jeudi 14 novembre 2013

Rwanda : « Le génocide a été perpétré au nom des Hutu »

le 13 novembre 2013

Dans un colloque de deux jours qui a réuni les membres du gouvernement rwandais et le président Paul Kagame ce 9 novembre, le gouvernement s’est donné comme objectif « d’encourager tous les Hutu à demander pardon pour le génocide tutsi perpétré en leur nom en 1994 ». 


Cette initiative intervient trois mois après que le général Paul Kagame en personne ait appelé ses compatriotes hutus à demander pardon aux populations d’ethnie tutsie, pour le génocide perpétré en leur nom.

 


« C’est au nom des Hutu que le génocide contre les Tutsis a été perpétré. Afin que la société rwandaise guérisse de ses maux, il est important que ceux au nom de qui le génocide a été perpétré demandent pardon à ceux à l’encontre desquels il à été commis. Ils doivent le condamner, se dissocier de ceux qui l’ont commis ainsi que des idées qui mènent le Rwanda dans une mauvaise direction, compte tenu d’où vient le Rwanda », c’est l’une des onze résolutions prises à l’issue de colloque de deux jours qui a réuni Paul Kagame et les membres de son gouvernement. 

Au cours de ce colloque, il a été décidé que les membres du gouvernement devaient prendre le devant, en sensibilisant la population sur le bien-fondé de cette initiative, a rapporté l’Orinfor, office rwandais d’information.

Ce colloque qui portait principalement sur un programme baptisé « Ndi umunyarwanda » (je suis rwandais) consiste selon le gouvernement, à aller vers la population pour la sensibiliser sur la vraie histoire du Rwanda et celle du génocide, afin de réécrire une nouvelle page basée sur les bonnes résolutions.

Un ministre demande pardon

Le ministre rwandais des Ressources naturelles Stanislas Kamanzi, un Hutu, a été le premier membre du gouvernement à demander pardon pour le génocide commis au nom de son ethnie, a rapporté Kigali Today, un journal d’information en ligne. 


« J’admets que le génocide tutsi a été perpétré au nom de l’ethnie hutue à laquelle j’appartiens. J’aimerais profiter de ce moment pour demander pardon à tous les Rwandais, particulièrement ceux de l’ethnie tutsie, pour tous les supplices qui leur ont été infligés au nom de l’ethnie hutue, tout particulièrement le génocide dont ils ont été victimes en 1994 et ses conséquences », a souligné le ministre dans une réunion avec le personnel de son ministère ce mardi 12 novembre, dans le cadre de lancement du programme « Ndi Umunyarwanda » dans son département.

Un projet initié par Paul Kagame

L’homme fort du Rwanda, le général Paul Kagame, avait été le premier à défrayer la chronique le 30 juin dernier, en appelant « tous les Hutu à demander pardon à leurs concitoyens de l’ethnie tutsie pour le génocide perpétré en leur nom ». 


« Même si tu n’as pas tué, lève-toi pour demander pardon pour ceux qui ont tué en ton nom. (…), Pourquoi tu vas te taire alors qu’il y a une personne qui a tué en ton nom ? », avait-il lancé au cours de cette rencontre avec la jeunesse.

Paul Kagame lui-même accusé par le Mapping report de l’ONU d’avoir perpétré des crimes qui s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent pourraient être qualifiés de génocide contre les réfugiés hutus en République Démocratique du Congo à partir de 1996, est allé, au cours de son discours devant 800 jeunes, jusqu’à sous-entendre que « ne pas demander pardon pour un génocide commis en ton nom, c’est approuver ceux qui l’ont fait ».

Initiative largement contestée

L’appel de Paul Kagame n’a pas connu toutefois un succès escompté, car à l’instar de trois Hutus (Boniface Rucagu, Kanyange Christine, Rurangwa Denys) qui ont demandé pardon publiquement, très peu de responsables de haut rang se sont portés volontaires pour cette messe. 


Raison qui peut expliquer pourquoi cette fois-ci il a été décidé que les ministres devaient prendre le devant et sensibiliser la population rwandaise. Cependant, rien ne laisse penser pour le moment que cette initiative chère au président connaîtra le succès.

Rappelons que le 17 juillet dernier, Dusingizemungu Jean Pierre, président de l’association des rescapés tutsis du génocide, Ibuka, a été le premier à rejeter l’appel du président Paul Kagame. 


Néanmoins, deux jours plus tard, ce dernier s’est rétracté. Dans un entretien avec le journal Igihe, il a déclaré « être en faveur de cette initiative », justifiant son opposition d’auparavant par le fait qu’il n’avait pas en sa disposition toutes les informations relatives à ce projet au moment où il a tenu ses propos.

Par ailleurs, en juillet dernier, Denise Nyetera, la fille du célèbre historien rwandais Antoine Nyetera, a répondu à l’appel de Paul Kagame en sens inverse, en demandant pardon aux Hutu assassinés au nom des Tutsi. 


« Je suis Tutsi et je demande pardon au nom de tous les Tutsi, pour tous les Hutu assassinés ou qui ont été persécutés à cause de leur appartenance ethnique, que ça soit ceux qui sont morts avant ou après ma naissance en 1962, ceux qui furent tués et ceux qui continuent d’être assassinés par les Inkotanyi (FPR NDLR). Je demande pardon au nom de tous les Tutsi en général (…) à vous tous les Hutu, je vous souhaite la paix de Dieu, et vous demande pardon, et au nom du président tutsi (Paul Kagame NDRL) qui n’ose pas demander pardon pour lui-même », a-t-elle déclaré à la BBC au micro d’Ally Yussufu Mugenzi.
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Jean Mitari

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