jeudi 5 juillet 2012

Le noble destin des déchets urbains de la ville de Kinshasa


le 5 juillet 2012.



La décision de l’autorité urbaine de détruire les constructions anarchiques dans certains quartiers de Kinshasa a suscité émoi et émotion au sein de l’opinion au point que le gouverneur Kimbuta a présenté des excuses pour les cas de dérapage constatés au cours de l’opération tout en expliquant le bien-fondé de la mesure.

Cet épisode dans la gestion de la capitale Kinshasa est une occasion d’aborder un problème fondamental, à savoir la nécessité de valoriser les déchets de la ville.

L’élimination des déchets urbains est un problème environnemental créé par le développement industriel, social, démographique et géographique de la ville de Kinshasa, par l’accroissement de la production dû à l’activité industrielle et à l’extension géo-démographique, entraînant une augmentation conséquente et importante de la quantité de déchets urbains et industriels.

La préservation de l’environnement par l’élimination des ordures ménagères soulève la question de la disparition et de la revalorisation des déchets urbains.

La décision de l’autorité urbaine de détruire certaines constructions pour diverses raisons (anarchies, normes urbanistiques, insalubrité) est à situer dans ce contexte.

Quatre voies peuvent êtres envisagées comme solutions au problème de déchets urbains : la transformation des résidus en compost commercialisable ; la transformation des résidus en énergie par la combustion ; l’extraction des ferrailles contenues dans les ordures brutes qui peuvent être commercialisés ou employées autrement ; la production de l’éthanol, un combustible liquide, à partir des immondices avec 2 possibilités d’exploitation, notamment son utilisation comme combustible et sa substitution à l’alcool de synthèse.

La revalorisation de cette ressource, disponible localement et immédiatement, diminue la part de nos produits d’importation et représente donc un gain en devises. Le cas du Brésil pourrait nous inspirer utilement. D’où, l’intérêt à bien connaître la nature des composantes de déchets pour une meilleure exploitation.

Les déchets de la ville de Kinshasa sont composés de : matériaux inertes et non fermentescibles comme la ferraille, les plastiques, les chiffons, le cuir, les verres, les cailloux ; matières hydrocarbonées telles que les déchets de cuisine ; matières cellulosiques comme le squelette de végétaux, le papier, le carton.

Ces déchets présentent deux caractéristiques essentielles, à savoir les matières organiques putrescibles représentant 50 à 70% dont les 2/3 sont biodégradables, avec une teneur en eau de 30 à 40%.

Avec ses 5 000 tonnes de déchet par jour, Kinshasa a un potentiel d’exploitation non négligeable, soit par thermochimie soit par voie biochimique en fonction du coût d’investissement ou de la pollution.

Du point de vue thermochimique, trois procédés sont possibles : la combustion directe qui consiste tout simplement à transformer l’énergie d’incinération en électricité. Ce procédé présente 2 types d’inconvénients : d’une part, la difficulté inhérente au caractère hétéroclite des déchets comme la dimension des éléments constitutifs, la différence de compacité avec comme conséquence l’inégalité de temps de combustion, d’autre part, les effets indésirables comme la présence des imbrûlés dans la fumée ou la formation des mâchefers, c’est-à-dire de scories poreuses.

Cependant, au lieu de brûler les ordures telles quelles, on pourrait les utiliser pour fabriquer des produits de présentation homogène commercialisable dans le marché de récupération.

La pyrolyse qui consiste à obtenir la décomposition chimique par chauffage à l’abri de l’air dans une enceinte appelée réacteur. Elle produit des résidus solides et des produits volatiles. La production du méthanol permet de convertir les déchets en carburant noble.

Certains procédés de valorisation de déchets par voie. biochimique comme la fermentation méthanique, qui produit un carburant gazeux, présentent des risques de nuisance à savoir explosion, odeur, destruction de plantation, d’autres, comme le compostage, c’est-à-dire la transformation des déchets en humus présentent des avantages certains notamment l’amélioration de la structure du sol et sa capacité à retenir l’eau.

Tous biens considérés, il s’avère que les déchets urbains, dont les immondices, sont une matière manifestement nuisible mais aussi hautement valorisable à condition de faire une séparation préalable de déchets cellulosiques des autres déchets.

Un certain nombre de dispositions pratiques s’imposent pour opérer la sélection à partir des ménages et d’autres lieux de production et la collecte en fonction de l’utilisation finale.

Du point de vue de la valorisation des déchets urbains, l’autorité compétente devrait entourer la décision de destruction de quelques mesures pratiques d’encadrement aussi bien en amont qu’en aval.

En amont, force est d’identifier au préalable les lieux à détruire, de tenir la liste des propriétaires, tenanciers et gérants, d’adresser à chacun une convocation individuelle, prévoir, en même temps que les engins de démolition, les véhicules d’évacuation pour ne pas transformer ces sites en repères de criminels ou autres marginaux, et en foyer de maladies surtout pendant la saison des pluies.

En aval, il y a lieu de prévoir les sites de dépôt, d’élimination et de valorisation.

Enfin, compte tenu de l’impact traumatisant et de retombées sociales d’une telle décision dans l’opinion, il faudrait distinguer les constructions anarchiques donc non indemnisables, des constructions érigées sur la base de documents délivrés indûment par les agents de l’Etat et de celles qui ont des documents en bonne et due forme.

Ces deux dernières catégories devraient être indemnisées, les agents ayant délivré de faux documents devraient être sanctionnés. Un tel comportement de la part des autorités compétentes serait perçu comme équitable par l’opinion et par la population qui s’en prendraient alors soit aux agents fautifs, soit à elle-même.

L’autorité compétente pourrait ainsi atteindre le résultat escompté, à savoir le respect de la loi et la vigilance citoyenne vis-à-vis des escrocs de tous bords. Bref, le changement de mentalité caractéristique de la nouvelle citoyenneté préconisée par le président Kabila.

En effet, casser sans rendre ces lieux à leur état initial de conformité à la loi, à l’hygiène et aux normes urbanistiques serait contre productif dans l’opinion, à cause des actes de méchanceté qui ont caractérisé cette opération d’une part, du spectacle désolant et traumatisant consécutif à cette opération d’autre part, au risque de causer un malentendu malencontreux avec la population et d’alimenter des rumeurs fantaisistes de toutes sortes.

Direct.cd
André-Alain Atundu Liongo

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