Rapport 2014 de Transparency International
Des billets de banque qui changent des mains
Selon le rapport 2014 publié par l’organisation non gouvernementale "Transparency International", le Congo démocratique du duo "Kabila"-Matata n’a pas fait un grand pas en avant sur le chemin de la lutte contre la corruption.
Le pays occupe la même place qu’en 2013 dans le peloton de queue des Etats les plus corrompus. Dans le peloton de tête, on trouve, comme à l’accoutumée, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Finlande.
Les données obtenues auprès de la Banque mondiale, de la Banque africaine de Développement et de la Fondation allemande Bertelsmann servent de sources à cette Ong.
Dans son allocution d’investiture le 20 décembre 2011, "Joseph Kabila" avait promis, dans le cadre de son projet politique dit de "révolution de la modernité", de mettre fin "à la complaisance".
Il ajoutait : "la corruption et l’impunité sont à bannir". Quel en est le résultat à quelques vingt-deux mois de la fin du quinquennat?
Dans son classement annuel sur la corruption publié le 3 décembre, "Transparency international" présente le Congo-Kinshasa dans la même position que celle qu’il occupait l’année dernière : 154e sur 174 pays.
Expliquant le "cas congolais", le coordonnateur régional Afrique centrale de cette organisation, Lucas Olo Fernandez, a eu ces mots : «En ce qui concerne la RDC, il n’y a pas eu de grands changements depuis l’année passée. L’année passée, il y avait eu un petit développement positif mais maintenant ce que l’indice montre cette année est que la RDC reste dans la même position».
Fernandez de pointer un doigt accusateur en direction de ce qu’il appelle les "affaires des industries extractives et des travaux publics".
Et d’inviter, au passage, le gouvernement congolais à "faire plus d’efforts en termes de transparence dans ces secteurs pour montrer des vrais changements au pays".
On le sait, la corruption a tendance à augmenter le coût des projets notamment par la "surfacturation". Un procédé destiné à permettre à tous le intervenants de "manger".
La corruption est définie comme "un moyen qu’on utilise pour inciter une personne - généralement un fonctionnaire ou un responsable politique - à agir contre son devoir".
La Banque mondiale a d’ailleurs étendu cette notion à toute forme d’enrichissement découlant de l’exercice d’une fonction publique.
Certains analystes aiment ironiser que la pauvreté et le sous-développement sont les "fils naturels" de la corruption.
Les "petites attentions" aux fonctionnaires et les gros pots-de-vin à des membres du gouvernement sont autant de ressources qui devaient servir à la redistribution des richesses sous forme d’infrastructures de base (écoles, routes, hôpitaux, eau, électricité).
Les "nationalistes de gauche" autoproclamés
De février 2007 à mars 2012, le gouvernement congolais a été dirigé respectivement par Antoine Gizenga et Adolphe Muzito, deux personnalités issues du Parti lumumbiste unifié (Palu). Une formation politique qu’on pourrait situer à l’extrême-gauche.
Les deux "gauchistes" n’ont apporté aucun changement.
En 2007, la corruption s’est bien portée en dépit de leur présence à la tête de l’exécutif national.
Et pourtant. Lors de son retour d’exil en 1992, Gizenga avait présenté, devant les journalistes à Bruxelles, un "programme de gouvernement" qui se limitait à un seul verbe : "nettoyer".
"Quand on arrive dans une maison qui est sale, disait-il, il faut commencer par nettoyer".
Parvenu au pouvoir, "Mbuta Gizenga" s’est laissé chloroformer par les délices du pouvoir. Conséquence : il ne retrouvait plus le "balai". Son successeur, mêmement. De l’avis général, les deux hommes trônent aujourd’hui sur une petite fortune personnelle.
Présidente de Transparency International, Huguette Labelle déclarait en 2007 qu’"en dépit de quelques avancées, la corruption continue de siphonner de manière dramatique les ressources affectées à l’éducation, à la santé et aux infrastructures".
En septembre 2008, le classement de Transparency plaçait le Congo-Kinshasa
Classée au 171ème rang mondial avec un indice de 1,7 sur 10. Autrement dit, le pays fait toujours partie des nations où la corruption est très élevée.
En 2009, malgré le mot d’ordre "Tolérance zéro" lancé par "Joseph Kabila" en juin, l’ex-Zaïre semblait scotché dans le hit parade des pays les plus corrompus (171e place sur 180).
Il y côtoyait : la Guinée équatoriale; le Tchad ; la Guinée ; le Soudan ; l’Afghanistan ; le Haïti ; l’Irak ; le Myanmar et la Somalie. Le Botswana est cité en exemple comme étant le pays africain le moins corrompu.
En 2010, la situation ne connaîtra aucune embellie. Bien au contraire. Des observateurs avisés de relever que la mauvaise gouvernance continue à gangrener la gestion de l’Etat.
Pire, les prévisions budgétaires sont foulées aux pieds. "Ce manque de discipline budgétaire continue à favoriser la généralisation de la corruption", disaient les experts.
L’ère Matata
Nommé Premier ministre fin avril 2012, Augustin Matata Ponyo prétendait incarner la modernité. A titre d’exemple, il avait interdit aux opérateurs économiques libanais et indo-pakistanais de mettre les pieds dans son cabinet.
Dieu seul sait le rôle que ces "hommes d’affaires" jouent dans la propagation de la corruption dans la société congolaise.
"Pour être vertueux, l’homme a besoin d’un minimum de bien-être", disait Sophocle. Il est vrai qu’il faut un corrompu pour qu’il y ait un corrupteur.
"Ici, chaque ministre, chaque officier supérieur a son libanais ou son indopakistanais", disent les Kinois et les Lushois.
Dans le classement 2012 de Transparency International, le Congo-Kinshasa a fait du "progrès". Il occupe la 160ème place sur 176. Dans une interview accordée à RFI en septembre, Oscar Rashidi, président de la "Ligue contre la corruption et la fraude au Congo", reste prudent.
Pour lui, la corruption "ne fait qu’avancer" en épinglant le secteur minier et politique. "Pour échapper à l’impôt, assure-t-il, les compagnies sous-évaluent leurs concessions et les revendent à des sociétés de complaisance basées dans des paradis fiscaux".
"Les secteurs miniers sont dans les mains des Libanais, des Indiens et des Chinois.
C’est une sonnette d’alarme sur laquelle je suis en train d’appuyer, pour que le président de la République Joseph Kabila soit informé que les responsables qui sont autour de lui, s’organisent pour piller systématiquement la République démocratique du Congo".
Et de conclure : "Le vote s’achète ici. Au Congo, il y a eu beaucoup de précédents !
La fois passée, quand on avait procédé à cette révision constitutionnelle pour des élections à un seul tour. Et même lors du départ de l’ancien président du Parlement Vital Kamerhe, on sait qu’il y avait de l’argent qui avait circulé au Parlement".
La fratrie "Kabila"
Depuis l’accession de "Joseph Kabila" à la tête de l’Etat, on assiste à la "montée en puissance" de son frère Zoé et de sa sœur Jaynet avec la noblesse et l’exemplarité en moins.
Quiconque veut investir au Congo-Kin recourt à la "protection" de la fratrie "Kabila". Un comportement quasi-maffieux.
Zoé "Kabila" s’est "spécialisé" dans la fourniture aux pouvoirs publics des "imprimés de valeur" (plaques d’immatriculation, permis de conduire, timbres fiscaux etc.).
Il s’est approprié une partie de la concession de l’Athenée de la Gombe où il a érigé un centre sportif privé.
Sur le même site, il a bâti un restaurant pour VIP dénommé "O’café". Un immeuble de plusieurs étages a été construit dans la même concession. Il semble qu’en guise de "commissions", certaines personnalités de la "famille" auraient reçu un ou deux appartements.
"Zoé" est sorti de l’anonymat lors de la présidentielle de 2006. A Lubumbashi, il y aurait une certaine "Sisi" dont le mari, de nationalité tanzanienne, multiplie des gaffes.
L’homme recourt aux éléments de la garde présidentielle pour faire sentir le poids de son influence. Au Katanga, Mama Sifa Mahanya s’est "spécialisée" dans le "dédouanement" des marchandises des tiers à Kasumbalesa contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Récemment, la "famille" s’est enrichie d’un nouveau membre. Une "petite sœur", inconnue jusque là. Elle s’appelle Ruwet Mtwale…Kabila.
Notons que le patronyme "Mtwale" était porté par "Joseph Kabila" pendant qu’il était en Tanzanie. "Pour échapper aux sbires de Mobutu", indique notamment Célestin Kabuya Lumuna.
A Kinshasa, c’est bien connu: "Joseph Kabila" se sert de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler en guise de prête-nom.
Après avoir mis la Minière de Bakwanga (Miba) à genoux, les deux "partenaires" ont trouvé de nouveaux dadas dans le secteur minier et des hydrocarbures.
Depuis le 5 février 2007 à ce jour, le même homme règne à la tête du ministère des Mines. Son nom : Martin Kabwelulu Labilo. C’est précisément dans le secteur minier que la corruption fait des ravages.
D’aucuns pourraient ergoter que le Congo démocratique a fait du progrès dans la "lutte" contre la corruption. Et ce en passant de la 171è place à la 154è. Chacun peut se consoler comme il peut...
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant
Des billets de banque qui changent des mains
Selon le rapport 2014 publié par l’organisation non gouvernementale "Transparency International", le Congo démocratique du duo "Kabila"-Matata n’a pas fait un grand pas en avant sur le chemin de la lutte contre la corruption.
Le pays occupe la même place qu’en 2013 dans le peloton de queue des Etats les plus corrompus. Dans le peloton de tête, on trouve, comme à l’accoutumée, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Finlande.
Les données obtenues auprès de la Banque mondiale, de la Banque africaine de Développement et de la Fondation allemande Bertelsmann servent de sources à cette Ong.
Dans son allocution d’investiture le 20 décembre 2011, "Joseph Kabila" avait promis, dans le cadre de son projet politique dit de "révolution de la modernité", de mettre fin "à la complaisance".
Il ajoutait : "la corruption et l’impunité sont à bannir". Quel en est le résultat à quelques vingt-deux mois de la fin du quinquennat?
Dans son classement annuel sur la corruption publié le 3 décembre, "Transparency international" présente le Congo-Kinshasa dans la même position que celle qu’il occupait l’année dernière : 154e sur 174 pays.
Expliquant le "cas congolais", le coordonnateur régional Afrique centrale de cette organisation, Lucas Olo Fernandez, a eu ces mots : «En ce qui concerne la RDC, il n’y a pas eu de grands changements depuis l’année passée. L’année passée, il y avait eu un petit développement positif mais maintenant ce que l’indice montre cette année est que la RDC reste dans la même position».
Fernandez de pointer un doigt accusateur en direction de ce qu’il appelle les "affaires des industries extractives et des travaux publics".
Et d’inviter, au passage, le gouvernement congolais à "faire plus d’efforts en termes de transparence dans ces secteurs pour montrer des vrais changements au pays".
On le sait, la corruption a tendance à augmenter le coût des projets notamment par la "surfacturation". Un procédé destiné à permettre à tous le intervenants de "manger".
La corruption est définie comme "un moyen qu’on utilise pour inciter une personne - généralement un fonctionnaire ou un responsable politique - à agir contre son devoir".
La Banque mondiale a d’ailleurs étendu cette notion à toute forme d’enrichissement découlant de l’exercice d’une fonction publique.
Certains analystes aiment ironiser que la pauvreté et le sous-développement sont les "fils naturels" de la corruption.
Les "petites attentions" aux fonctionnaires et les gros pots-de-vin à des membres du gouvernement sont autant de ressources qui devaient servir à la redistribution des richesses sous forme d’infrastructures de base (écoles, routes, hôpitaux, eau, électricité).
Les "nationalistes de gauche" autoproclamés
De février 2007 à mars 2012, le gouvernement congolais a été dirigé respectivement par Antoine Gizenga et Adolphe Muzito, deux personnalités issues du Parti lumumbiste unifié (Palu). Une formation politique qu’on pourrait situer à l’extrême-gauche.
Les deux "gauchistes" n’ont apporté aucun changement.
En 2007, la corruption s’est bien portée en dépit de leur présence à la tête de l’exécutif national.
Et pourtant. Lors de son retour d’exil en 1992, Gizenga avait présenté, devant les journalistes à Bruxelles, un "programme de gouvernement" qui se limitait à un seul verbe : "nettoyer".
"Quand on arrive dans une maison qui est sale, disait-il, il faut commencer par nettoyer".
Parvenu au pouvoir, "Mbuta Gizenga" s’est laissé chloroformer par les délices du pouvoir. Conséquence : il ne retrouvait plus le "balai". Son successeur, mêmement. De l’avis général, les deux hommes trônent aujourd’hui sur une petite fortune personnelle.
Présidente de Transparency International, Huguette Labelle déclarait en 2007 qu’"en dépit de quelques avancées, la corruption continue de siphonner de manière dramatique les ressources affectées à l’éducation, à la santé et aux infrastructures".
En septembre 2008, le classement de Transparency plaçait le Congo-Kinshasa
Classée au 171ème rang mondial avec un indice de 1,7 sur 10. Autrement dit, le pays fait toujours partie des nations où la corruption est très élevée.
En 2009, malgré le mot d’ordre "Tolérance zéro" lancé par "Joseph Kabila" en juin, l’ex-Zaïre semblait scotché dans le hit parade des pays les plus corrompus (171e place sur 180).
Il y côtoyait : la Guinée équatoriale; le Tchad ; la Guinée ; le Soudan ; l’Afghanistan ; le Haïti ; l’Irak ; le Myanmar et la Somalie. Le Botswana est cité en exemple comme étant le pays africain le moins corrompu.
En 2010, la situation ne connaîtra aucune embellie. Bien au contraire. Des observateurs avisés de relever que la mauvaise gouvernance continue à gangrener la gestion de l’Etat.
Pire, les prévisions budgétaires sont foulées aux pieds. "Ce manque de discipline budgétaire continue à favoriser la généralisation de la corruption", disaient les experts.
L’ère Matata
Nommé Premier ministre fin avril 2012, Augustin Matata Ponyo prétendait incarner la modernité. A titre d’exemple, il avait interdit aux opérateurs économiques libanais et indo-pakistanais de mettre les pieds dans son cabinet.
Dieu seul sait le rôle que ces "hommes d’affaires" jouent dans la propagation de la corruption dans la société congolaise.
"Pour être vertueux, l’homme a besoin d’un minimum de bien-être", disait Sophocle. Il est vrai qu’il faut un corrompu pour qu’il y ait un corrupteur.
"Ici, chaque ministre, chaque officier supérieur a son libanais ou son indopakistanais", disent les Kinois et les Lushois.
Dans le classement 2012 de Transparency International, le Congo-Kinshasa a fait du "progrès". Il occupe la 160ème place sur 176. Dans une interview accordée à RFI en septembre, Oscar Rashidi, président de la "Ligue contre la corruption et la fraude au Congo", reste prudent.
Pour lui, la corruption "ne fait qu’avancer" en épinglant le secteur minier et politique. "Pour échapper à l’impôt, assure-t-il, les compagnies sous-évaluent leurs concessions et les revendent à des sociétés de complaisance basées dans des paradis fiscaux".
"Les secteurs miniers sont dans les mains des Libanais, des Indiens et des Chinois.
C’est une sonnette d’alarme sur laquelle je suis en train d’appuyer, pour que le président de la République Joseph Kabila soit informé que les responsables qui sont autour de lui, s’organisent pour piller systématiquement la République démocratique du Congo".
Et de conclure : "Le vote s’achète ici. Au Congo, il y a eu beaucoup de précédents !
La fois passée, quand on avait procédé à cette révision constitutionnelle pour des élections à un seul tour. Et même lors du départ de l’ancien président du Parlement Vital Kamerhe, on sait qu’il y avait de l’argent qui avait circulé au Parlement".
La fratrie "Kabila"
Depuis l’accession de "Joseph Kabila" à la tête de l’Etat, on assiste à la "montée en puissance" de son frère Zoé et de sa sœur Jaynet avec la noblesse et l’exemplarité en moins.
Quiconque veut investir au Congo-Kin recourt à la "protection" de la fratrie "Kabila". Un comportement quasi-maffieux.
Zoé "Kabila" s’est "spécialisé" dans la fourniture aux pouvoirs publics des "imprimés de valeur" (plaques d’immatriculation, permis de conduire, timbres fiscaux etc.).
Il s’est approprié une partie de la concession de l’Athenée de la Gombe où il a érigé un centre sportif privé.
Sur le même site, il a bâti un restaurant pour VIP dénommé "O’café". Un immeuble de plusieurs étages a été construit dans la même concession. Il semble qu’en guise de "commissions", certaines personnalités de la "famille" auraient reçu un ou deux appartements.
"Zoé" est sorti de l’anonymat lors de la présidentielle de 2006. A Lubumbashi, il y aurait une certaine "Sisi" dont le mari, de nationalité tanzanienne, multiplie des gaffes.
L’homme recourt aux éléments de la garde présidentielle pour faire sentir le poids de son influence. Au Katanga, Mama Sifa Mahanya s’est "spécialisée" dans le "dédouanement" des marchandises des tiers à Kasumbalesa contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Récemment, la "famille" s’est enrichie d’un nouveau membre. Une "petite sœur", inconnue jusque là. Elle s’appelle Ruwet Mtwale…Kabila.
Notons que le patronyme "Mtwale" était porté par "Joseph Kabila" pendant qu’il était en Tanzanie. "Pour échapper aux sbires de Mobutu", indique notamment Célestin Kabuya Lumuna.
A Kinshasa, c’est bien connu: "Joseph Kabila" se sert de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler en guise de prête-nom.
Après avoir mis la Minière de Bakwanga (Miba) à genoux, les deux "partenaires" ont trouvé de nouveaux dadas dans le secteur minier et des hydrocarbures.
Depuis le 5 février 2007 à ce jour, le même homme règne à la tête du ministère des Mines. Son nom : Martin Kabwelulu Labilo. C’est précisément dans le secteur minier que la corruption fait des ravages.
D’aucuns pourraient ergoter que le Congo démocratique a fait du progrès dans la "lutte" contre la corruption. Et ce en passant de la 171è place à la 154è. Chacun peut se consoler comme il peut...
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant
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