le 16.11.2013
Un membre de Boko Haram a affirmé, vendredi 15 novembre, que le groupe islamiste armé nigérian détenait le prêtre français Georges Vandenbeusch, enlevé dans la nuit de mercredi à jeudi dans le nord du Cameroun, près de la frontière avec le Nigeria.
Les deux pays partagent une frontière commune de 1 600 kilomètres, mal ou peu sécurisée.
En conséquence, le groupe djihadiste, qui subit depuis plusieurs mois une offensive de l'armée nigériane, tente de faire du Cameroun, notamment de sa partie nord, une base de repli et une nouvelle zone d'influence.
Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste de l'Afrique subsaharienne à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), revient pour Le Monde sur la situation dans la région.
Quelle est la situation sécuritaire dans le nord du Cameroun, où a été enlevé le prêtre français ?
Le Cameroun est victime de l'instabilité politique qui prévaut chez son voisin. Le 14 mai, le président nigérian, Goodluck Jonathan, a déclaré l'état d'urgence dans trois Etats du nord-est du pays, Borno, Yobe et Adamawa.
Depuis, les autorités nigérianes emploient la manière forte, à coup d'opérations militaires de grande envergure. C'est notamment la première fois depuis la guerre du Biafra, en 1970, que le Nigeria déploie ses forces aériennes sur son propre territoire.
Dans les régions concernées, les lignes téléphoniques sont coupées et les contacts avec la population locale n'existent quasiment plus. Le nord-est du Nigeria est complètement sinistré.
Bien que l'on ne dispose pas de chiffres précis, on sait que des milliers de Nigérians fuient aussi bien les opérations militaires que les exactions commises par les groupes islamistes comme Boko Haram.
Ces populations civiles se réfugient donc dans le nord du Cameroun, ce qui déstabilise le pays. Il se pourrait aussi que des cellules de Boko Haram se soient installées dans le nord du Cameroun. Et qu'un certain nombre de Camerounais aient rejoint ses rangs.
La frontière entre le Nigeria et le Cameroun est-elle contrôlée par les autorités des deux pays ?
Non, il s'agit d'une frontière très poreuse qu'il est facile de franchir. Les Peuls, les Haoussas et les autres ethnies locales qui élèvent du bétail n'arrêtent pas de passer d'un pays à l'autre. Il y a beaucoup de chemins de traverse tout au long de la frontière, qu'il est possible d'emprunter de manière légale ou non.
Ces mouvements de population créent des liens entre les parties nord du Cameroun et du Nigeria. Boko Haram est donc susceptible d'y rencontrer des populations solidaires et accueillantes.
Le gouvernement nigérian a récemment formé avec les autorités camerounaises un "comité mixte" pour veiller à la sécurisation de cette frontière, mais ça ne sera pas efficace. Rappelons que les deux pays se disputaient la péninsule de Bakassi, dans le golfe de Guinée, dans les années 2000.
Un jugement de la Cour internationale de justice de La Haye, rendu le 10 octobre 2002, attribue au Cameroun la souveraineté de ce territoire précédemment administré par le Nigeria. Abuja s'est retiré de la zone sans heurts, en 2008, mais la coopération entre les autorités des deux pays n'est pas bonne.
Si c'est bien Boko Haram qui a enlevé le prêtre français, quelle peut être sa motivation ?
Cette action peut annoncer un changement de stratégie lourd de sens : une volonté de se rapprocher encore d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), à qui le groupe a fait allégeance en 2010.
Après l'enlèvement, en février, de la famille Moulin-Fournier, ce nouveau rapt symbolise une volonté d'internationalisation des revendications de Boko Haram.
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Thomas Loubière
Le Monde.fr
Un membre de Boko Haram a affirmé, vendredi 15 novembre, que le groupe islamiste armé nigérian détenait le prêtre français Georges Vandenbeusch, enlevé dans la nuit de mercredi à jeudi dans le nord du Cameroun, près de la frontière avec le Nigeria.
Les deux pays partagent une frontière commune de 1 600 kilomètres, mal ou peu sécurisée.
En conséquence, le groupe djihadiste, qui subit depuis plusieurs mois une offensive de l'armée nigériane, tente de faire du Cameroun, notamment de sa partie nord, une base de repli et une nouvelle zone d'influence.
Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste de l'Afrique subsaharienne à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), revient pour Le Monde sur la situation dans la région.
Quelle est la situation sécuritaire dans le nord du Cameroun, où a été enlevé le prêtre français ?
Le Cameroun est victime de l'instabilité politique qui prévaut chez son voisin. Le 14 mai, le président nigérian, Goodluck Jonathan, a déclaré l'état d'urgence dans trois Etats du nord-est du pays, Borno, Yobe et Adamawa.
Depuis, les autorités nigérianes emploient la manière forte, à coup d'opérations militaires de grande envergure. C'est notamment la première fois depuis la guerre du Biafra, en 1970, que le Nigeria déploie ses forces aériennes sur son propre territoire.
Dans les régions concernées, les lignes téléphoniques sont coupées et les contacts avec la population locale n'existent quasiment plus. Le nord-est du Nigeria est complètement sinistré.
Bien que l'on ne dispose pas de chiffres précis, on sait que des milliers de Nigérians fuient aussi bien les opérations militaires que les exactions commises par les groupes islamistes comme Boko Haram.
Ces populations civiles se réfugient donc dans le nord du Cameroun, ce qui déstabilise le pays. Il se pourrait aussi que des cellules de Boko Haram se soient installées dans le nord du Cameroun. Et qu'un certain nombre de Camerounais aient rejoint ses rangs.
La frontière entre le Nigeria et le Cameroun est-elle contrôlée par les autorités des deux pays ?
Non, il s'agit d'une frontière très poreuse qu'il est facile de franchir. Les Peuls, les Haoussas et les autres ethnies locales qui élèvent du bétail n'arrêtent pas de passer d'un pays à l'autre. Il y a beaucoup de chemins de traverse tout au long de la frontière, qu'il est possible d'emprunter de manière légale ou non.
Ces mouvements de population créent des liens entre les parties nord du Cameroun et du Nigeria. Boko Haram est donc susceptible d'y rencontrer des populations solidaires et accueillantes.
Le gouvernement nigérian a récemment formé avec les autorités camerounaises un "comité mixte" pour veiller à la sécurisation de cette frontière, mais ça ne sera pas efficace. Rappelons que les deux pays se disputaient la péninsule de Bakassi, dans le golfe de Guinée, dans les années 2000.
Un jugement de la Cour internationale de justice de La Haye, rendu le 10 octobre 2002, attribue au Cameroun la souveraineté de ce territoire précédemment administré par le Nigeria. Abuja s'est retiré de la zone sans heurts, en 2008, mais la coopération entre les autorités des deux pays n'est pas bonne.
Si c'est bien Boko Haram qui a enlevé le prêtre français, quelle peut être sa motivation ?
Cette action peut annoncer un changement de stratégie lourd de sens : une volonté de se rapprocher encore d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), à qui le groupe a fait allégeance en 2010.
Après l'enlèvement, en février, de la famille Moulin-Fournier, ce nouveau rapt symbolise une volonté d'internationalisation des revendications de Boko Haram.
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Thomas Loubière
Le Monde.fr
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