mardi 17 mars 2015

Au nom de l'unité, il est temps de rompre avec le statu quo et la politique de l'autriche

Samedi 07/03/2015 
 
«Les esclaves forgent continuellement leurs propres chaînes.» Horkheimer

Il est temps de rompre avec le statu quo et la politique de l'autruche. Les Congolais(es) ayant la prétention de gouverner le Congo-Kinshasa demain doivent pouvoir soumettre leurs projets de société au débat. Le plus tôt serait le mieux. 


La bataille des idées doit se mener sans tabou et dans massacre des débateurs. 

Dans cet ordre d'idées, l'appel à l'unité des Congolais(es) ne devrait pas être synonyme de l'appel à l'unanimisme. 

De Mao, nous avons appris que pour mettre de l'ordre dans l'organisation, il faut commencer par le mettre dans les idées. 

Aux compatriotes qui parcourent les capitales occidentales présentement pour mille et une raison, nous disons : « Messieurs, Mesdames, sur quelles idées mobilisatrices voulez-vous que le Congo-Kinshasa soient gouverné demain ? 

Sur la prière ? Sur l'unité ? Comment comptez-vous vous y prendre ? » 

Cette bataille des idées, à notre avis, devrait se mener dans la sérénité et sans tabou. Elle ne doit pas être une question identitaire.

Quelques politiciens congolais de l'opposition politique sont en train de faire le tour de certaines capitales occidentales avant les échéances électorales prévues probablement pour 2016. 


Ils donnent des conférences et appellent à la mobilisation de leurs compatriotes pour mettre fin au système politique mis en place au pays depuis la guerre de l'AFDL jusqu'à ce jour. 

Certains parmi eux se sont rendus à une réunion de prière à Washington. Il est curieux que certaines questions autour de ces voyages puissent être interprétées comme une atteinte à l'unité qui serait recherchée par ces compatriotes!

Revenons sur l'une ou l'autre de ces questions. 


Quel est le système mis en place au Congo-Kinshasa depuis la guerre de l'AFDL ? 

C'est le système néolibéral avec ses trois grands piliers que sont la libéralisation, la dérégulation et la privatisation. C'est le système du tout marché détricotant la souveraineté des Etats et/ou les instrumentalisant pour que triomphe finalement le marché autorégulé. 

La mise en place de ce système coïncide à peu près avec la chute du mur de Berlin (1989) et la fin de l'URSS (1991). Il est la mise en pratique du Consensus de Washington. 

En effet, « en 1989, l'économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, John Williamson, formalisa le consensus. Ses principes fondateurs visent à obtenir, le plus rapidement possible, la liquidation de toute instance de régulation, étatique ou non, la libéralisation la plus totale des marchés (des biens, des capitaux, des services, etc.) et l'instauration à terme d'une stateless global governance, d'un marché mondial unifié et entièrement autorégulé. [1]» 

Ce système fondé sur la concurrence et la compétitivité conduit à l'atomisation des populations habitant les pays où il s'impose. Et « quoi qu'en dise le discours dominant des oligarchies capitalistes néolibérales, ce n'est pas l'homme, son libre épanouissement et le déploiement progressif de ses pouvoirs créateurs qui orientent la construction de la société. 

Il s'est opéré un glissement : les paramètres du processus sociétal, intériorisés par les classes dépendantes- comme par les clases dominantes d'ailleurs- ont désormais pour nom progrès technologique, rentabilité productrice, concurrence, compétitivité, valeur d'échange, fonctionnalité, conformité. L'homme est ainsi séparé des autres hommes, séparé de la recherche collective du sens, seul. Il devient étranger à lui-même. [2]» 

Il plonge dans l'aliénation. Dans le cas du Congo-Kinshasa, à en croire certains politiciens qui sont en train de passer de Washington à Berlin et à Paris, c'est ce système qu'il faut changer. 

Mais comment le changer en faisant de ceux qui l'ont mis en place ''les maîtres'' des décisions à prendre pour le futur proche du pays?

Et quand l'un ou l'autre est questionné sur ''le système alternatif'' qu'il mettra sur pied au Congo-Kinshasa, une fois aux affaires, il répond : '' le social-libéralisme'' ayant comme matrice organisationnelle la concurrence et la compétitivité. 


C'est-à-dire qu'il prône la reconduction du système néolibéral actuel en y ajoutant le mot ''social'' pour faire du ''neuf avec du vieux''. 

En d'autres termes, il sape sa campagne pour l'unité des Congolais(es) en prêchant un système de leur atomisation. 

Pourquoi le débat sur ces approches politico-économiques compromettantes devrait-il être tenu pour tabou ? Pourquoi ? 

Faut-il attendre demain, quand ces messieurs seront aux affaires pour pouvoir organiser un débat sur leurs propositions au sujet de ''l'alternative politique'' au Congo-Kinshasa ? Nous ne le pensons pas. 

Le débat d'idées doit pouvoir s'imposer dans ce pays et partout où vivent ses filles et ses fils s'ils veulent lui garantir un autre avenir.

Certains de ces compatriotes Congolais passant d'une capitale occidentale à une autre soutiennent qu'ils ont été à une réunion de prière à Washington. 


Prier pour les croyants, c'est une chose magnifique. Mais le fondamentalisme religieux et l'instrumentalisation de la religion au nom du ''dieu argent'' sont, dans l'histoire des hommes, un secret de polichinelle. 

Sur ce point, il serait intéressant de lire ''la pensée enchaînée''[3] de Susan George, cette américaine naturalisée française. Elle montre, dans ce livre, ''comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l'Amérique'' au point de faire de la religion ''l'opium du peuple''. 

Il aborde cette question dans un chapitre au titre révélateur : « L'extinction des Lumières ». Il y dit entre autres ceci : « Aux Etats-Unis, la religion obscurantiste en particulier correspond parfaitement à la formule de Marx, « l'opium du peuple » (...) » 

Elle estime qu'il y a l'éducation permettant que l'esprit critique acquis puisse aider dans la lutte contre la crédulité. 

Pour elle, « les gens doivent recevoir les outils nécessaires à l'exercice d'une pensée critique ; cela inclut une pensée critique vis-à-vis de la déité, si elle existe, et de toutes ses œuvres.[4] »

Pour participer à la vie démocratique d'un pays, il faut un minimum d'esprit critique ; un tant soit peu de lucidité. Or, depuis ''la crise de la démocratie des années 60'' aux USA, l'école, l'université et les églises sont (aussi) utilisées, en tant que lieux d'endoctrinement des jeunes, pour leur inculquer la passivité[5]. 


Crédulité et passivité sont des armes utilisées par les droites laïque et religieuse américaine pour s'emparer de l'Amérique et imposer la pensée néolibérale. 

Cette pensée financée à coup des milliards par les think tanks néoconservateurs est fabriquée par de professeurs des Universités et d'autres hommes politiques influents.

Prenons un seul exemple. La fondation Bradley. 


Elle « déclare explicitement qu'elle « se consacre au renforcement du capitalisme américain », et que son objectif est d'aider « la recherche sur les politiques publiques en faveur de la libre entreprise, des valeurs traditionnelles et d'une défense nationale forte ». 

Elle met l'accent sur « la responsabilité individuelle » et sur la réduction du pouvoir des « institutions centralisées, bureaucratiques, fournisseurs de services » (traduisez, de protection sociale)... [6]». 

Elle finance les églises propageant les valeurs traditionnelles. Elle donne de grosses sommes d'argent aux universités et à d'autres instituts et hautes écoles où est enseignée et véhiculée l'idéologie néolibérale des néoconservateurs. 

Tel est le cas de la School for Advanced International Studies (SAIS, Ecole d'études internationales avancées.) 

Trois grands idéologues du néolibéralisme ont enseigné dans cette Ecole : Francis Fukuyama, auteur de ''La fin de l'histoire'', Zbignew Brzezinski, auteur du ''Le grand échiquier'' et Paul Wolfowitz, l'idéologue de ''la nation indispensable'' après la chute de l'URSS[7].

Aller prier dans un pays où l'idéologie dominante a pris en otage l'école, l'université et les églises n'est pas un acte innocent. La prière peut servir d'appât à l'inoculation de cette idéologie et à sa propagation. 


D'où l'importance du débat sur ces voyages des compatriotes malgré leurs bonnes intentions affichées.

La connaissance de l'autre, de son mode opératoire et de son histoire est indispensable au commerce politique. Elle peut être un antidote contre la naïveté et la doctrine de bonnes intentions. 


Le Congo-Kinshasa a toute une histoire avec ses partenaires traditionnels occidentaux. La mettre entre parenthèse peut être préjudiciable pour son futur proche.
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Mbelu Babanya Kabudi

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