Vingt ans après l'opération Salomon, qui a permis d'évacuer en 48 heures 14.000 juifs éthiopiens vers l'État hébreu, l'intégration économique de cette communauté de 130.000 âmes laisse à désirer.
Des immgrés juifs éthiopiens assistent à une cérémonie de Pessa'h, près de Jerusalem, le 14 avril 2011. REUTERS/Ronen Zvulun
«La communauté éthiopienne est fortement mobilisée par la "révolte des tentes". Si la classe moyenne israélienne se plaint de la flambée des prix et du manque de logements abordables, la situation est encore plus insupportable pour les Éthiopiens-Israéliens, qui font partie des couches les plus défavorisées du pays».
Premier avocat éthiopien-israélien du pays, Itzik Dessie, 41 ans, utilise des mots choisis. Celui qui a quitté sa terre natale à l'âge de treize ans, gagné à pied le Soudan du Sud et rejoint l'État hébreu grâce à l'opération Moïse (organisée par les services spéciaux israéliens) s'avoue «agréablement surpris» par l'ampleur de ce mouvement de contestation contre la vie chère et les inégalités sociales qui secoue depuis trois semaines la plupart des villes israéliennes.
Fondateur de Tebeka («avocat de la justice», en amharique), une association de dix ans d'âge financée à 100% par des fonds privés, Itzik Dessie défend la minorité éthiopienne contre la ségrégation scolaire et les discriminations dans le monde du travail.
«La société israélienne n'est pas raciste. Mais ici comme ailleurs, on doit vaincre des résistances», souligne-t-il. Il nous faut aussi aider les jeunes générations à emprunter l'ascenseur social, et faire émerger de véritables leaders dans la société civile.»
Une population toujours marginalisée
Forte de 130.000 âmes, la communauté éthiopienne est aujourd'hui à la croisée des chemins. Cette population englobe les «Beta Israël», dont le gouvernement d'Yitzhak Rabin a reconnu en 1975 la judaïté en leur accordant le bénéfice de la Loi du retour, des non juifs ainsi que des membres issus de la «falashmura» (les descendants de juifs éthiopiens contraints de se convertir au christianisme).
A l'heure où ces immigrants célèbrent le 20e anniversaire de l'opération Salomon, qui a permis en mai 1991 d'évacuer 14.000 juifs éthiopiens en 48 heures par un point aérien vers Israël lors de l'effondrement du régime communiste, leur intégration économique laisse à désirer.
Près de 60% des familles d'origine éthiopienne dépendent de l'aide sociale, plus de la moitié vivent sous le seuil de la pauvreté (contre une moyenne de 14,5% pour les Israéliens de souche), tandis que les problèmes de drogue et d'alcoolisme sont en hausse chez les jeunes. Souvent logés dans des villes de périphérie éloignées des bassins d'emplois, les Éthiopiens-Israéliens connaissent un taux de chômage élevé —de l'ordre de 65% chez les plus de 45 ans.
Pour l'égalité des chances
Dans le même temps, une partie de la communauté éthiopienne commence à tirer son épingle du jeu. Largement financée par les organisations juives américaines, qui ont récolté près de 600 millions de dollars (423 millions d’euros) depuis 1991, elle compte un parlementaire, Shlomo Molla, député du parti Kadima à la Knesset. Certains immigrants occupent aujourd'hui des postes élevés dans des entreprises comme Intel ou Hot (le premier câblo-opérateur du pays).
«Seul problème: nos jeunes diplômés ne disposent pas de relations ou de "networking", un atout maître pour réussir dans un petit pays comme Israël», relève Itzik Dessie.
Devant les tribunaux, ce dernier préfère se battre pour imposer «l'égalité de chances» plutôt que d'exiger des mesures de «discrimination positive». Selon un récent rapport de la Knesset, seuls 8% des Éthiopiens-Israéliens accèdent aux études universitaires. En outre, moins de 15% des diplômés trouvent un travail dans leur sphère de compétence, contre 35% des immigrants russes et 65% des Israéliens de souche.
Fils d'immigrants éthiopiens de la première heure, Asher Elias, un autre quadra élevé à Ashkelon, a fondé son entreprise. Tech Career sélectionne depuis 2003 des dizaines de jeunes Éthiopiens-Israéliens pour les former en quatorze mois au métier de programmeur informatique. But de la manœuvre: leur ouvrir les portes des nombreuses sociétés high-tech que compte le pays. L'an dernier, le secteur ne comptait que 200 salariés d'origine éthiopienne...
Une certitude pourtant: en décidant au printemps dernier de «rapatrier» les derniers représentants de la Falashmura, soit 8.000 personnes, le gouvernement israélien est attendu au tournant.
«La société israélienne et ses leaders devraient se souvenir que l'immigration des juifs éthiopiens a été grandement bénéfique pour le pays, en élargissant son multiculturalisme, observe Shalva Weil, une chercheuse de l'Institut pour l'innovation dans l'éducation, au sein de l'université hébraïque de Jérusalem. Les pouvoirs publics devront désormais mettre tous les moyens en œuvre pour réussir l'intégration de ces nouveaux venus».
Nathalie Hamou, à Tel-Aviv
SlateAfrique
Des immgrés juifs éthiopiens assistent à une cérémonie de Pessa'h, près de Jerusalem, le 14 avril 2011. REUTERS/Ronen Zvulun
«La communauté éthiopienne est fortement mobilisée par la "révolte des tentes". Si la classe moyenne israélienne se plaint de la flambée des prix et du manque de logements abordables, la situation est encore plus insupportable pour les Éthiopiens-Israéliens, qui font partie des couches les plus défavorisées du pays».
Premier avocat éthiopien-israélien du pays, Itzik Dessie, 41 ans, utilise des mots choisis. Celui qui a quitté sa terre natale à l'âge de treize ans, gagné à pied le Soudan du Sud et rejoint l'État hébreu grâce à l'opération Moïse (organisée par les services spéciaux israéliens) s'avoue «agréablement surpris» par l'ampleur de ce mouvement de contestation contre la vie chère et les inégalités sociales qui secoue depuis trois semaines la plupart des villes israéliennes.
Fondateur de Tebeka («avocat de la justice», en amharique), une association de dix ans d'âge financée à 100% par des fonds privés, Itzik Dessie défend la minorité éthiopienne contre la ségrégation scolaire et les discriminations dans le monde du travail.
«La société israélienne n'est pas raciste. Mais ici comme ailleurs, on doit vaincre des résistances», souligne-t-il. Il nous faut aussi aider les jeunes générations à emprunter l'ascenseur social, et faire émerger de véritables leaders dans la société civile.»
Une population toujours marginalisée
Forte de 130.000 âmes, la communauté éthiopienne est aujourd'hui à la croisée des chemins. Cette population englobe les «Beta Israël», dont le gouvernement d'Yitzhak Rabin a reconnu en 1975 la judaïté en leur accordant le bénéfice de la Loi du retour, des non juifs ainsi que des membres issus de la «falashmura» (les descendants de juifs éthiopiens contraints de se convertir au christianisme).
A l'heure où ces immigrants célèbrent le 20e anniversaire de l'opération Salomon, qui a permis en mai 1991 d'évacuer 14.000 juifs éthiopiens en 48 heures par un point aérien vers Israël lors de l'effondrement du régime communiste, leur intégration économique laisse à désirer.
Près de 60% des familles d'origine éthiopienne dépendent de l'aide sociale, plus de la moitié vivent sous le seuil de la pauvreté (contre une moyenne de 14,5% pour les Israéliens de souche), tandis que les problèmes de drogue et d'alcoolisme sont en hausse chez les jeunes. Souvent logés dans des villes de périphérie éloignées des bassins d'emplois, les Éthiopiens-Israéliens connaissent un taux de chômage élevé —de l'ordre de 65% chez les plus de 45 ans.
Pour l'égalité des chances
Dans le même temps, une partie de la communauté éthiopienne commence à tirer son épingle du jeu. Largement financée par les organisations juives américaines, qui ont récolté près de 600 millions de dollars (423 millions d’euros) depuis 1991, elle compte un parlementaire, Shlomo Molla, député du parti Kadima à la Knesset. Certains immigrants occupent aujourd'hui des postes élevés dans des entreprises comme Intel ou Hot (le premier câblo-opérateur du pays).
«Seul problème: nos jeunes diplômés ne disposent pas de relations ou de "networking", un atout maître pour réussir dans un petit pays comme Israël», relève Itzik Dessie.
Devant les tribunaux, ce dernier préfère se battre pour imposer «l'égalité de chances» plutôt que d'exiger des mesures de «discrimination positive». Selon un récent rapport de la Knesset, seuls 8% des Éthiopiens-Israéliens accèdent aux études universitaires. En outre, moins de 15% des diplômés trouvent un travail dans leur sphère de compétence, contre 35% des immigrants russes et 65% des Israéliens de souche.
Fils d'immigrants éthiopiens de la première heure, Asher Elias, un autre quadra élevé à Ashkelon, a fondé son entreprise. Tech Career sélectionne depuis 2003 des dizaines de jeunes Éthiopiens-Israéliens pour les former en quatorze mois au métier de programmeur informatique. But de la manœuvre: leur ouvrir les portes des nombreuses sociétés high-tech que compte le pays. L'an dernier, le secteur ne comptait que 200 salariés d'origine éthiopienne...
Une certitude pourtant: en décidant au printemps dernier de «rapatrier» les derniers représentants de la Falashmura, soit 8.000 personnes, le gouvernement israélien est attendu au tournant.
«La société israélienne et ses leaders devraient se souvenir que l'immigration des juifs éthiopiens a été grandement bénéfique pour le pays, en élargissant son multiculturalisme, observe Shalva Weil, une chercheuse de l'Institut pour l'innovation dans l'éducation, au sein de l'université hébraïque de Jérusalem. Les pouvoirs publics devront désormais mettre tous les moyens en œuvre pour réussir l'intégration de ces nouveaux venus».
Nathalie Hamou, à Tel-Aviv
SlateAfrique
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