dimanche 6 juillet 2014

Alternance démocratique : Denis Sassou Nguesso et «Joseph Kabila» : même combat ?


Denis Sassou Nguesso et "Joseph Kabila"

L’ex-hôtel Conrad, rebaptisé Steigenberger Grand hôtel, va servir de cadre, ce samedi 5 juillet, à 14h00, à la présentation d’un ouvrage intitulé «Entre le bon sens et l’alternance absolue - 

L’Afrique à la croisée des chemins». 

En guise de sous-titre, on peut lire : "Les réalités têtues de l’histoire se répètent". 

L’auteur, Michel Innocent Peya, est un Congolais de Brazzaville. Un militaire. Il plaide pour la révision de la Constitution congolaise au motif, selon lui, que celle-ci a été conçue dans le contexte de la Conférence nationale. 

En fait, il plaide pour l’octroi d’un nouveau mandat au président Denis Sassou Nguesso, "apôtre de la paix", dont le second et dernier terme expire en 2016. 

A défaut, soutient-il, le Congo-Brazzaville risquerait de sombrer dans le chaos à l’image notamment de la Centrafrique ou de la Libye post-Kadhafi. 

L’ouvrage de Michel Innocent Peya n’est pas sans rappeler le livre «Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la nation», publié en juin 2013 par le «Kinois» Evariste Boshab qui n’est autre que le secrétaire général du parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD).

«L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes», avait déclaré, le président américain Barack Obama, en juillet 2009, lors de sa visite à Accra au Ghana. Certains «intellectuels» du continent noir goûtent très peu ces propos. 

Pour eux, l’Afrique aurait droit à une sorte d’«exception» en concevant une «démocratie à l’africaine». Une démocratie où le pouvoir serait exercé sans limitation de mandat. 

L’important est que le pouvoir soit en phase aux aspirations de la population. Là où le bât blesse est que cette thèse est défendue par des «lettrés». Opportunisme ?

Dans son ouvrage s’articulant sur 326 pages, Michel Innocent Peya – qui se prévaut du titre de docteur en management financier – écrit en liminaire que l’objet de sa publication est de «rappeler» à la population congolaise «les dangers de l’alternance absolue du pouvoir démocratique». 

Pour lui, l’alternance absolue n’est autre que la "démocratie à l’occidental" dont le signe particulier est la limitation du nombre de mandat. Selon lui, il importe de recourir à l’Afrique traditionnelle où le «chef» était désigné «pour l’éternité» et ne devait quitter le pouvoir qu’«à la suite d’une maladie périlleuse ou de sa mort».

Après une longue évocation théorique sur la démocratie, l’auteur note que celle-ci ne peut être viable que dans une société où tous les citoyens «ont accès à l’information» et sont dotés d’un certain «niveau d’instruction» pour s’approprier «la culture du débat d’idées». 

Une manière de sous-entendre que, souffrant encore du tribalisme et du régionalisme, les «Brazzavillois» n’ont pas encore atteint ce niveau.

Leader visionnaire

Avançant avec une prudence des Sioux, Peya finit par tomber le «masque» à la page 63 où il explique «comment le départ précipité d’un leader visionnaire entraîne souvent le déluge, le chaos, la terreur dans un pays ». 

Il cite, dans la foulée Mobutu Sese Seko (Zaïre), Saddam Hussein (Irak), Moammar Kadhafi (Libye) et Hosni Moubarak (Egypte). 

A propos de Mobutu, il écrit que depuis le renversement du président zaïrois, "le pays n’a toujours pas chassé ses vieux démons". "(...) l’après Mobutu était entendu comme une occasion mieux un rendez-vous pour résoudre les maux qui rongeaient le pays".

Dans le contexte «brazzavillois», le «leader visionnaire» en question s’appelle Denis Sassou Nguesso. 

Celui-ci a dirigé la République populaire du Congo de février 1979 jusqu’en 1992. Il a été évincé du pouvoir par la Conférence nationale. Une situation que Peya assimile à un «coup d’Etat constitutionnel». «Une sécheresse multidimensionnelle et incommensurable s’observa après le départ de ce leader», souligne-t-il.

Mêlant la science politique à l’ésotérisme, l’auteur qui appartient à l’ethnie Mboshi – celle du président Sassou –, estime que pour gouverner, il ne suffit pas seulement d’avoir une certaine sagesse et un certain savoir. Il faut également passer par des «rites initiatiques» appelés «Otwere» chez les Mboshi.

Réviser la Constitution

Michel Innocent Peya de marteler un premier message. A savoir que la Constitution congolaise actuelle est «un texte taillé sur mesure» par des « politiciens». 

Pour lui, il serait purement et simplement «irresponsable» de ne pas réviser cette charte fondamentale afin de l’adapter aux réalités politiques actuelles. 

Et de souligner - c’est le second message - que la limitation de mandat « ne doit concerner que les chefs d’Etat incompétents, inefficaces, incapables et non visionnaires ». Il oublie cependant d’indiquer le mécanisme à mettre en place pour statuer sur la compétence ou non d’un chef d’Etat.

Vint enfin le troisième et principal message. 

"Après Denis Sassou Nguesso, quel sort pour le Congo" ?, s’interroge l’auteur. La réponse tombe comme un couperet à la page 221 : « Le Congo-Brazzaville risque de connaître le sort de la Libye, de l’Egypte, de la RD Congo, de l’Irak en termes de chaos s’il s’hasarde à tomber dans un leadership politique faible, et non emblématique n’incarnant pas la nation. (…) ».

Peya qui a manifestement choisi son camp, ne se prive pas de «fusiller» l’opposition dont les acteurs sont, selon lui, mus uniquement par la «politique du ventre». 

«Dans nos pays, en l’espace d’une seule nuit, un opposant peut intégrer le pouvoir et un dignitaire du régime devenir opposant». Il attribue cette transhumance «à l’absence de culture politique, d’éthique de la gouvernance et de déontologie politique ».

L’Afrique malade de ses "élites"

Sous un emballage pseudo-scientifique, le livre de Michel Innocent Peya est un ouvrage de propagande politique. Un plaidoyer - un ballon d’essai? - en faveur du maintien de Denis Sassou Nguesso au sommet de l’Etat. Sassou est dépeint sous les traits d’un "despote éclairé", soucieux du bien-être de "son" peuple.

Ce bouquin n’est pas sans rappeler celui publié en juin 2013 par le «Kinois» Evariste Boshab, professeur ordinaire à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa, et néanmoins secrétaire général du parti kabiliste. 

Sous le titre «Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la nation», Boshab prédisait la mort par inanition de l’Etat congolais si la Constitution n’était pas révisée. Une révision dont la motivation reste prosaïque. 

Il s’agit de donner à «Joseph Kabila» la possibilité de briguer un troisième mandat. Une présidence à vie qui ne dit pas son nom.

Décidément, l’Afrique est malade de ses «élites». Des élites qui ont vendu leurs âmes en mettant leur savoir au service des "hommes providentiels" autoproclamés. Et pourquoi pas de l’argent-roi? 

Dans la logique prônée respectivement par Michel Innocent Peya et Evariste Boshab, l’alternance démocratique ne pourrait intervenir, à Brazzaville comme à Kinshasa, qu’après le décès, par mort naturelle, des chefs d’Etat actuels. Pauvre Afrique ! 
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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