Grangereau, l’envoyé spécial de Libération à Tacloban, aux Philippines, décrit le dénuement absolu de la population six jours après le passage du typhon Haiyan.
 

L’aide arrive assez massivement sur l’aéroport mais on ne peut pas l'acheminer car les camions et l’essence manquent. Les gens sont à bout de forces, ils n’ont pas mangé, ils ne peuvent pas boire de l’eau potable, ils en sont réduits à piller les ruines de tout ce qui a été ramené sur la plage qui encombre les rues pour voir s’ils ne trouvent pas quelque chose à vendre.

Des conditions d'hygiène horribles
 

On voit des scènes où des gens «pillent» des stations d’essence, mais ils le font de manière très ordonnée, en faisant la queue. Ils utilisent n’importe quel récipient pour le remplir d’essence et la revendre deux, trois ou quatre fois le prix normal pour essayer de gagner un petit peu d’argent car ils n’ont plus rien. 

Même ceux qui veulent partir ne le peuvent pas car ils n'ont pas de quoi payer un bus pour les amener dans les régions de l’île qui n'ont pas été touchées par le typhon.
 

Les secours sont arrivés sur l’aéroport, mais l’aide n’arrive pas jusqu’aux gens car ça a été mal organisé, il n’y a pas assez de camions pour transporter ces secours. C’est pourquoi, par exemple, aujourd’hui j’ai vu la première distribution de vivres dans le Convention Centre de Tacloban où 2 000 personnes sont entassées dans des conditions d’hygiène horrible. 

C’est la première fois depuis vendredi qu’ils reçoivent enfin des vivres, des trousses d’hygiène avec du savon et de l’eau. Ils n’avaient pas reçu d’eau et en étaient réduits à récupérer la pluie pour boire.
 

On n’a pas encore entendu parler d’épidémie, mais énormément de cadavres sont encore enfouis dans les détritus qui encombrent la plage et les rues, qui font parfois 4 ou 5 mètres d’épaisseur. Et les corps sont coincés à l’intérieur. L’odeur est terrible.

 Pourtant, on voit des gens qui sur ces mêmes tas de détritus sont en train de construire des maisons, ou plutôt des cabanes pour s’abriter, alors que les cadavres sont toujours en dessous et empestent terriblement.

«Je ne comprends pas, on va mourir de faim, de soif»
 

A la fois, la vie revient puisque les gens reconstruisent, et en même temps ils le font alors que les cadavres n’ont pas tous été enterrés, loin de là. Il faudrait des bulldozers pour dégager tout cela, brûler tout, mais ça n’existe pas, il n’y a pas de bulldozers ici.

Les gens ne font que pester contre les autorités en disant "je ne comprends pas, on va mourir de faim, de soif". Ils sont totalement désemparés. La colère est très forte, mais il y a un certain fatalisme philippin qui vient s’en mêler. Les gens sont en colère, en même temps ils sourient, et puis la colère passe".

 




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