Samedi, 04 Juin 2011 | |||
Les révolutions citoyennes réussissent là où le taux d’alphabétisation (surtout pour les filles) augmente ; là où l’étau de la police politique démasquée se desserre au profit des luttes populaires. C’est-à-dire là où la notion de sécurité va au-delà du gardiennage entretenu au profit des privilégiés du système ; là où l’humain est respecté dans sa dignité et dans sa liberté. Aussi l’homme et la femme qui font de la lutte pour le respect de leurs capacités élémentaires leur raison de vivre et de mourir peuvent-ils finalement renverser le Pharaon comme en Egypte. (Lire R. SOLE, Le Pharaon renversé. Dix-huit jours qui ont changé l’Egypte, Paris, Ed. Les Arènes, 2011 et l’article ci-après.) Certaines informations diffusées sur notre pays devraient retenir l’attention de plusieurs d’entre nous. Mais l’impression est qu’elles sont vite rangées dans la rubrique des faits divers. Prenons trois exemples. Lors des assises de l’assemblée générale extraordinaire du conseil supérieur de la magistrature,, le ministre de la Justice et Droits de l’homme, Luzolo Bambi a reconnu que les prions congolaises sont encombrées de l’ordre de 100% à 150 %. A son avis, il appartient à la magistrature congolaise de pouvoir régler cette situation « en toute indépendance ». Ces informations ont été données par la Radio Okapi le 31 mai 2011. Deux jours après, selon la même radio, « les ONG des droits de l’homme demandent l’élévation de Chebeya (président de la Voix des Sans Voix assassiné à Kinshasa la nuit du 01 au 02 juin 2010) au rang de héros nationale. Au cours des manifestations organisées en mémoire disparu, Cheik Hamza, président du Conseil d’administration du Renadhoc, évoquant la fin du procès sur l’assassinat de Chebeya affirme ceci : « Nous allons rouvrir tous les dossiers pour que la justice soit rendue. Si ce n’est pas fait au niveau national, nous n’hésiterons pas pour aller au niveau international. » Et « le ministre de la Justice et Droits humains, Luzolo Bambi, présent à la cérémonie, a affirmé, selon la Radio Okapi , que des concertations sont en cours pour que la mémoire de Chebeya et de Bazana soient honorée par une justice équitable. » Des concertations avec qui, dans un pays où « la magistrature est indépendante » ? Des concertations en cours ? Quel peut être le sens à leur accorder si elles ne constituent pas une remise en question de l’équité de la justice rendue jusqu’à ce jour ? Des concertations en cours ? Avec les magistrats, les avocats de la défense, les familles des illustres disparus ou avec les commanditaires du double assassinat ? Selon la Radio Okapi , le ministre n’a donné aucune précision là-dessus. Même s’il a pu ajouter, parlant du procès, que « la justice a été au rendez-vous ». Le 31 mai, un autre ministre, Maker Mwangu Fwamba, déclare que « près de 5 millions d’enfants et d’adolescents vivent en dehors du système scolaire en RDC ». 18000 Congolais(es) en prison et plus de la moitié en attente de jugement. 5000.000 non-scolarisés. Apparemment, aucun lien ne peut être établi entre les deux phénomènes. Comme aucun lien ne peut être établi entre le silence assourdissant ayant suivi la publication de ces informations. Même dans les milieux politiques dits de l’opposition. C’est tout simplement révoltant ! Plus de 9000 Congolais(es) dans les prisons officielles du pays, sans jugement, cela s’appelle atteinte à la dignité et à la liberté humaine. Cela d’autant plus que plusieurs y sont depuis très plusieurs années. Il y a là une forme d’esclavage moderne dont les pays champions du respect des droits de l’homme ne parlent presque pas. Qu’un ministre dit de la Justice et des Droits Humains en parle comme s’il s’agissait d’un fait divers, cela constitue une insulte à l’intelligence politique des Congolais(es). (Mais le fait qu’ils se soient enfermés dans le silence interpelle. La campagne électorale ne semble pas laisser beaucoup de place aux réflexions quotidiennes sur ces questions liées aux droits et libertés civiques et politiques !) Et puis, plus de 9000, c’est le nombre officiel de compatriotes se retrouvant dans les prisons officielles. Sans jugement. Un éventuel contrôle indépendant pourrait multiplier ce chiffre par deux. Si nous y ajoutons tous nos compatriotes enfermés dans les prisons officieuses ou victimes des exécutions extrajudiciaires, nous en arrivons à au moins 1 ou 2/10ème de Congolais(es) emprisonnés ou trucidés sans jugement. Ajoutons à ce nombre ceux et celles d’entre nous enfermés loin des lieux du savoir écrire et lire (5000.000). Nous avons 4 ou 5/10ème de Congolais(es) en prison. Ajoutons-y ceux et celles d’entre nous qui, par manque d’opportunité économiques, vivent dans les prisons de la soif et de la faim. Nous arrivons à un chiffre très élevé de Congolais(es) emprisonnés, c’est-à-dire privés des conditions élémentaires de la réalisation de leurs capacités ; des capacités pouvant leur permettre d’être simplement humains ; et citoyens. Cela pendant que certains bandits de grand chemin sont aux commandes des affaires de la cité ; à la tête de l’armée, au gouvernement ou dans les entreprises publiques ! Malheureusement, ces questions ne font pas partie de la campagne des partisans des cinq chantiers et même pas de ceux qui estiment constituer l’alternative pour demain. Comment peut-on, en conscience, demander aux « prisonniers », enfermés dans leurs chaînes, d’aller poser un acte digne des citoyens, c’est-à-dire des individus, des membres d’une société entendue comme lieu de coopération et d’échange, jouissant d’un minimum de leurs droits et libertés civiques et politiques ? N’y a-t-il pas un acte préalable à poser avant cet acte citoyen ? Briser les chaînes ? D’abord les chaînes de l’ignorance, de ce qui a mangé nos cœurs et nos esprits au point de nous faire croire que nous n’avons droit ni au respect, ni à la liberté, ni à la dignité humaine. Agir en citoyen exige un minimum d’informations sur les enjeux politiques. D’où l’importance de savoir lire, écrire et écouter (les informations et les débats) afin de mieux y participer ; être capable d’un minimum d’esprit critique en marge de la fabrication partisane du consentement. Or, à voir le nombre de nos analphabètes et de nos analphabétisés, nous semblons être loin du compte. Donc, à moins d’un miracle, objectivement parlant, les meilleurs choix pour une véritable alternative chez nous feront défaut en 2011. Nous disons bien : « Les meilleurs choix pour une véritable alternative », c’est-à-dire un changement de qualité des rapports de force en faveur des nos millions de « prisonniers ». Toute l’agitation observée dans le microcosme politique congolais depuis l’annonce des élections probables de novembre 2011 ne semble pas convaincante. Tout le monde (ou presque) court derrière les acteurs majeurs de notre emprisonnement collectif. Les discours au cours desquels les uns crient plus fort que les autres sont en train de prendre l’orientation tribaliste et ethniciste. On a beau dire qu’on veut désormais se livrer au débat d’idées et non à la promotion des individus, rien n’y fait. Ces propos hypocrites cachent mal les coups bas et le vide idéologique de plusieurs partis politiques congolais. Le manque de moyens de leur politique et/ou l’usage abusif des moyens de l’Etat finissent par conduire « leurs chefs » à se prosterner devant Mammon. A n’importe quel prix. Et quel que soit les convictions politiques de ses serviteurs. « Chance eloko pamba », dit-on. Quand Yerodia Aboudoulaye Ndombasi, l’ex-compagnon de L.D. Kabila intervient dans le film intitulé « Meurtres à Kinshasa. Qui a tué Laurent-Désiré Kabila », il avoue, sans ambages, que plusieurs compatriotes détenus à Makala au sujet de cette affaire sont des innocents. Nous avons tous suivi ce film et rien ne s’est passé après. Tous ces innocents croupissent encore en prison. Cet exemple prouve que nous avons, dans la classe politique congolaise actuelle, des témoins des arrestations arbitraires qui, pour sauver leur bufteck, se taisent là-dessus. Mais combien de nos compatriotes savent que ces lâches irresponsables vont bientôt briguer un nouveau mandat politique ? Combien ? Il est possible que l’éducation civique et la campagne électorale aident à l’éveil des consciences. Pourvu que cette éducation civique soit suivie et fonctionnelle et que la campagne électorale aborde les questions liées aux véritables enjeux de notre emprisonnement. Et puis, l’éveil des consciences est une chose ; la mise à la disposition de nos analphabètes et de nos analphabétisés des capacités élémentaires de leur autonomie humaine en est une autre. Certaines éveilleuses et certains éveilleurs des consciences devront entre autres s’attendre à cette question : « Maman, Papa boyeli biso nini ? » (Mama, Papa, que nous avez-vous apporté ?) Kaka maloba ya pamba ? Tokoliya maloba ? (Rien d’autres que des paroles ? Est-ce les paroles que nous mangerons ? » Comment arriver, à travers cet éveil des consciences, à convaincre que la nourriture ne doit pas être « un cadeau » ponctuel mais le fruit du travail bien fait et/ ou bien rémunéré. Et que l’humain ne doit pas vivre simplement de pain ? Comment y arriver dans un pays où la lutte politicienne pour manger a pris la place de la lutte politique pour le service collectif de la cité ? Comment ? Il y a du boulot pour ceux et celles d’entre nous qui ont fait du service collectif de la cité congolaise leur raison de vivre et de mourir… Cette lutte-là prend du temps. Le temps qu’exige la brisure des pires de nos chaînes : celles forgées dans nos cœurs et dans nos esprits au point de faire de nous des esclaves. Ce temps n’est pas celui des probables élections de 2011. Il est celui de la culture permanente de nos âmes. Par jean-pierre Mbelu Congoone |
jeudi 9 juin 2011
RDC : Plus de 9000 prisonniers sans jugement et 5000.000 d’analphabètes !
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