01/10/2014
L'Ouganda, paradis du tourisme "gay friendly" ? Pas encore... © Glez/J.A.
Les homosexuels révulsent une frange des autorités ougandaises, mais le secteur du tourisme ne dédaigne pas le contenu de leurs portefeuilles. Schizophrénie politique ?
Certains responsables ougandais confondraient-ils sensibilité homosexuelle et pratiques sadomasochistes ? Alors que les évolutions récentes de la législation nationale tendent à "flageller" les gays, la stratégie touristique du pays essaie de les caresser dans le sens du poil.
L’Office du tourisme ougandais entend bien attirer les clients homosexuels vers sa "perle de l'Afrique", rappelant à l'envi qu'on ne vérifie pas les orientations charnelles à l'aéroport de Kampala. Or, signe de "stigmatisation positive" ou pas, la segmentation contemporaine du secteur identifie un marché spécifique à cette "communauté".
Selon l’agence américaine "Community Marketing", le tourisme gay friendly cerne un segment de clientèle d'autant plus essentiel qu'il concernerait des populations à forts revenus et à charges familiales relativement réduites.
On parle ainsi de "DINK" (double income, no kids) pour évoquer les couples à double revenu et sans enfant qui dépensent les "pink dollars" tant convoités.
Dans le domaine des voyages, s’il est scabreux de qualifier la dimension "sexuelle" d'un tourisme, nul doute que l’identification des sensibilités intimes peut conduire à la sélection d'un achalandage - clientèle de passage - à forte valeur ajoutée.
Bref, l'homosexuel est devenu une cible spécifique pour le tourisme, en témoigne la création de sites de réservation comme Reservasgays.com.
Marketing oblige
Marketing oblige, ce sont donc plusieurs représentants du tourisme ougandais qui rencontraient, le 8 septembre dernier, à New York, l'International Gay and Lesbian Travel Association (IGLTA), le plus important regroupement professionnel du voyage dédié spécifiquement aux prospects homosexuels.
Une association qui, jusque-là, conseillait aux voyageurs de leur cible d'être prudents s'ils décidaient de se rendre dans cette zone qualifiée d'"homophobe". Et pour cause...
Il y a quelques semaines, par la voix de son secrétaire d'État John Kerry, les États-Unis comparaient un projet de loi ougandais antihomosexualité aux législations de l'Allemagne nazie.
La Cour constitutionnelle ougandaise annulait finalement la procédure, pourtant après promulgation par le président Yoweri Museveni.
Depuis l’époque coloniale britannique, les relations homosexuelles sont déjà passibles, en Ouganda, de la prison à vie et des députés envisagent de soumettre à nouveau une loi plus répressive au Parlement.
Deux poids deux mesures
"L'Ouganda a été mal compris sur ces sujets", déclament en substance les voyagistes gênés dans le développement du secteur du tourisme qui représente 8,4% du PIB.
Mais à trop vouloir démontrer et démonter le malentendu, certains tour-opérateurs enfoncent le clou des amalgames en expliquant que la loi dénoncée visaient moins les homosexuels que les... pédophiles. Un magma rhétorique qui scandalise davantage les groupes de défense des gays et lesbiens dont l'indignation plombe toujours l’image de l'Ouganda à l’international.
Déjà, les militants homosexuels ougandais considèrent que l'initiative des professionnels du tourisme incite les autorités à faire deux poids deux mesures. Les devises monétaires des LGBT étrangers seraient les bienvenues, au moment même où les politiciens et leurs relais évangélistes cherchent comment mieux châtier les homos locaux.
L'Ouganda deviendra-t-il une destination de vacances prisée par les homosexuels ?
Encore faudrait-il que la mouvance homophobe ougandaise laisse le secteur du tourisme aller au bout de sa stratégie. Les initiatives récentes de l'Office du tourisme ougandais ont fait grincer bien des dents...
________
Damien Glez
Jeune Afrique
L'Ouganda, paradis du tourisme "gay friendly" ? Pas encore... © Glez/J.A.
Les homosexuels révulsent une frange des autorités ougandaises, mais le secteur du tourisme ne dédaigne pas le contenu de leurs portefeuilles. Schizophrénie politique ?
Certains responsables ougandais confondraient-ils sensibilité homosexuelle et pratiques sadomasochistes ? Alors que les évolutions récentes de la législation nationale tendent à "flageller" les gays, la stratégie touristique du pays essaie de les caresser dans le sens du poil.
L’Office du tourisme ougandais entend bien attirer les clients homosexuels vers sa "perle de l'Afrique", rappelant à l'envi qu'on ne vérifie pas les orientations charnelles à l'aéroport de Kampala. Or, signe de "stigmatisation positive" ou pas, la segmentation contemporaine du secteur identifie un marché spécifique à cette "communauté".
Selon l’agence américaine "Community Marketing", le tourisme gay friendly cerne un segment de clientèle d'autant plus essentiel qu'il concernerait des populations à forts revenus et à charges familiales relativement réduites.
On parle ainsi de "DINK" (double income, no kids) pour évoquer les couples à double revenu et sans enfant qui dépensent les "pink dollars" tant convoités.
Dans le domaine des voyages, s’il est scabreux de qualifier la dimension "sexuelle" d'un tourisme, nul doute que l’identification des sensibilités intimes peut conduire à la sélection d'un achalandage - clientèle de passage - à forte valeur ajoutée.
Bref, l'homosexuel est devenu une cible spécifique pour le tourisme, en témoigne la création de sites de réservation comme Reservasgays.com.
Marketing oblige
Marketing oblige, ce sont donc plusieurs représentants du tourisme ougandais qui rencontraient, le 8 septembre dernier, à New York, l'International Gay and Lesbian Travel Association (IGLTA), le plus important regroupement professionnel du voyage dédié spécifiquement aux prospects homosexuels.
Une association qui, jusque-là, conseillait aux voyageurs de leur cible d'être prudents s'ils décidaient de se rendre dans cette zone qualifiée d'"homophobe". Et pour cause...
Il y a quelques semaines, par la voix de son secrétaire d'État John Kerry, les États-Unis comparaient un projet de loi ougandais antihomosexualité aux législations de l'Allemagne nazie.
La Cour constitutionnelle ougandaise annulait finalement la procédure, pourtant après promulgation par le président Yoweri Museveni.
Depuis l’époque coloniale britannique, les relations homosexuelles sont déjà passibles, en Ouganda, de la prison à vie et des députés envisagent de soumettre à nouveau une loi plus répressive au Parlement.
Deux poids deux mesures
"L'Ouganda a été mal compris sur ces sujets", déclament en substance les voyagistes gênés dans le développement du secteur du tourisme qui représente 8,4% du PIB.
Mais à trop vouloir démontrer et démonter le malentendu, certains tour-opérateurs enfoncent le clou des amalgames en expliquant que la loi dénoncée visaient moins les homosexuels que les... pédophiles. Un magma rhétorique qui scandalise davantage les groupes de défense des gays et lesbiens dont l'indignation plombe toujours l’image de l'Ouganda à l’international.
Déjà, les militants homosexuels ougandais considèrent que l'initiative des professionnels du tourisme incite les autorités à faire deux poids deux mesures. Les devises monétaires des LGBT étrangers seraient les bienvenues, au moment même où les politiciens et leurs relais évangélistes cherchent comment mieux châtier les homos locaux.
L'Ouganda deviendra-t-il une destination de vacances prisée par les homosexuels ?
Encore faudrait-il que la mouvance homophobe ougandaise laisse le secteur du tourisme aller au bout de sa stratégie. Les initiatives récentes de l'Office du tourisme ougandais ont fait grincer bien des dents...
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Damien Glez
Jeune Afrique
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