Que ce soit clair, une fois pour toutes: l'Afrique n'est pas un pays
le
Une carte de l'Afrique faite en carrelage à Rio. AFP/YASUYOSHI CHIBA
Et les médias occidentaux doivent arrêter tous les raccourcis malheureux et changer de vocabulaire.
L’Afrique a-t-elle un problème avec l’alcool? La question est délicate... Dans un article publié en août 2013, le Times
y répond pourtant, sans ambages, par l’affirmative. Enumérant une série
d’anecdotes kényanes, le magazine britannique s’inquiète du penchant
des Africains pour la boisson.
Problème: l’Afrique est un continent de
plus d’un milliard de personnes.
A l’image de certains médias, les faits sont têtus: même en excluant
les pays dont la population est à forte dominante musulmane que sont
l’Egypte, la Libye, la Tunisie, Djibouti, le Maroc, la Somalie et le
Soudan, l'Organisation mondiale de la Santé constate que la consommation d’alcool du continent est inférieure à celle de l’Europe et des Amériques.
Mais le souci que pose l’enquête du Times n’est pas uniquement
d’ordre statistique et ne concerne pas seulement l’alcool. La confusion,
s’opère à un niveau plus large: c’est tout un système médiatique qui
s'emploie à réduire l’Afrique à un monolithe. Comme si ce continent
gigantesque partageait une culture homogène.
La tendance est fâcheuse: par abus de langage, les journalistes
parlent bien souvent des habitants du Botswana ou de la Mauritanie en
les renvoyant à leur identité d’«Africains». A l'opposé, il est beaucoup
plus rare de voir un Brésilien qualifié d’Américain ou un Chinois
d’Asiatique. La conséquence de ce traitement différencié est que, pour
beaucoup, l’Afrique est un pays.
Pour le sénateur américain Rick Santorum, l'Afrique est un pays.
Afin de mesurer l’ampleur du phénomène, le journaliste Nicolas Kayser-Bril
a compté les occurrences de terme «Afrique» dans le journal britannique
The Guardian. Résultat: quand l’Afrique est massivement citée pour
évoquer les événements se déroulant à Lagos, Luanda ou Johannesburg, il
n’est presque jamais fait mention de l’Asie, dès lors que le sujet
abordé a lieu à Pékin, Séoul ou Tokyo.
Crédit: Nicolas Kayser-Bril
La représentation des pays africains s’en voit altérée: la crise qui touche la Centrafrique
a un impact négatif sur l’image d’autres pays comme le Sénégal ou le
Lesotho quand bien même ces derniers ont peu à voir avec la situation de
la RCA, cite en exemple Nicolas Kayser-Bril. Un jeu de miroir qui gomme
tout contraste et minimise la complexité des contextes locaux.
«Les journalistes que nous sommes sont critiques face aux
rédacteurs en chef qui simplifient où réduisent nos articles. Ils
introduisent fréquemment des clichés comme "le nord arabe contre le sud
chrétien et animiste" [pour parler du Soudan] ou répètent des phrases
toutes faites comme "le génocide de 1994 au cours duquel 800.000 Tutsis
et peu de Hutus ont été tués." [en référence au Rwanda]», témoigne Jina Moore, journaliste en République démocratique du Congo, dans le Boston Review.
Jeffrey Gettleman, vainqueur du prix Pulltizer du reportage international en 2012 est conscient du problème:
«Evidemment, il y a des cultures distinctes en Afrique, et je
n’écris pas beaucoup à ce sujet. J’essaye de le montrer, mais si je sais
que quelque chose de terrible arrive au Soudan ou au Congo, je me
sentirai coupable de ne pas le mettre en lumière», se justifie le chef du bureau Afrique de l’Est du Times.
Mais pour Jina Moore, parler de la violence n'exclut pas de traiter
d'autres sujets. Ni de distinguer les Africains en fonction de leurs
pays et de leurs différentes cultures. -------------------------------------------------------- Lu sur Africaisntacountry et The Wire Slate Afrique
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