jeudi 22 novembre 2012
Tripartite de Kampala
Le sommet extraordinaire de Kampala, qui a réuni autour d’une table les présidents Kabila, Kagame et Museveni, s’est clôturé hier mercredi par une déclaration commune obligeant le M23 à se retirer de la ville de Goma qu’il occupe depuis mardi 20 novembre.
Que les pyromanes soient chargés d’éteindre le feu qu’ils ont allumé, cela sent un piège à mille lieues. Et Kinshasa y est tombé, en misant sur une simple déclaration de bonne foi de Kigali et de Kampala.
A quoi aura servi la chevauchée conquérante du M23 jusque dans la ville de Goma, si aujourd’hui elle doit être stoppée net sur une simple déclaration ? La question vaut son pesant d’or.
Car ce qui vient de ressortir de la tripartite Kabila-Kagame-Museveni, tenue dans la capitale ougandaise du 21 au 22 novembre, laisse libre cours à des non dits qui méritent d’être dépoussiérés.
Le M23, tout le monde le sait, est la partie visible de l’iceberg sous-tendu par Kigali et Kampala, mais également par des puissances politiques et financières occidentales.
Ces derniers ont assuré et apporté à leur machine de guerre un soutien multiforme pour qu’il réussisse à mettre en déroute les forces loyalistes, suffisamment infiltrées. Plusieurs localités sont tombées. Six mois plus tard, les forces d’agression ont progressé jusqu’à atteindre l’objectif qui était la chute de la ville de Goma.
Il a fallu donc attendre la prise de la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, le mardi 20 novembre 2012, pour que la CIRGL se réveille et se mettre en branle. Un mini-sommet limité aux trois voisins directement concernés (Rwanda, RDC et Ouganda) est convoqué en urgence.
24 heures plus tard, les trois présidents disent être parvenus à un accord par lequel ils obligent – ironie du sort – les rebelles du M23 à se retirer de Goma et à mettre fin à leur progression vers d’autres territoires du Nord-Kivu et de la RDC.
Du coup, la déclaration sonne comme du bluff. Le revirement n’est-il spectaculaire ? Pour les uns, ce serait les pressions du Conseil de sécurité qui, dans une déclaration récente aurait condamné les attaques du M23 et la chute de Goma et exigé le retrait immédiat de ce dernier du chef-lieu du Nord-Kivu. Pour les autres, Kigali et Kampala auraient une fois de plus joué à la diversion. Ils font preuve, en apparence de bonne foi alors qu’en réalité, ils sont conscients des difficultés qui entourent la mise en œuvre de la mesure qu’ils ont fait semblant d’accepter.
Selon les spécialistes des stratégies militaires, entre la déclaration et son application, il y a de l’espace et du temps. Les protagonistes pourraient entamer une série de négociations pour se mettre d’accord sur un calendrier de retrait, ses modalités pratiques mais également sur les exigences du M23.
Il sera soutenu, en coulisses, dans ses revendications par ses parrains. Pendant ce temps, l’on s’amusera à créer des incidents diplomatiques et autres de manière à retarder ou bloquer le processus de désengagement des troupes occupantes de Goma.
Mascarade et compromission
« L’on attendait tout de cette réunion extraordinaire de Kampala, sauf un appel au retrait des rebelles du M23 de la ville de Goma », a déclaré à notre Rédaction un analyste indépendant de la scène politique congolaise.
« Qu’est-ce qui a finalement poussé à la fois Kigali et Kampala à adhérer à une telle déclaration ? », s’est-il interrogé. Selon lui, la déclaration de Kampala porte la marque à la fois d’une mascarade et d’une compromission qui ne dit pas clairement son nom.
La déclaration n’a pas ébranlé du tout les occupants, car au moment où les trois présidents bouclaient leur réunion, le M23 prenait déjà possession de la localité de Sake, à environ 30 km de Goma, et annonçait sa progression vers Bukavu, chef-lieu de la province voisine du Sud-Kivu.
Raison pour laquelle, notre analyste reste d’avis que Kinshasa s’est laissé prendre dans un piège tendu par le duo Kagame-Museveni. Ce qu’il a refusé officiellement lui est imposé officieusement.
Il s’agit des négociations avec le M23, autrement dit la prise en compte de ses revendications brandies depuis avril dernier dès le déclenchement de la mutinerie avant qu’elle ne se transforme en rébellion.
Radio Okapi qui répercute l’information sur son site rapporte que le gouvernement congolais a pris l’engagement de « rechercher promptement les causes des désordres [à l’Est de son territoire] et d’y remédier du mieux qu’il peut ».
Par ailleurs, le Rwanda vient de réussir un coup de maître. Malgré l’adoption du rapport des experts, le Conseil de sécurité n’a daigné le sanctionner par rapport à son soutien au M23.
Autrement dit, le M23 est légitimé en tant que mouvement rebelle congolais et, par conséquent, Kigali se trouve dédouané dans la crise congolaise et pourrait, dès lors, se positionner comme sapeur-pompier.
Abordé par les journalistes hier mercredi à Kampala, le président rwandais Paul Kagame a affiché toute sa bonne foi. « Le fait même que je sois ici (Ndlr : Kampala), a-t-il dit, montre que je veux contribuer à trouver une solution au problème », de l’Est de la RDC. Quelle finesse d’esprit ! Quelle jonglerie !
N’empêche ! Le peuple congolais n’est plus dupe du tout. Personne ne pourrait plus le rouler dans la farine, qu’il s’agisse de deux voisins agresseurs, de l’Union africaine ou encore des Nations unies.
Le double jeu de Kigali et de Kampala
A quatre reprises (quatre sommets), les pays membres de la CIRGL n’ont pas pu se mettre d’accord sur les pistes à explorer pour une sortie de crise dans l’Est de la RDC.
Le déploiement de la Force neutre internationale, option proposée en juillet 2012 à Addis-Abeba pour neutraliser toutes les forces négatives qui pullulent dans la région des Grands Lacs, tarde encore à se mettre en œuvre.
A la place et sous pression du Rwanda, les pays de la CIRGL ont préféré actionner le Mécanisme conjoint de vérification, en attendant un compromis sur le plan d’opérationnalisation de la Force neutre internationale.
Des mois sont passés sans qu’aucune avancée significative n’ait été enregistrée sur le terrain. Devant cette impasse, voulue par ses parrains, le M23 a repris du service en lançant, le samedi 17 novembre 2012, une offensive contre les FARDC basées dans la ville de Goma.
Curieusement, la CIRGL s’est tue. Aucun appel, ni à la trêve ni à la cessation des hostilités, n’a été lancé par cette organisation sous régionale. Pas de dessin pour comprendre la raison.
Le président en exercice – Kampala- est le cerveau moteur du M23, au même titre que Kigali. Le rapport des experts de l’Onu en fait foi.
Que les deux chefs d’Etat, cités comme principaux bourreaux de la RDC, aient décidé à faire marche en arrière, il y a bel et bien anguille sous roche.
Qu’est-ce qu’ils ont obtenu en retour, si réellement ils ont lâché du lest ?
Des non dits et des zones d’ombre persistent sur l’accord qui a été scellé le mercredi 21 novembre 2012 à Kampala entre les présidents Kabila de la RDC, Kagame du Rwanda et Museveni de l’Ouganda.
Le Potentiel
Tripartite de Kampala
Le sommet extraordinaire de Kampala, qui a réuni autour d’une table les présidents Kabila, Kagame et Museveni, s’est clôturé hier mercredi par une déclaration commune obligeant le M23 à se retirer de la ville de Goma qu’il occupe depuis mardi 20 novembre.
Que les pyromanes soient chargés d’éteindre le feu qu’ils ont allumé, cela sent un piège à mille lieues. Et Kinshasa y est tombé, en misant sur une simple déclaration de bonne foi de Kigali et de Kampala.
A quoi aura servi la chevauchée conquérante du M23 jusque dans la ville de Goma, si aujourd’hui elle doit être stoppée net sur une simple déclaration ? La question vaut son pesant d’or.
Car ce qui vient de ressortir de la tripartite Kabila-Kagame-Museveni, tenue dans la capitale ougandaise du 21 au 22 novembre, laisse libre cours à des non dits qui méritent d’être dépoussiérés.
Le M23, tout le monde le sait, est la partie visible de l’iceberg sous-tendu par Kigali et Kampala, mais également par des puissances politiques et financières occidentales.
Ces derniers ont assuré et apporté à leur machine de guerre un soutien multiforme pour qu’il réussisse à mettre en déroute les forces loyalistes, suffisamment infiltrées. Plusieurs localités sont tombées. Six mois plus tard, les forces d’agression ont progressé jusqu’à atteindre l’objectif qui était la chute de la ville de Goma.
Il a fallu donc attendre la prise de la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, le mardi 20 novembre 2012, pour que la CIRGL se réveille et se mettre en branle. Un mini-sommet limité aux trois voisins directement concernés (Rwanda, RDC et Ouganda) est convoqué en urgence.
24 heures plus tard, les trois présidents disent être parvenus à un accord par lequel ils obligent – ironie du sort – les rebelles du M23 à se retirer de Goma et à mettre fin à leur progression vers d’autres territoires du Nord-Kivu et de la RDC.
Du coup, la déclaration sonne comme du bluff. Le revirement n’est-il spectaculaire ? Pour les uns, ce serait les pressions du Conseil de sécurité qui, dans une déclaration récente aurait condamné les attaques du M23 et la chute de Goma et exigé le retrait immédiat de ce dernier du chef-lieu du Nord-Kivu. Pour les autres, Kigali et Kampala auraient une fois de plus joué à la diversion. Ils font preuve, en apparence de bonne foi alors qu’en réalité, ils sont conscients des difficultés qui entourent la mise en œuvre de la mesure qu’ils ont fait semblant d’accepter.
Selon les spécialistes des stratégies militaires, entre la déclaration et son application, il y a de l’espace et du temps. Les protagonistes pourraient entamer une série de négociations pour se mettre d’accord sur un calendrier de retrait, ses modalités pratiques mais également sur les exigences du M23.
Il sera soutenu, en coulisses, dans ses revendications par ses parrains. Pendant ce temps, l’on s’amusera à créer des incidents diplomatiques et autres de manière à retarder ou bloquer le processus de désengagement des troupes occupantes de Goma.
Mascarade et compromission
« L’on attendait tout de cette réunion extraordinaire de Kampala, sauf un appel au retrait des rebelles du M23 de la ville de Goma », a déclaré à notre Rédaction un analyste indépendant de la scène politique congolaise.
« Qu’est-ce qui a finalement poussé à la fois Kigali et Kampala à adhérer à une telle déclaration ? », s’est-il interrogé. Selon lui, la déclaration de Kampala porte la marque à la fois d’une mascarade et d’une compromission qui ne dit pas clairement son nom.
La déclaration n’a pas ébranlé du tout les occupants, car au moment où les trois présidents bouclaient leur réunion, le M23 prenait déjà possession de la localité de Sake, à environ 30 km de Goma, et annonçait sa progression vers Bukavu, chef-lieu de la province voisine du Sud-Kivu.
Raison pour laquelle, notre analyste reste d’avis que Kinshasa s’est laissé prendre dans un piège tendu par le duo Kagame-Museveni. Ce qu’il a refusé officiellement lui est imposé officieusement.
Il s’agit des négociations avec le M23, autrement dit la prise en compte de ses revendications brandies depuis avril dernier dès le déclenchement de la mutinerie avant qu’elle ne se transforme en rébellion.
Radio Okapi qui répercute l’information sur son site rapporte que le gouvernement congolais a pris l’engagement de « rechercher promptement les causes des désordres [à l’Est de son territoire] et d’y remédier du mieux qu’il peut ».
Par ailleurs, le Rwanda vient de réussir un coup de maître. Malgré l’adoption du rapport des experts, le Conseil de sécurité n’a daigné le sanctionner par rapport à son soutien au M23.
Autrement dit, le M23 est légitimé en tant que mouvement rebelle congolais et, par conséquent, Kigali se trouve dédouané dans la crise congolaise et pourrait, dès lors, se positionner comme sapeur-pompier.
Abordé par les journalistes hier mercredi à Kampala, le président rwandais Paul Kagame a affiché toute sa bonne foi. « Le fait même que je sois ici (Ndlr : Kampala), a-t-il dit, montre que je veux contribuer à trouver une solution au problème », de l’Est de la RDC. Quelle finesse d’esprit ! Quelle jonglerie !
N’empêche ! Le peuple congolais n’est plus dupe du tout. Personne ne pourrait plus le rouler dans la farine, qu’il s’agisse de deux voisins agresseurs, de l’Union africaine ou encore des Nations unies.
Le double jeu de Kigali et de Kampala
A quatre reprises (quatre sommets), les pays membres de la CIRGL n’ont pas pu se mettre d’accord sur les pistes à explorer pour une sortie de crise dans l’Est de la RDC.
Le déploiement de la Force neutre internationale, option proposée en juillet 2012 à Addis-Abeba pour neutraliser toutes les forces négatives qui pullulent dans la région des Grands Lacs, tarde encore à se mettre en œuvre.
A la place et sous pression du Rwanda, les pays de la CIRGL ont préféré actionner le Mécanisme conjoint de vérification, en attendant un compromis sur le plan d’opérationnalisation de la Force neutre internationale.
Des mois sont passés sans qu’aucune avancée significative n’ait été enregistrée sur le terrain. Devant cette impasse, voulue par ses parrains, le M23 a repris du service en lançant, le samedi 17 novembre 2012, une offensive contre les FARDC basées dans la ville de Goma.
Curieusement, la CIRGL s’est tue. Aucun appel, ni à la trêve ni à la cessation des hostilités, n’a été lancé par cette organisation sous régionale. Pas de dessin pour comprendre la raison.
Le président en exercice – Kampala- est le cerveau moteur du M23, au même titre que Kigali. Le rapport des experts de l’Onu en fait foi.
Que les deux chefs d’Etat, cités comme principaux bourreaux de la RDC, aient décidé à faire marche en arrière, il y a bel et bien anguille sous roche.
Qu’est-ce qu’ils ont obtenu en retour, si réellement ils ont lâché du lest ?
Des non dits et des zones d’ombre persistent sur l’accord qui a été scellé le mercredi 21 novembre 2012 à Kampala entre les présidents Kabila de la RDC, Kagame du Rwanda et Museveni de l’Ouganda.
Le Potentiel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire