jeudi 27 janvier 2011

RD Congo : les fanatiques des élections et la prochaine loi électorale

 
En RD Congo, les partisans de la légalité et le pouvoir-os en place estiment que l’accès à la légitimité politique passe par des élections au suffrage universel. Pour « les fanatiques des élections » à tendance progressiste, que le pays soit occupé ou pas, sous tutelle ou pas, il n’y a que les élections qui peuvent garantir l’accès à un pouvoir légal et légitime. Sur ce point, ils divergent de plusieurs autres compatriotes qui sont d’avis qu’aller aux élections dans les conditions actuelles de notre pays est une erreur politique grave. Cela pourrait même être interprété comme étant une trahison. Entre ces deux blocs, il aurait était souhaitable qu’il y ait une passerelle. Apparemment, il n’en est rien.

Des bruits persistants font état de l’élaboration d’une loi électorale sur mesure. Elle limiterait l’âge de la présentation de la candidature de la présidence à 70 ans et exigerait des candidats à la présidence qu’ils aient passés au moins les trois dernières années (avant les élections) au pays. Si ces bruits venaient à être confirmés par la loi électorale, certains candidats à la présidentielle seraient d’office exclus. Tel serait le cas de Vital Barholere, de Guillaume Ngefa, d’Etienne Tshisekedi, de Jean-Paul Moka, etc.

Comme pour la récente révision, il n’y aura pas, soutiendront les légalistes de la Majorité au pouvoir-os, d’illégalité dans l’application de la loi électorale. Dura lex, diront-ils, sed lex ! (La loi est dure, mais c’est la loi !)

La constitution de 2005, à son article 72 stipulait ce qui suit : « Nul ne peut être candidat à l’élection du Président de la République s’il ne remplit les conditions ci-après :

1. posséder la nationalité congolaise d’origine ;

2. être âgé de 30 ans au moins ;

3. jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ;

4. ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale. »

Aux yeux de plusieurs compatriotes, cette constitution avait été taillée sur mesure pour un candidat bien connu. Le débat sur le profil du candidat à la présidence, surtout sur son niveau d’études et sa congolité des candidats à la présidence a été escamoté par la Haute Autorité des Médias (HAM) en 2006.

Après la révision précipitée de cette constitution conférant des pouvoirs dictatoriaux au président de la République et eu égard à la possibilité que la loi électorale soit « dure » à l’endroit de certains candidats, « certains fanatiques des élections » estiment que le pouvoir-os à Kinshasa n’est pas aussi sûr de sa victoire aux probables élections de 2011 qu’il le laisse croire. Il est obligé, à partir de « sa cellule de crise », d’inventer tous les scenarii possibles et imaginables pour éviter l’alternance. N’ayant pas de bilan justifiant ses dix ans de gestion de la chose publique, il multiplie les manœuvres pour énerver ceux de nos compatriotes qui pensent que mettre fin au règne de la majorité actuelle serait salutaire pour notre pays.

Il aurait été aussi intéressant que « les fanatiques des élections » apprennent de leurs critiques, ces simples choses que révèle l’analyse quotidienne de « la réalité politique » congolaise :

-la majorité au pouvoir (héritière de la guerre d’agression de 1996), par rapport à nos populations, constitue une minorité organisée pour servir ses intérêts et ceux de la classe à laquelle elle appartient. Pour cela, elle est prête à tout : kleptomanie, clientélisme, corruption, assassinats, détentions arbitraires, textes légaux taillés sur mesure, etc.

-l’imposture démocratique gagne du terrain là où l’éducation citoyenne est embryonnaire et où les slogans tels que « chance eloko pamba » ont contribué et contribuent encore au viol de l’imaginaire et au décervelage de plusieurs d’entre nous ;

-la difficulté pour un pouvoir acquis au bout du canon et consolidé par un processus électoral biaisé de céder à l’alternance ;

-le pouvoir politique pris en otage par les oligarchies économico-financières mondialistes ne se donne pas ; il s’arrache sur fond des luttes citoyennes diverses et diversifiées ; au nom des valeurs de la dignité humaine et de la liberté.

Il aurait été souhaitable qu’il y ait un dialogue permanent entre le camp des « fanatiques des élections »à tendance progressiste et leurs critiques. Si la foi dans les élections est nourrie, chez « les fanatiques des élections », par le souci de l’alternance comme l’est le désir de rompre avec la majorité actuelle au pouvoir entretenu par « leurs critiques », pourquoi ne devraient-ils créer des passerelles pouvant les aider à coordonner leurs actions de façon que ladite alternance devienne effective ? Deux camps unis contre un seul seraient plus forts ! Ne pourraient-ils pas se dire : « Ce qui nous manque, c’est l’unité et l’organisation de l’adversaire, et, trop souvent, la conscience de notre puissance potentielle ? (…) Et regardons les choses en face : les progressistes adorent se quereller, multiplier les factions et mener des luttes fratricides, tant et si bien qu’ils ne deviennent incapables d’affronter le pouvoir autrement qu’avec les mots. » (S. GOERGE, Leurs crises, nos solutions, Paris, Albin Michel, 2010, p.18) Unies et organisées sur fond de la diversité-complémentarité de moyens et méthodes de lutte pour notre commune émancipation de la classe nationale et mondiale dominante, les forces progressistes évitent de tomber dans les travers de la zizanie entretenue par les partisans du « diviser pour régner ». Le plus dur à comprendre est là : croire qu’une même lutte peut être menée sur plusieurs fronts, différemment et dans la complémentarité ! Et pourtant, c’est cela que « les maîtres du monde » ont compris. Dans leur diversité, ils réussissent à exercer leur « hégémonie culturelle, politique et idéologique » en instrumentalisant l’école, l’université, les médias, les entreprises, les forces armées, les services de sécurité, etc. Les contradictions existant entre eux ne les écartent pas de leur objectif commun : l’expansion du néolibéralisme.

Quand, à un certain moment, on se rend à l’évidence que l’acquisition et la gestion du pouvoir-os au Congo participe d’une pratique politique de confiscation du pouvoir citoyen au Nord comme au Sud du monde par « la classe de Davos », « ces gens qui se réunissent chaque année en janvier dans la station de ski suisse, (ces) nomades, puissants et interchangeables » (Ibidem, p.16-17), on peut comprendre la nécessité qu’il y a à créer des passerelles entre les différentes couches des forces progressistes. Ici, il nous semble que la connaissance du mode d’organisation et de fonctionnement des « maîtres du monde » soit un préalable indispensable à une meilleure approche du rassemblement et/ou de la formation des coalitions entre les forces progressistes.

Revenons à la révision constitutionnelle et à la possibilité d’avoir une loi électorale taillée sur mesure en RDC. Du moment que les forces progressistes prennent conscience que ces mesures peuvent avoir comme objectif majeur la confiscation du pouvoir par « une majorité parlementaire » qui est une « minorité populaire », elles devraient, par leur organisation, prouver qu’elles peuvent inverser les rapports de force. A un rythme qui leur convient ; sans qu’elles ne tombent dans la fétichisation d’une échéance électorale. Un travail organisé autour des textes aidant à procéder à un inventaire permanent de la marche commune peut être d’un secours certain. Une goûte d’eau tombant de façon répétée sur une pierre peut finir par la fracasser. Travailler sur des textes et sur le temps ; savoir coaliser autour des idéaux et passer le relais ; relire constamment notre histoire collectivement, tout cela peut, à terme, dépanner toutes les forces progressistes et recréer, tant soit peu, un autre Congo.
J.-P. Mbelu
© Congoindépendant 2003-2011

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