mercredi 25 juin 2014

Comment piller le cuivre de la République démocratique du Congo sans bourse délier

le 23/06/2014

KCC, filiale du géant suisse Glencore, réussit à ne pas payer d'impôts. Pourquoi ? Depuis 2008, elle affiche systématiquement des pertes. 

  
L'entrée de Glencore à Baar, dans le canton de Zoug, en Suisse. © Ian Hamel

Le cours du cuivre flambe et la production de la société minière Kamoto Copper Company (KCC), au Katanga, en République démocratique du Congo, affiche une forte croissance. 

Malgré cela, l'entreprise annonce systématiquement des résultats déficitaires. Ses fonds propres seraient même négatifs à presque deux milliards de dollars ! 

Comment expliquer ce mystère ? KCC appartient à 75 % à cinq sociétés établies dans des paradis fiscaux (îles Vierges britanniques et Guernesey), propriétés elles-mêmes du groupe Katanga Mining Limited (KML). Et KML est détenu par le suisse Glencore, géant du négoce et de l'extraction minière.

Des pertes par un simple jeu d'écritures

En fait, KCC accumule les pertes par un simple jeu d'écritures. Elle affirme payer d'"importants paiements d'intérêts à cinq sociétés mères [...] et auprès desquelles KCC s'endette de plus en plus", écrivent dans un rapport accablant deux ONG suisses, Pain pour le prochain et Action de carême, et une ONG britannique, Rights and Accountability in Development (RAID). 

Ces ONG estiment qu'en cinq ans, ces pratiques ont fait perdre 153,7 millions de dollars à l'État congolais. Le pire, c'est que cette pratique scandaleuse n'est pas illégale en soi... Le rapport de 121 pages des trois organisations repose sur un travail d'enquête d'un an et demi.

Comment la République démocratique du Congo pourrait-elle lutter contre Glencore ? Celle-ci a réalisé l'année dernière un chiffre d'affaires de 240 milliards de dollars, soit plus de trente fois le budget de l'État de la RDC ? 

Glencore, fondée par le sulfureux Marc Rich, est installée à Baar, une petite bourgade du canton de Zoug, en Suisse. Première entreprise de la Confédération, devant Nestlé, elle a fusionné en mai 2013 avec Xstrata, et contrôle aujourd'hui 60 % du zinc, 50 % du cuivre et 30 % de l'aluminium dans le monde. En clair, la multinationale estime pouvoir tout se permettre.

Première entreprise suisse devant Nestlé, Glencore fait du tort écologique à la RD Congo

En 2012 déjà, Pain pour le prochain et Action de carême avaient révélé que les effluents de l'usine hydrométallurgique de Kamoto Copper Compagny étaient rejetés sans aucun traitement dans la rivière Luilu. 

Glencore reconnaissait les faits et affirmait alors "avoir complètement résolu le problème". 

Le nouveau rapport souligne que des rejets de l'usine "continuent d'être déversés dans la rivière Luilu, simplement plus en amont". Les concentrations de cuivre dans l'eau sont six fois plus élevées que les seuils fixés par le code minier congolais.

Pour le cobalt, les résultats sont supérieurs jusqu'à cinquante-trois fois aux seuils de l'OMS. Résultat : "Les poissons ont disparu de la rivière Luilu et les berges ressemblent à de la terre brûlée. Les personnes qui habitent en aval de la mine ne peuvent utiliser l'eau de la rivière, ni pour leurs besoins quotidiens ni pour irriguer leurs champs.

" Réponse de Glencore : "Nous procédons à un suivi régulier de la situation et nous n'avons pas constaté de pollution !"

En effet, contrairement à ses habitudes, le géant minier, entré en Bourse en 2011, a accepté de négocier avec les ONG.

Celles-ci ont pu visiter en octobre 2013 les mines de Glencore en RD Congo et rencontrer des représentants des deux filiales, Kamoto Copper Compagny et Mutanda Mining. 

En mai 2014, les ONG ont remis à Glencore leurs conclusions, et la multinationale a pris position par écrit sur celles-ci. 

Très optimistes, les deux ONG suisses, qui sont liées aux Églises protestante et catholique, écrivent : "Nos conclusions diffèrent souvent de celles de Glencore, mais nous espérons que nos recommandations aideront la firme à traduire ses politiques en changements concrets sur le terrain. "On peut toujours rêver.
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Thibaut Danancher
Le Point.fr

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