14/05/2015
Les événements qui se succèdent autour de la planète ont chassé bien vite les boat people en Méditerranée de la Une de nos journaux.
Nous n'en parlons plus et pourtant la question reste entière malgré le timide sommet des gouvernants européens où l'on s'est contenté de mesures cosmétiques fondées sur l'idée unique de repousser le flux loin de nos côtes.
Plutôt que d'essayer de construire un mur illusoire il est temps de mettre en œuvre une stratégie ambitieuse, partagée et coordonnée, d'investissement permettant à l'Afrique d'offrir à une population qui représentera bientôt le quart de l'humanité les conditions d'une vie à laquelle elle aspire légitimement.
Regardons la vérité en face: il y avait 100 millions d'habitants en Afrique en 1900. Le continent en compte presque 1 milliard aujourd'hui et passera à 2 milliards en 2050.
Cette bombe démographique est la source réelle des poussées migratoires tant vers l'Europe -via la Méditerranée- qu'à l'intérieur de l'Afrique elle-même, comme l'ont violemment souligné les récentes émeutes xénophobes d'Afrique du Sud.
Aujourd'hui, sur 30 millions de migrants, 7 se dirigent vers l'Europe, 6 vers d'autres destinations extra-africaines et 15 migrent au sein même du continent provoquant bien des déséquilibres en particulier ceux dont le terrorisme se nourrit. Qu'en sera-t-il demain quand la population africaine aura doublé?
Telle est la vraie question bien vite balayée par les vents de l'actualité.
Désormais 50% des Africains ont moins de 25 ans alors comment croire que des mesurettes, à coup de garde-côtes imaginaires et sans moyen, suffiront à empêcher ces millions de jeunes de jouer leur vie à la roulette russe pour essayer de partager des miettes du bien-être européen?
Comment ne pas voir les dégâts de ces migrations à l'intérieur même d'un continent déstabilisé dans tous les sens du terme par cette poussée démographique qui s'accélère?
Jean-Louis Borloo a infiniment raison lorsqu'il évoque l'absolue nécessité et l'urgence d'un plan Marshall pour l'Afrique qui commencerait par l'accès à l'électricité pour tous.
Sans attendre que des milliers d'autres vies ne sombrent dans la Méditerranée, l'Europe doit s'engager d'urgence avec l'Organisation de l'Union Africaine pour élaborer d'un véritable plan de co-croissance.
Ce qui s'est fait en quelques mois à la sortie de la deuxième guerre mondiale avec le Plan Marshall pour reconstruire un continent traumatisé nous prouve, s'il en était besoin, la faisabilité d'une telle ambition.
Inspirons-nous du slogan de l'époque: "What ever the weather we must move together ". Quel que soit le temps nous devons avancer ensemble!
Ce qui était vrai il y a 70 ans entre l'Amérique et l'Europe ne l'est-il pas tout autant désormais entre l'Europe et l'Afrique?
Il s'agit de sortir par la même des politiques post-coloniales d'aides au développement, généreuses dans le principe mais disparates dans leur réalité, et de ce fait relativement peu efficaces au regard de l'urgence démographique.
C'est un vaste programme énergétique, économique, social, éthique et écologique qu'il faut imaginer entre l'Europe et l'Afrique, en mobilisant les États bien sûr mais aussi les entreprises, les investisseurs et la jeunesse des deux continents qui a tant à partager.
À ce titre nous pourrions d'urgence, par exemple, jumeler toutes les universités européennes avec les universités africaines pour favoriser en particulier, grâce aux Moocs, les échanges et une acculturation réussie.
Pourquoi ne pas imaginer aussi au-delà des aides financières qu'il convient bien sûr de globaliser pour les rendre plus efficaces, des crédits d'impôts aux entreprises européennes qui noueraient des partenariats économiques stratégiques avec des entreprises africaines et investiraient dans les domaines vitaux comme ceux de l'énergie ou de la protection des ressources?
L'épargne considérable et dormante des Européens pourrait aussi fructifier utilement en permettant à l'Afrique d'accélérer sa croissance.
Ce ne sont évidemment que quelques pistes d'un projet qui devra être moteur pour toute une génération.
Les ressources, y compris financières, les savoir-faire, la main d'œuvre, les marchés, tout est à notre portée pour peu que l'on additionne l'Europe et l'Afrique.
Face aux Chinois qui investissent à grande vitesse l'ensemble du continent africain, en ayant d'emblée compris l'enjeu de croissance qui se cache derrière les ressources, et à côté des Américains, des Russes, qui ont construit les bastions de leur influence depuis la guerre froide, l'Europe en tant que telle ne peut pas rester aussi absente.
Il ne s'agit pas seulement d'être généreux avec des peuples dont nous partageons le destin mais aussi de défendre des intérêts qui ne s'incarnent pas dans la fiction politicienne de frontières étanches.
L'Afrique a aujourd'hui une croissance moyenne de 5%, soit largement plus que l'Europe. En soutenant d'abord l'électrification du continent qui est le préalable à tout le reste, ce chiffre peut aisément doubler d'ici dix ans.
Atteindre cet objectif de 10% de croissance pour l'Afrique en 2025, c'est 1,5 à 2% minimum de croissances en plus par capillarité pour l'Europe.
Ce surplus de croissance serait la garantie du plein-emploi que nous devons bien à nos enfants qui, sinon, n'hériteront que de nos dettes et de notre inconséquence.
Au-delà des raisons migratoires, humanitaires, historiques et géopolitiques, ce seul chiffre de croissance à partager devrait convaincre les plus rétifs que dans le siècle qui vient une nouvelle donne peut surgir et changer notre destin à tous, Africains et Européens.
Si l'Europe et l'Afrique parvenaient à s'unir - ce qui est le sens de l'histoire - alors le centre politique et économique de la planète qui est en train de basculer de l'Atlantique vers le Pacifique serait à nouveau localisé au XXIe siècle de part et d'autre de la Méditerranée.
Face aux enjeux pour l'avenir de 2 milliards et demi d'êtres humains Européens et Africains, est-il utopique de vouloir réunir rapidement au sein d'une conférence extraordinaire les quelque 80 chefs d'Etats concernés de l'UE et de l'OUA, en leur demandant de mettre sur pied ce programme de co-croissance durable pour qu'en une génération l'union de l'Europe et de l'Afrique soit le cœur et le poumon de la planète?
La jeunesse d'Europe pétrie par la philosophie des Lumières se désespère, sans horizon, ni perspectives à la hauteur de son héritage.
La jeunesse d'Afrique héritière fougueuse d'une terre berceau de l'humanité veut, elle aussi, goûter au monde qu'internet lui a permis de découvrir en live.
Saurons-nous croiser ces rêves pour unir dans un projet d'avenir partagé ces deux continents séparés seulement par 14 petits kilomètres ou laisserons-nous la Méditerranée devenir sous nos yeux le cimetière de notre incapacité à construire un monde plus grand?
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Le Huffington Post
Nous n'en parlons plus et pourtant la question reste entière malgré le timide sommet des gouvernants européens où l'on s'est contenté de mesures cosmétiques fondées sur l'idée unique de repousser le flux loin de nos côtes.
Plutôt que d'essayer de construire un mur illusoire il est temps de mettre en œuvre une stratégie ambitieuse, partagée et coordonnée, d'investissement permettant à l'Afrique d'offrir à une population qui représentera bientôt le quart de l'humanité les conditions d'une vie à laquelle elle aspire légitimement.
Regardons la vérité en face: il y avait 100 millions d'habitants en Afrique en 1900. Le continent en compte presque 1 milliard aujourd'hui et passera à 2 milliards en 2050.
Cette bombe démographique est la source réelle des poussées migratoires tant vers l'Europe -via la Méditerranée- qu'à l'intérieur de l'Afrique elle-même, comme l'ont violemment souligné les récentes émeutes xénophobes d'Afrique du Sud.
Aujourd'hui, sur 30 millions de migrants, 7 se dirigent vers l'Europe, 6 vers d'autres destinations extra-africaines et 15 migrent au sein même du continent provoquant bien des déséquilibres en particulier ceux dont le terrorisme se nourrit. Qu'en sera-t-il demain quand la population africaine aura doublé?
Telle est la vraie question bien vite balayée par les vents de l'actualité.
Désormais 50% des Africains ont moins de 25 ans alors comment croire que des mesurettes, à coup de garde-côtes imaginaires et sans moyen, suffiront à empêcher ces millions de jeunes de jouer leur vie à la roulette russe pour essayer de partager des miettes du bien-être européen?
Comment ne pas voir les dégâts de ces migrations à l'intérieur même d'un continent déstabilisé dans tous les sens du terme par cette poussée démographique qui s'accélère?
Jean-Louis Borloo a infiniment raison lorsqu'il évoque l'absolue nécessité et l'urgence d'un plan Marshall pour l'Afrique qui commencerait par l'accès à l'électricité pour tous.
Sans attendre que des milliers d'autres vies ne sombrent dans la Méditerranée, l'Europe doit s'engager d'urgence avec l'Organisation de l'Union Africaine pour élaborer d'un véritable plan de co-croissance.
Ce qui s'est fait en quelques mois à la sortie de la deuxième guerre mondiale avec le Plan Marshall pour reconstruire un continent traumatisé nous prouve, s'il en était besoin, la faisabilité d'une telle ambition.
Inspirons-nous du slogan de l'époque: "What ever the weather we must move together ". Quel que soit le temps nous devons avancer ensemble!
Ce qui était vrai il y a 70 ans entre l'Amérique et l'Europe ne l'est-il pas tout autant désormais entre l'Europe et l'Afrique?
Il s'agit de sortir par la même des politiques post-coloniales d'aides au développement, généreuses dans le principe mais disparates dans leur réalité, et de ce fait relativement peu efficaces au regard de l'urgence démographique.
C'est un vaste programme énergétique, économique, social, éthique et écologique qu'il faut imaginer entre l'Europe et l'Afrique, en mobilisant les États bien sûr mais aussi les entreprises, les investisseurs et la jeunesse des deux continents qui a tant à partager.
À ce titre nous pourrions d'urgence, par exemple, jumeler toutes les universités européennes avec les universités africaines pour favoriser en particulier, grâce aux Moocs, les échanges et une acculturation réussie.
Pourquoi ne pas imaginer aussi au-delà des aides financières qu'il convient bien sûr de globaliser pour les rendre plus efficaces, des crédits d'impôts aux entreprises européennes qui noueraient des partenariats économiques stratégiques avec des entreprises africaines et investiraient dans les domaines vitaux comme ceux de l'énergie ou de la protection des ressources?
L'épargne considérable et dormante des Européens pourrait aussi fructifier utilement en permettant à l'Afrique d'accélérer sa croissance.
Ce ne sont évidemment que quelques pistes d'un projet qui devra être moteur pour toute une génération.
Les ressources, y compris financières, les savoir-faire, la main d'œuvre, les marchés, tout est à notre portée pour peu que l'on additionne l'Europe et l'Afrique.
Face aux Chinois qui investissent à grande vitesse l'ensemble du continent africain, en ayant d'emblée compris l'enjeu de croissance qui se cache derrière les ressources, et à côté des Américains, des Russes, qui ont construit les bastions de leur influence depuis la guerre froide, l'Europe en tant que telle ne peut pas rester aussi absente.
Il ne s'agit pas seulement d'être généreux avec des peuples dont nous partageons le destin mais aussi de défendre des intérêts qui ne s'incarnent pas dans la fiction politicienne de frontières étanches.
L'Afrique a aujourd'hui une croissance moyenne de 5%, soit largement plus que l'Europe. En soutenant d'abord l'électrification du continent qui est le préalable à tout le reste, ce chiffre peut aisément doubler d'ici dix ans.
Atteindre cet objectif de 10% de croissance pour l'Afrique en 2025, c'est 1,5 à 2% minimum de croissances en plus par capillarité pour l'Europe.
Ce surplus de croissance serait la garantie du plein-emploi que nous devons bien à nos enfants qui, sinon, n'hériteront que de nos dettes et de notre inconséquence.
Au-delà des raisons migratoires, humanitaires, historiques et géopolitiques, ce seul chiffre de croissance à partager devrait convaincre les plus rétifs que dans le siècle qui vient une nouvelle donne peut surgir et changer notre destin à tous, Africains et Européens.
Si l'Europe et l'Afrique parvenaient à s'unir - ce qui est le sens de l'histoire - alors le centre politique et économique de la planète qui est en train de basculer de l'Atlantique vers le Pacifique serait à nouveau localisé au XXIe siècle de part et d'autre de la Méditerranée.
Face aux enjeux pour l'avenir de 2 milliards et demi d'êtres humains Européens et Africains, est-il utopique de vouloir réunir rapidement au sein d'une conférence extraordinaire les quelque 80 chefs d'Etats concernés de l'UE et de l'OUA, en leur demandant de mettre sur pied ce programme de co-croissance durable pour qu'en une génération l'union de l'Europe et de l'Afrique soit le cœur et le poumon de la planète?
La jeunesse d'Europe pétrie par la philosophie des Lumières se désespère, sans horizon, ni perspectives à la hauteur de son héritage.
La jeunesse d'Afrique héritière fougueuse d'une terre berceau de l'humanité veut, elle aussi, goûter au monde qu'internet lui a permis de découvrir en live.
Saurons-nous croiser ces rêves pour unir dans un projet d'avenir partagé ces deux continents séparés seulement par 14 petits kilomètres ou laisserons-nous la Méditerranée devenir sous nos yeux le cimetière de notre incapacité à construire un monde plus grand?
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Le Huffington Post
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