mercredi 5 janvier 2011

Côte d'Ivoire : l'indignation sélective de la communauté internationale

Jack Dion - Marianne | Mardi 4 Janvier 2011 à 18:01 |


Le maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo ne doit pas pour autant faire oublier d'autres violations de la démocratie qui se déroulent dans l'indifférence générale. Honduras, Afghanistan, Egypte, Irak : Jack Dion met en évidence un « deux poids, deux mesures » flagrant de la communauté internationale, uniquement préoccupée par le dirigeant ivoirien sortant.











Pour débloquer la situation en Côte d’Ivoire, les Etats-Unis ont proposé à Laurent Gbagbo, président autoproclamé, de l’accueillir outre Atlantique, et même de lui confier un poste de professeur. Pourquoi pas ? On espère seulement que dans l’hypothèse où il accepterait cette proposition, le grand ami de certains socialistes français n’aura pas en charge l’enseignement du droit ou de la justice, ce qui serait du plus mauvais effet. On notera également que les Etats-Unis, s’ils étaient vraiment fidèles aux principes qu’ils prétendent défendre aux quatre coins du monde, auraient dû formuler une telle offre à Hamid Karzaï. En effet, le président afghan a été élu à la présidence de la République dans des conditions aussi ubuesques que celles en vigueur en Côte d’Ivoire. Seulement voilà : aussi corrompu soit-il, Hamid Karzaï est un ami de l’Amérique, de l’Otan,  et de la « communauté internationale » - celle-là même qui prétend dire le droit en Côte d’Ivoire, mais qui l’oublie en Afghanistan ou ailleurs. 

Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle Laurent Gbagbo peut se maintenir au pouvoir, malgré l’hostilité (justifiée) de toutes les instances prétendant définir les règles d’une démocratie a minima. A force de jouer avec les principes et de pratiquer la règle du deux poids, deux mesures, on permet à des apprentis sorciers de se transformer en bouc émissaire à moindre frais. 

L’exemple afghan n’est pas le seul. Le président élu du Honduras, pays voisin des Etats-Unis, Manuel Zelaya, a été renversé par un putsch en juin 2009, puis expulsé manu militari. D’après les documents révélés par 
WikiLeaks, l’ambassadeur américain au Honduras parlait lui-même d’un « coup d’Etat » en bonne et due forme. Et que s’est-il passé ? Rien. Les pustchistes sont toujours au gouvernement, et la « communauté internationale » se contente de surveiller Chavez, président du Venezuela voisin. Le nombre de journalistes assassinés pour avoir rappelé que le droit avait été violé au Honduras continue à augmenter, lentement mais sûrement. Mais la « communauté internationale » préfère s’émouvoir du sort de la presse à Cuba. A l’Onu, à l’Union Européenne, à la Maison Blanche, le Honduras n’existe pas. Comment, dans ces conditions, avoir la moindre crédibilité pour faire la leçon à un Gbagbo ? 

On pourrait multiplier les exemples de cette hémiplégie contagieuse. Le viol du suffrage universel est intolérable en Côte d’Ivoire, mais il l’est en Egypte, où Moubarak, grand ami des Etats-Unis, fait la loi (électorale) comme bon lui semble. Il l’est également en Irak, pays où il a fallu plusieurs mois de négociations pour former un gouvernement issu d’élections qui feraient passer Abidjan pour un havre de démocratie. Mais comme ce sont les émissaires américains qui ont constitué l’équipe gouvernementale, dont les principaux membres sont arrivés dans les fourgons de l’armée d’occupation, la « communauté internationale » brille par son silence. 

Ladite « communauté internationale » n’est pas plus loquace avec les frasques d’un Berlusconi en Italie, qui ferait passer Chavez pour un prix Nobel de la paix, ou d’un Viktor Orban en Hongrie, qui est un mixte des deux à lui tout seul. Que le nouveau pouvoir hongrois redécouvre la censure pour délit d’opinion, cela ne semble émouvoir personne. La Hongrie, nonobstant ses étranges mœurs, est même devenue présidente du Conseil de l’Union Européenne. Va-t-on demander à Viktor Orban d’aller rappeler les principes démocratiques à Laurent Gbagbo ?

Côte d'Ivoire : l'indignation sélective de la communauté internationale
Où l’on voit que le président autoproclamé de Côte d’Ivoire peut compter sur ses ennemis de l’extérieur pour soigner sa popularité à l’intérieur, quitte à pousser son pays vers l’abime.

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