le 17 avril 2014
C’est l’impression générale qui
ressort des signes manifestés par le régime Kabila qui, longtemps, a
vécu en pensant qu’il pouvait régner ad vitam aeternam et qu’il
disposait, indéfiniment et à l’instar du régime Mobutu, de tout son
temps, pour diriger la RDC.
Une fois de plus, c’est mal comprendre le
mécanisme d’autorégulation des régimes politiques dans un système
international en constance mutation qui exige périodiquement une remise
en question et des repositionnements géopolitiques en fonction des
intérêts des grandes puissances du monde.
Ainsi, faute d’anticiper
l’avenir, celui dont madame Colette Braeckman a prédit de « surprendre
positivement le monde entier et le Congo », Joseph Kabila, semble vivre
ses dernières années à la tête du Congo où il fut mystérieusement
propulsé contre toute attente.
Cette analyse se pose la question, sur la
base des éléments factuels et non exhaustifs, si l’on peut tout
doucement, dans un futur récent, penser à conjuguer l’ère Kabila au
passé ?
Limite psychologique constitutionnelle
Nul n’est besoin de rappeler qu’au 9
décembre 2016 le raïs congolais arrivera en fin de mandat
constitutionnel.
Lorsqu’on décrypte les agitations et craintes que
suscitent cette échéance, notamment dans les guerres des clans qui
gravitent autour de Kabila pou sa succession consensuelle ou forcée mais
aussi dans les prises de position de l’opposition, de la société civile
et d’une majorité de l’opinion publique congolaise, l’on voit mal
comment une prolongation du mandat de Kabila, au-delà de 2016,
permettrait de créer un climat de stabilité politique alors qu’il peine
déjà à diriger le pays à la suite des conséquences d’une élection
frauduleuse qui lui a ôté l’essentiel de sa légitimité politique
nationale.
Des élections de 2011 qui lui ont conféré un mandat de trop.
Échec de la réforme du secteur de sécurité et ses conséquences diplomatiques
Si on doit à Kabila la réunification du
Congo morcelé en 2003, il n’est malheureusement pas parvenu à tenir sa
promesse, énoncée depuis son arrivée au pouvoir en 2001 et attendue par
l’ensemble de la communauté internationale, de restaurer l’autorité de
l’Etat et d’assurer la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire
congolais.
Une condition sine qua none de la stabilisation de l’ensemble
de la sous-région des Grands Lacs dont l’épicentre se trouve en RDC. Et
la patience a ses limites d’autant que l’on dit souvent si l’on est pas
la solution à une crise dans laquelle on est impliqué, on en devient
alors le vrai problème.
Dans un contexte politique international où 2013
était favorable à la RDC qui aurait pu tirer positivement profit de la
mise en application effective de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et des
recommandations de la résolution 2098, le régime de Kabila a préféré
trainer les pieds.
Entretemps, d’autres crises sont passées
dans la région (Centrafrique et Sud Soudan) et ont incité la communauté
internationale à revoir sa stratégie pour le Congo et la région, en
ré-priorisant son agenda régional.
C’est ainsi que, par exemple, suite à
la crise au Soudan du Sud le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé
l’envoi de 5.500 soldats et 423 policiers supplémentaires pour renforcer
les 7.000 Casques bleus et 700 policiers de la MINUSS (Mission de l’ONU
au Soudan du Sud) déjà présents.
Pour ce faire, le Conseil de sécurité a
décidé que les renforts pour la MINUSS seront prélevés du transfert de
contingents d’autres missions, en particulier de la MONUSCO,
de la MINUAD (Darfour), de la FISNUA, de l’ONUCI (Côte d’Ivoire) et de
la MINUL (Libéria).
Or une diminution de la capacité opérationnelle de
la MONUSCO s’accompagnerait, avec la gouvernance sécuritaire déficitaire
de Kabila, d’une recrudescence de la violence.
Ainsi, dans certains milieux
diplomatiques très influents pour les questions du Congo et de sa
sous-région, la question de l’après-Kabila est de plus en plus évoquée
ouvertement car agacés et fatigués de dépenser depuis plus de 13 ans
leurs énergies à maintenir en vie un régime métastasé sur tous les
plans.
Un signe que les temps commencent à changer et dans la plupart
des chancelleries, l’on se focalise davantage sur l’après Kabila,
c’est-à-dire l’échéance 2016 que s’activer à maintenir en vie un régime
dans un état clinique de coma politique végétatif irreversible.
Kabila
étant devenu « diplomatievore » et émousse l’énergie de la
communauté internationale qui a d’autres chats à fouetter ailleurs, dans
d’autres points chauds de la planète, notamment dans le voisinage
direct de la RDC (RCA, Soudan du Sud…)
Lâché par ses partenaires économiques internationaux traditionnels ?
Si en 2007 ce qu’on l’on qualifie de
« Contrat chinois » a été le deal du siècle qui a servi à Kabila de
bouée d’oxygène pour financer le programme gouvernemental de son premier
mandat, l’on croit savoir que cette pierre angulaire qui devrait
également supporter la « révolution de la modernité » est devenue une
pierre d’achoppement.
On signale que Exim Bank, la banque chinoise qui finance les travaux de reconstruction des infrastructures réalisés par les entreprises chinoises en RDC depuis le lancement en 2007 du programme du gouvernement dans un partenariat « win-win » appelé « Cinq Chantiers » a résilié ses financements depuis 2013 pour cause de risques
politiques encourus par ces investissements et d’abus de confiance de
la part des autorités congolaises, non respectueuses des engagements
contactés.
En effet, douze mois après l’approbation
du projet de coopération par le gouvernement chinois, la RDC s’était
engagée à adopter une loi devant sécuriser le régime fiscal, douanier et
de change applicable à ce projet de coopération en raison de sa
spécificité.
Cette loi, mentionnée dans L’article 15 de ce contrat,
était une exigence des Chinois pour se protéger contre toute
appropriation ou nationalisation de leurs entreprises dans le futur ou
encore l’expropriation directe ou indirecte de la Sicomines,
joint-venture minière née de ce partenariat, et son patrimoine.
Il
semble que c’est à cause du retard pris pour l’adoption de cette loi au
Parlement que les Chinois n’ont pas décaissé de l’argent en 2013 pour
l’exécution des projets d’infrastructures, notamment la construction de
routes et d’hôpitaux.
Initialement conclus pour 9 milliards de dollars
américains, ces contrats avaient été revus à 6,2 milliards suite aux
pressions du FMI et de la Banque mondiale qui prétendaient que ces
contrats allaient alourdir la dette extérieure de la RDC, ce que la
Chine avait réfuté pour ces contrats « gagnant-gagnant » et proche de la
troque.
Réagissant à ces bruits de couloirs, le Premier ministre, Matata Ponyo avait reconnu sur Radio Okapi, sans l’affirmer, un problème dans le partenariat sino-congolais, évoquant une «question qui nécessite un examen en profondeur».
Lire aussi http://desc-wondo.org/divorce-entre-exim-bank-et-la-rdc-lexpert-juriste-didier-bazola-contextualise-les-faits/ ethttp://desc-wondo.org/divorce-entre-exim-bank-et-la-rdc-le-geologue-domy-sambwa-complete-m-didier-bazola/
Lire aussi http://desc-wondo.org/divorce-entre-exim-bank-et-la-rdc-lexpert-juriste-didier-bazola-contextualise-les-faits/ ethttp://desc-wondo.org/divorce-entre-exim-bank-et-la-rdc-le-geologue-domy-sambwa-complete-m-didier-bazola/
Comme un malheur ne vient jamais seul, en
même temps, le Congo ne bénéficie plus depuis plusieurs mois des
facilités de crédit lui accordées par le Fonds monétaire international
(FMI).
Faute d’avoir obtenu suffisamment d’informations sur une cession
de parts dans une entreprise minière appartenant au portefeuille de
l’Etat congolais, le FMI a suspendu, le 30 novembre 2012, son programme
triennal de « facilité de crédit » de173,2 millions d’euros restants de
l’accord sur un total de 408,75 millions d’euros pour cause de manque de
transparence des industries extractives qui pillent le coffre-fort géologique et le poumon économique du Congo avec la complicité de ses dirigeants depuis des décennies. Une situation qui amena la très éclectique revue diplomatique,
Le Monde – Hors série – Le Bilan du monde : Economie & Environnement,
dans son édition annuelle de mars 2013 de titrer son article sur la RDC
en se posant cette question existentielle prémonitoire : “Et si la
survie du régime de Joseph Kabila ne dépendait pas tant de la guerre
avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, mais se jouait plutôt
au siège d’une multinationale basée dans les paradis fiscal des îles
vierges ?”
Dans un contexte mondial de néolibéralisme de l’État prédateur (James Galbraith) qui a créé une gouvernance mondiale où
les organisations internationales dictent l’agenda mondial au profit
des États militairement et économiquement puissants, via notamment leurs
outils institutionnels que sont la BM, FMI, OMC, G8, G20, OTAN, UE… (Fweley D., Gouvernance Action Publique et démocratie participative,
2011), cette suspension des facilités financières à la RDC revêt
davantage plus une portée politique qu’économique, car comme déclarait
le Premier ministre Matata, la RDC peut se passer temporairement de
l’aide du FMI.
Mais cette symbolique signifie qu’un désinvestissement du
FMI ou de la BM, comme cela s’est passé sous Mobutu durant les années
1990, s’accompagne très souvent d’une cessation de soutien politique et
diplomatique au régime.
C’est la grande explication qu’il faille lire
derrière cette sanction du FMI qui agit plutôt comme un outil politique
de répression (économique) que d’aide au développement. Ce qui est en
plus marquant dans cette rupture de confiance des partenaires
traditionnels du régime, c’est que depuis quelque temps, on assiste à un
alignement stratégique des États-unienne et de la Chine sur le dossier
RDC.
Rappelons en outre que le 9 février 2012, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick
avait annoncé que son institution n’allait plus contribuer au budget
général de la RDC par manque de contre-pouvoir dans ce pays.
Au cours
d’une conférence de presse à Pittsburgh (États-Unis), il a estimé que « les
contrôles démocratiques lui semblent insuffisants en République
Démocratique du Congo, raison pour laquelle, il faut stopper d’alimenter
son budget », tiut en qualifiant la RDC de « zone grise » au même
titre que l’Afghanistan et l’Haïti.
De plus, dans un démenti peu
convaincant du désengagement de la BM du grand projet de barrage
hydroélectrique Inga III en RD Congo, David Theis, le porte-parole de la BM a déclaré le 5 février à l’AFP que le conseil d’administration de la Banque a reporté sine die sa réunion prévue le 11 février qui devait valider un prêt de 73 millions de dollars US en faveur de ce projet situé sur le fleuve Congo.
«Nous
avons reporté la présentation, devant notre conseil, du projet
d’assistance technique lié à la conception du projet mais il n’a pas été
annulé…Notre engagement envers le projet Inga III reste inchangé », a-t-il-déclaré, sans préciser davantage les motifs de cette décision. Une déclaration qui sonne comme un refrain du déjà entendu sous la 2ème République de Mobutu.
Kabila et ses alliés régionaux sont-ils isolés par les Etats-Unis et la Chine ?
D’abord le choix de la Tanzanie comme
seul pays régional (CIRGL) visité par Obama reste un signe annonciateur
d’un glissement du centre de gravité régional de l’axe Kampala-Kigali
vers Dar-es-Salam.
Cela augure sans doute une nouvelle ère dans le
leadership géopolitique régional autrefois assuré par l’axe
Kampala-Kigali avec Museveni et Kagame, mis actuellement au banc des
accusés pour leurs rôles nocifs dans l’entretien de l’instabilité dans
la sous-région et leur incapacité d’y insuffler un modèle
développemental dynamique à l’instar des pays de l’Asie du Sud-Est.
Le
Président Barack Obama a justifié sa tournée africaine, notamment sa
présence à Dar-es-Salam, en ces termes : « Je l’ai dit à travers
l’Afrique, nous envisageons un nouveau modèle qui ne soit plus seulement
basé sur l’aide et l’assistance mais sur le commerce et le
partenariat… Le but ultime est que les Africains construisent l’Afrique,
pour les Africains.
Et notre travail est d’être un partenaire dans ce
processus, et la Tanzanie a été un de nos meilleurs partenaires ».
Des objectifs que ni Museveni ni Kagame, encore moins leur allié Kabila
peinent à réaliser depuis qu’ils à la tête du pouvoir dans leurs pays
respectifs. http://desc-wondo.org/kikwete-le-joker-des-grands-lacs-la-tanzanie-au-centre-de-gravite-geopolitique-de-la-region-des-grands-lacs-jean-jacques-wondo/
Des présidents dont les modes de gouvernance posent plus de problèmes à
la communauté internationale en mettant à mal et en évidence leurs
agendas cachés que ne facilitent la résolution des crises ou dissimulent
leurs projets géostratégiques dans la région.
Et quand une équipe qui
perd et continue de perdre des points après lui avoir octroyé une
seconde chance, on la change. Mobutu, Kadhafi, Idi Amin ou plus
récemment Bozizé l’ont appris à leurs dépens.
La non visite en RDC du président chinois, Xi Jinping,
en tournée africaine, alors qu’il a séjourné en Tanzanie et tout à côté
à Brazzaville, capitale géographiquement la plus rapprochée de Kinshasa
met en lumière la problématique de la mise à l’écart de Kabila
et ses alliées rwandais et ougandais par la diplomatie chinoise.
Pourtant, la RDC a conclu avec la Chine le
volume le plus important d’investissements en Afrique, particulièrement
dans le secteur minier.
Un camouflet pour Kinshasa qui se voit privé
d’un soutien diplomatique à valeur psychologique de taille sur le plan
international alors que la RDC occupe, stratégiquement et
économiquement, « une position privilégiée dans les relations dites « Sinafrique
».
Un signe avant-coureur qui traduit la frustration de la diplomatie
chinoise qui a horreur de l’improvisation, des mauvaises surprises et du
non-respect des engagements ou de la parole donnée de ses partenaires
bilatéraux.
Russ Feingold sur les traces de Bill Richardson : la même rhétorique diplomatique fatale ?
- Russ Feingold, l’envoyé spécial de Barack Obama pour la région des Grands Lacs et la République démocratique du Congo, a récemment rappelé le soutien des États-Unis à l’Accord-Cadre signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba par les pays de la région et à la Déclaration de Nairobi. Parlant du processus électoral en RDC, M. Feingold a affirmé que les États-Unis ont exprimé leur enthousiasme concernant l’organisation des élections. « Nous croyons que cela va susciter l’espoir pour les Congolais de voir cette fois-ci des élections libres et démocratiques se tenir au pays« . Quant au point relatif à une éventuelle modification de la constitution en vue de permettre au président Kabila de briguer un troisième mandat, le sénateur américain a déclaré avec force que les États-Unis ont toujours soutenu le respect de la constitution tel qu’elle est en RDC. « La constitution qui est la loi fondamentale du pays se portera encore mieux si elle est respectées par tous. Les États-Unis ont toujours encouragé les dirigeants africains à respecter leur mandat constitutionnel. Cela fait partie de la culture démocratique» prônée par l’administration américaine.
Ce qui est révélateur dans cette sortie
médiatique non feutrée de M. Feingold est qu’en l’espace de deux
semaines, l’envoyé spécial de la Maison-Blanche, a répété au moins à
trois reprises ses propos susmentionnés.
Il l’a déclaré d’abord à
Washington avant de se rendre au mini-sommet des dirigeants de la CIRGL
le 25 mars 2014 en Angola. Il a répété la position de la Maison blanche à
Luanda, en Angola.
Il l’a enfin martelé lors de son passage à Kinshasa,
au retour du Sommet de Luanda et d’une rencontre avec le président
angolais, Edourado Dos Santos. Sans faux fuyants, Feingold a signifié à
Aubin Minaku, le président de l’assemblée nationale la position
intransigeante du président américain dont il est l’envoyé spécial.
Il aune fois de plus réitéré ses propos publiquement au cours d’une
conférence de presse tenue à la résidence de l’ambassadeur des
États-Unis, Swan JAMES.
Notons que dans une interview accordée le 24 mars à la RFI, l’envoyé spécial du président américain a déclaré : « Nous appellerons instamment la RDC et ses voisins à respecter leurs Constitutions et cela inclut les dispositions sur la limitation du nombre de mandats…Le
président Obama a dit que ce dont l’Afrique avait besoin, ce n’était
pas d’hommes forts, mais, d’institutions fortes. Je l’ai dit
publiquement que dans la plus part de ces capitales, ce n’est pas une bonne pratique de modifier la constitution simplement pour le bénéfice de celui ou de ceux qui sont au pouvoir…
Nous verrons comment y répondre si cette situation se présentait.
Mais, ce que j’espère, c’est que chacun de ces dirigeants va voir à quel
point c’est important que leurs constitutions soient respectées. C’est
ce qui va aussi conditionner la manière dont sera perçu leur héritage
politique en tant que dirigeants de leurs pays respectifs. »
Il s’agit là des propos qui, dans un
langage diplomatique on ne peut plus clair, aux frontières des pratiques
diplomatiques traditionnelles (principe de non ingérence et devoir de
réserve), signifient que les temps des tripatouillages constitutionnels
et électoraux sont révolus ; gare aux présumés tricheurs.
Une position
de fermeté qui rejoint les déclarations antérieures de l’émissaire
d’Obama qui avait signifié aux autorités congolaises qu’aucun report électoral ne sera toléré pour l’échéance 2016.
L’état d’esprit du président américain, par la voie de son envoyé
spécial, se fait davantage transparaître lorsqu’au cours de la même
conférence de presse, il n’est pas allé du dos de la cuillère en critiquant ouvertement et publiquement, sans devoir de réserve diplomatique, les élections générales du 28 novembre 2011.
Pour M. Feingold, l’ancien président de la sous-commission Afrique du Sénat américain, « les élections de 2011 étaient viciées et ne répondaient pas aux normes de transparence et d’équité ».
Une façon de reconnaître publiquement que Joseph Kabila, mal ou pas élu, est illégitime et d’exiger des élections crédibles et transparentes pour les prochaines échéances.
Il faut remonter deux décennies plus tôt
pour comprendre la portée et la sémantique diplomatiques de ces mises en
gardes à répétition ressemblant à celles adressées à Mobutu par
l’administration Clinton, par son envoyé spécial interpose, Bill Richardson.
Pour mieux saisir la teneur de ces avertissements, Il est intéressant
ici de comprendre le poids et l’importance politiques qu’un président
américain accorde à son envoyé spécial dont la fonction, en termes de
préséance, dépasse celle d’un simple ambassadeur par le simple fait
qu’il parle au nom du président des États-Unis, la plus grande puissance
mondiale.
L‘envoyé spécial du président américain traite directement avec le président (et non avec le secrétaire d’État américain, John Kerry).
Un président dont la Constitution du pays, confère pratiquement les
pleins pouvoirs exécutifs (diplomatiques et militaires) à lui seul.
Et
lorsque M. Feingold parle d’un régime confronté à un problème de
légitimité et de légalité, cela laisse entrevoir que les États-Unis
pourraient fermer leurs yeux s’il arrivait qu’un tel régime soit
renversé par les armes ou sur base de l’article 64 de la constitution
congolaise compte tenu de son illégitimité et de son
anti-constitutionnalité.
C’est ce qu’ils firent exactement en 1996-1997
lorsque Washington a soutenu le renversement de Mobutu par es armes. A
bon entendeur…
Une source de l’entourage présidentiel
rapporte à DESC que ces déclarations ont créé une panique et ont
fortement tempéré le jusqu’au boutisme de certains baroudeurs du sérail
présidentiel.
Désavoué par sa propre majorité et dépouillé de sa base ethno-régionale ?
Les 600 résolutions issues des
concertations nationales qu’il s’est taillées sur mesure en convoquant
une majorité stalinienne des partisans du camp présidentiel, se
présentent comme une couche supplémentaire de lasagne qui s’ajoute aux
nombreux réquisitoires contre la gouvernance autocratique,
kleptocratique, ethno-régionaliste et sécuritairement déficitaire du
régime Kabila.
A cela, il faut ajouter les guerres des clans
qui amènent certains proches de Kabila à ne plus afficher publiquement
leur loyauté au chef.
Depuis, le président est pratiquement devenu un
homme seul, invisible et renfermé sur lui-même, incapable d’assurer la
cohésion interne de ses ouailles infidèles.
Kabila est de plus
en plus préoccupé, de manière paranoïaque, par sa sécurité et sa survie
politique que par la gestion effective de l’État dont il veut
paradoxalement être président au-delà de 2016, nous lâche un de ses
proches collaborateurs.
Combien devra-t-il débourser pour ramener la discipline dans ses rangs lorsqu’en 2011, il a dû débourser 20.000 $ USD pour corrompre individuellement la majorité des parlementaires (du pouvoir comme de l’opposition alimentaire) à fermer les yeux en faveur d’une modification de la Constitution qui a débouché au chaos électoral dont il paie aujourd’hui les frais ?
Combien devra-t-il débourser pour ramener la discipline dans ses rangs lorsqu’en 2011, il a dû débourser 20.000 $ USD pour corrompre individuellement la majorité des parlementaires (du pouvoir comme de l’opposition alimentaire) à fermer les yeux en faveur d’une modification de la Constitution qui a débouché au chaos électoral dont il paie aujourd’hui les frais ?
Après s’être fait tourner le dos par les
deux Kivu où sa politique sécuritaire est très contestée, ce qui était
prévisible au vu de sa connivence avec Kigali et Kampala, Kabila est en
passe de perdre sa plus importante base ethno-régionale et électorale,
le Katanga.
Le général John Numbi, ce Mulubakat autrefois protégé et
bras armé de Kabila, est désormais en disgrâce et en sédition en
instrumentalisant les Bakata-Katanga
qui se sont permis récemment d’incendier les fermes présidentielles.
Signe que le Katanga a ses propres chefs qui échappent à Kinshasa. C’est
un indice qui montre que tout le Nord-Katanga, autrefois choyé par le
raïs du temps du Mazarin Katumba Mwanke, qui se rebelle contre leur
« Mutoto » (fils) car non content de la redistribution des postes opérés
depuis 2012 en voyant la primature, les poste de conseiller spécial du
chef de l’Etat en matière de sécurité, de commissaire général de la PNC
leur échapper au profit des personnalités proches (par ascendance,
alliance ou naissance) de l’ethnie Tutsi soutenu par Kagame depuis
Kigali.
A cela, il faut rappeler que le Sud du
Katanga, plus riche que le nord des Balubakat, n’a jamais accepté de
servir de vache à lait du régime Kabila en sans tirer les dividendes
politiques et financiers à la hauteur de ses richesses.
Par conséquent,
il est entré dans une sorte de guerre des tranchées intra-provinciale
qui ne dit pas son mot et qui oppose les Lunda et les Bemba d’un côté
contre les Balubakat de l’autre.
Il n’est pas exclu que dans une guerre
déclarée contre les non katangais, le Sud et le Nord Katanga unissent
leurs efforts dans un sursaut nationaliste fédéraliste provincial et
dans une alliance opportuniste et stratégique contre-nature pour faire
face aux menaces extérieures venues des Tutsi et du Maniema.
Rien n’est
exclu d’avance car en RDC, on a vu des alliances et des mésalliances,
fussent-elles antinomiques, se tisser au gré des intérêts subjectifs du
moment.
Désormais entre Kabila et le Katanga, c’est je t’aime moi non
plus. Les Katangais ont vu les Tutsi vivant au Congo leur ravir les
postes mielleux qu’ils convoitent.
Avec des éléments ci-haut décrits, Kabila
ne pourra plus compter que sur le Maniema. Une province
géopolitiquement moins stratégique (enclavée, faible démographiquement
et avec un apport économique marginal).
Mais là aussi, rien n’est gagné
d’avance car il y règne une guerre intra-provinciale entre le clan des
Bangu-Bangu autour de Matata Ponyo, proche de Mama Sifa Mahanya et celui
des Kusu rangés derrière Pierre Lumbi Okongo (‘le spécial’ en matière
de sécurité) et le général Olenga, (le chef de l’armée de terre).
Radicalisation du discours politique et traque des opposants et potentiels concurrents
C’est un des signes prémonitoires de fin des régimes autocratiques. Lesquels régimes, face à la panique d’un effondrement inéluctable en vue et dans un réflexe désespéré d’instinct de survie, pratiquent la politique de la terre brulée d’instrumentalisation d’un appareil judiciaire caporalisé pour neutraliser ses plus farouches opposants, à l’instar de Kagame dont Kabila imite les pratiques. C’est ce qu’on peut constater par les acharnements judiciaires sur le député Diomi Ndongala
et depuis peu sur Vital Kamerhe qui ont eu droit à des sorties médiatiques pathétiques et puériles du ministre des médias, Lambert Mende, tout en faisant en même temps l’objet d’un procès éhonté visant à le neutraliser politiquement.
C’est de bonne guerre dans les démocraties bananières.
Par ailleurs,
alors que le régime se targuait de bénéficier de l’appui de la
communauté internationale pour compenser le déficit de légitimité dont
il souffre en RDC, ces derniers temps, la rhétorique a changé : « Nous ne travaillons pas pour exécuter les ordres de la communauté internationale »,
martèlent Kabila et son porte-voix Mende, chaque fois cette même
communauté internationale, qui a légitimé Kabila en 2011, presse le
régime à se conformer à l’accord-cadre.
La dernière en date
concerne les propos tenus par Kabila à Kingakati-Buene le 20 mars où,
dans un style déjà entendu sous Mobutu durant les années 1990, a fustigé
la présence de l’ONU en RDC en ces termes : « Comment voulez-vous
que depuis Mzee Laurent Désiré Kabila jusqu’à maintenant, nous puissions
diriger le pays avec les Nations Unies? Que durant tout notre mandat,
chers compatriotes, nous puissions avoir deux gouvernements parallèles,
celui du peuple congolais et celui des autres à travers la MONUSCO ? Il
est temps que nous prenions toutes nos responsabilités et en ce qui me
concerne, je n’ai pas peur de me livrer à cette bataille… »
Quatre scenarii possibles des réactions de Kabila face à sa fin de règne qui s’approche
- Soit Kabila s’enferme davantage dans un autisme politico-diplomatique suicidaire en usant la même stratégie que Mobutu qu’il clone depuis qu’il s’est fait entouré des mobutistes qui n’ont jamais tiré les leçons du passé. Et c’est par la voie armée ou d’un coup d’état militaire qu’il sera plus que probablement chassé du pouvoir. Et lorsque Feingold déclare dans un langage diplomatique crû que le régime congolais est illégal et illégitime, cela signifie que les Etats-Unis ne condamneraient pas une alternance au pouvoir par des voies non démocratiques par application de l’article 64 de la Constitution congolaise. Ils pourraient même être prêts à la soutenir comme ils le firent en 1996-1997 lorsqu’ils ont armé l’AFDL.
- Soit Kabila accepte d’ouvrir largement le jeu politique dans le sens de l’accord-cadre et de la résolution 2098 dont on ne cesse de lui rappeler ces derniers temps, (Robinson, Kobler, Feingold…) leur mise en œuvre effective dans leur intégralité. L’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la résolution 2098 enjoignent au gouvernement congolais d’organiser un dialogue inclusif en vue de trouver une solution durable à la crise congolaise et de promouvoir les objectifs de réconciliation nationale, de tolérance, et de démocratisation ». Il s’agit d’un désaveu de Kabila par la communauté internationale des concertations nationales organisées par Kabila, pour laquelle les efforts que le régime congolais pense avoir consentis sur cette voie sont loin de rencontrer les engagements pris à Addis-Abeba et les prescrits de la résolution 2098. Or, en voulant s’y conformer, le régime se confectionnera le goulot de son propre étranglement par le fait qu’une large ouverture politique sous forme d’une transition politique, avec un véritable gouvernement d’union nationale représentatif de tous les courants politiques et sociétaux de la RDC, le dépouillerait des marges de manœuvre politiques et de l’essentiel de ses pouvoirs présidentiels qui ne tiennent plus que par le recours à la répression et aux intimidations politico-judiciaires pour se maintenir.
- Soit Kabila fait une fausse ouverture en s’alignant derrière la voie de ses concertations et en s’ouvrant à quelques « opposants du ventre creux » qui ne représentent que leur propre famille biologique et eux-mêmes, juste pour gagner du temps. Une stratégie qui ne changera pas foncièrement les choses sur le terrain politique car elle accentuera davantage la crise de légitimité tout en mécontentant des partisans de la majorité présidentielle qui se feront débarquer de la banque alimentaire financière du Gouvernement.
- Soit Kabila maintient une ligne dure en perpétrant un coup de force constitutionnel pour se maintenir au pouvoir, notamment en avançant les élections en 2015. Dans ce cas, souffrant déjà d’une grave légitimité qui plombe son action politique de son dernier mandat constitutionnel, il risque de rendre le pays ingouvernable. Non seulement cette option n’est ni acceptée par l’opposition et la majorité de la population, mais aussi plusieurs cadres de sa majorité, qui attendent dans les coulisses leur heure, ont manifesté ouvertement leur opposition à une éventuelle prolongation du mandat présidentiel au-delà de 2016. Ils sont prêts à se rallier aux autres contestataires de Kabila pour élargir le front anti-Kabila. Là où la messe de Kingakati-Buene devrait cimenter la cohésion autour du chef, c’est davantage aux règlements de comptes et aux contradictions d’un régime essoufflé auquel on a insisté.
- Ainsi, la majorité présidentielle sort de Kingakati-Buene plus divisée qu’unie et certains se sentent même trahis. Pour le journaliste du quotidien Le Phare Kambale Mutogherwa: « la réunion de la Majorité présidentielle tenue à Kingakati a été à la limite une véritable pétaudière au point de ne pas être en mesure de réunir l’unanimité autour des options levées à la sauvette par les participants ! » Il n’est pas exclu, selon certaines indiscrétions parvenues au DESC, que cet échec de cohésion interne pousse certains téméraires du régime à privilégier l’option d’une révolution de palais. Ce ne sont pas de baroudeurs qui manquent dans la MP.
Une chute inéluctable prévisible, précipitée par la fraude électorale de 2011 ?
Les irrégularités et la falsification électorales de 2011
ont été le point de non retour de la chute annoncée du régime Kabila. A
quelque chose malheur est bon et cette citation semble se confirmer
pour le cas du Congo.
Depuis le chaos électoral de 2011, un équilibre – politique et sécuritaire – instable sur fond de crises de légitimité et de régime[1]
s’est confortablement installé en RDC et a développé une incertitude
permanente quant à l’avenir proche (2016) du pays.
En effet, les
élections de 2011 marquent le début d’une sorte de guerre civile
(politique et non armée) entre le régime et la population, la société
civile, l’église catholique, une frange de l’opposition politique et la
diaspora congolaises qui n’ont jamais accepté le hold up électoral opéré
par le régime et qui se battent pour un changement effectif en RDC.
Jour après jour, on constate que le régime Kabila s’essouffle, panique et personne ne sait que faire
dans son entourage. Chaque pas supplémentaire que fait le régime
(concertations nationales, massacres du 30 décembre 2013, assassinat du
colonel Ndala, faux procès judiciaires et arrestations des opposants
alors que Kabila se fait l’avocat du M23 responsable d’horribles
tueries à l’est de la RDC…) est un pas en direction de sa chute.
Les élections de 2011 n’ont pas mécontenté que l’opposition, elles ont
également fissuré la fragile cohésion au sein de la MP, tant des
règlements des comptes entre, par exemple le PPRD et le MSR de Lumbi
Okongo (qui aurait eu plus de députés que le PPRD de Boshab sans le
tripatouillage opéré par Mulunda, sur ordres de Katumba Mwanke, Boshab
et Lumuna).
Le Palu, non plus, n’est plus satisfait de sa
marginalisation actuelle au sein de la MP.
A mesure que 2016 s’approche, avec des
prétendants et dauphins du régime qui ne cachent plus leurs intentions
(Moïse Katumbi, Jean-Claude Mulongo, John Numbi et d’autres qui
s’annonceront d’ici peu) et face à la pression tous azimuts contre la
prolongation du mandat de Kabila après 2016, la majorité présidentielle
se rend compte qu’elle va devoir sacrifier Kabila.
D’ailleurs, depuis
peu, plusieurs cadres de la MP et hauts officiers du régime, prêts à
lâcher Kabila, ont multiplié des contacts discrets avec les décideurs
occidentaux pour s’en assurer un maintien et un soutien dans le sérail
du futur pouvoir une fois qu’ils abandonnent leur maître devenu
encombrant.
Ainsi, à l’instar de Mobutu qui a vu
plusieurs officiers le trahir lors de la guerre de l’AFDL, l’on va
prochainement assister à un début de sauve qui peut dans les rangs du
régime et aux premiers actes de déloyauté de la part de certains cadres
civils ou sécuritaires du régime.
Pour
ceux qui ont l’habitude de suivre nos interventions publiques, nous ne
cessons de rappeler en prédisant que 2011 est, à un ou deux ans près,
pour Kabila ce que fut l’année 1990 pour Mobutu.
A
chacun de faire ses propres calculs pour estimer quand le fruit mûr
(régime) Kabila va tomber. La question qui préoccupe les analystes est
d’estimer le temps qui reste encore à Kabila pour s’accrocher
désespérément au pouvoir d’ici à 2016 ?
Ainsi sonne le glas, Kabila, le compte à rebours a -t-il commencé ?
Jean-Jacques Wondo / Exclusivité DESC
[1] En sociologie politique (ou science politique), une crise politique est un moment important, grave et parfois décisif dans la vie d’un Etat ou d’une institution. Elle reflète l’inadéquation
apparente entre le fonctionnement d’un Etat, l’organisation d’une
institution politique ou publique et la réalité sociopolitique sur le
terrain. Exemple : Une crise (ante et post)-électorale lors du
renouvellement des animateurs des institutions de la République, qui
peut naître de la période préélectorale jusqu’à la mise en place
effective des institutions susmentionnées, voire au-delà comme c’est le cas actuellement en RDC.
Une crise politique peut provoquer des manifestations de contestation,
des grèves, des mouvements sociaux, des émeutes (Congo-Belge: Jan 1959 ;
Zaïre : Pillages 1991, 1993), des rébellions (RDC : 1960-1964 1977,
1978, 1984, 1996-1997, 1998-2004, depuis 2007. . .) voire une révolte populaire (Mars 2008 : Bundu dia Kongo ; Enyele 2010), des mouvements de débordement ou carrément une révolution (Printemps arabe en Tunisie et en Egypte) ou encore un coup d’Etat
en RDC : Sept. 1960, Nov. 1965, Jan. 2001 ; Niger : Le coup d’état du
18 février 2010 mené par le commandant Salou Djibo qui a renversé le
président Mamadou Tandja à la suite d’une crise institutionnelle de 9
mois qui a vu la dissolution de l’Assemblée nationale, un référendum
pour une modification de la Constitution, une annulation du référendum
par la Cour constitutionnelle, et enfin une dissolution de la Cour
constitutionnelle par le président déchu qui voulait briguer un troisième mandat non constitutionnel ). On distingue la crise institutionnelle
pouvant déboucher sur une nouvelle forme de régime politique comme cela
fut le cas à partir de 1990, à la suite de la Conférence Nationale
Souveraine qui consacra le multipartisme et a conduit à la modification
de la Constitution de la IIème République, de la la crise de régime pouvant provoquer un effondrement d’un régime avec une alternance dans la direction du pays à l’instar celle qui est actuellement en cours dans les pays du « Printemps arabe ». (in Les Armées au Congo-Kinshasa…, JJ Wondo, 2013).
________JJ Wondo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire