le mardi 4 septembre 2012
CIRGL et crise dans l’Est de la RDC
Pure distraction que de se rendre à Kampala pour une seconde réunion des chefs d’Etat de la CIRGL. Les dernières sorties de Kigali sont contraires aux recommandations formulées lors de la rencontre d’Addis-Abeba enjoignant Kinshasa et Kigali à adopter des attitudes d’apaisement.
Passant outre cette recommandation, Kigali multiplie des déclarations et manipulations afin de porter l’estocade sur Kinshasa en la mettant en porte en faux vis-à-vis de sa population.
Après le rendez-vous manqué du 9 août 2012, les dirigeants des pays membres de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) se retrouvent les 7 et 8 septembre à Kampala, capitale de l’Ouganda, pour lever une option définitive sur le déploiement d’une force internationale neutre dans la partie Est de la RDC.
Il s’agit pour les chefs d’Etat des pays membres de la CIRGL d’avaliser les conclusions du sous-comité des ministres de la Défense de la CIRGL qui a abouti, le 16 août 2012, au terme de trois jours de discussions à Goma, à une mouture d’opérationnalisation de cette force.
La nouvelle donne
Cependant, la nouvelle rencontre de Kampala se tient dans un contexte tout à fait particulier. Beaucoup de choses ont changé, entre-temps. C’est notamment ces révélations contenues dans la dernière interview de James Kabarebe, ministre rwandais de la Défense, publiée sur le blog de Colette Braeckman, journaliste au quotidien belge Le Soir.
L’autre fait de l’actualité qui aura sans doute des répercussions sur la deuxième rencontre de Kampala est le retrait annoncé à grande pompe par Kigali de ses forces spéciales, positionnées depuis les opérations conjointes de 2009 dans la partie Est de la RDC, essentiellement dans le territoire de Rutshuru.
Autant de pressions qui devaient influer sur la rencontre de Kampala 2. Dans quelles conditions Kinshasa pense-t-il aborder ce deuxième round de négociations ?
Va-t-il céder finalement au chantage de Kigali qui, apparemment, a fait monter les enchères avec les événements de ces derniers jours ? L’on ne sait de quelle manière Kinshasa entend intégrer cette nouvelle donne.
Toujours est-il que depuis dimanche, le gouvernement est en alerte maximale d’autant plus que l’offensive rwandaise vise directement l’opinion publique congolaise. En première ligne, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende, qui s’est exprimé sur les antennes de la télévision publique, le dimanche 2 septembre.
Il récidive 24 heures seulement après, afin de porter une voix plus audible à travers l’ensemble des organes de presse présents dans la capitale congolaise.
Preuve que les dernières sorties médiatiques du Rwanda, à l’occurrence celle de James Kabarebe et le retrait des troupes spéciales, ont été prises très au sérieux dans la capitale congolaise.
Loin d’une simple agitation, il s’agit maintenant de s’interroger sur la nouvelle ligne d’attaque que devait adopter Kinshasa pour accréditer devant ses pairs de la CIRGL la thèse d’une agression du Rwanda.
En fin stratège, le Rwanda est méticuleux dans ses agissements. Tout est calibré et chronométré. Il s’agit de prendre Kinshasa de court sur le terrain qu’il affectionne le plus, celui d’affirmer l’existence de l’agression dont le pays est victime de la part du voisin rwandais.
Or, pour Kigali, démontrer par des faits palpables la présence des troupes régulières rwandaises sur le territoire congolais, avant la création du Mouvement du M23, revient à démonter le socle sur lequel est construite l’accusation d’agression avancée par Kinshasa.
En retirant ses «officiers de renseignements» à grand renfort médiatique, Kigali tient à semer le grain du désamour entre les dirigeants congolais et leur opinion publique.
Sur le plan diplomatique, le coup de Kigali vise à infléchir la position des décideurs du monde, dont la fermeté est plus que perceptible à son égard. Ce pavé jeté dans la mare à quelques jours du deuxième round de la réunion de Kampala, relève d’une stratégie savamment ficelée depuis Kigali.
Un passe-temps inutile
Qu’attendre alors de Kampala 2 ? Tout dépend de l’attitude qu’affichera Kinshasa. Il s’agit de présenter des arguments de poigne qui chargeront davantage Kigali. Tout doit donc être mis en œuvre pour ne pas tomber dans le piège de Kigali.
En effet, le Rwanda n’a qu’un seul objectif : réduire à néant la thèse de l’agression de la RDC en prouvant l’existence d’un accord qui autorise depuis 2009 ses troupes à se déployer à l’intérieur des frontières de la RDC.
Ce sera le nouvel enjeu de la rencontre de Kampala. Suivre Kigali sur ce terrain revient à lui rendre l’initiative diplomatique perdue depuis un temps.
Et pourtant, tout est désormais clair comme l’eau de roche. En effet, depuis toujours, des négociations entamées pour, soi-disant, trouver une solution à la crise dans l’Est de la RDC n’ont été qu’une façon de gagner du temps.
Ces rendez-vous ont permis à Kigali de consolider ses moyens de défense. La RDC en sort généralement perdante à force de tout concéder pour obtenir, à tout prix la paix à l’intérieur des frontières nationales.
Les conclusions sorties de la réunion du sous-comité des experts de Goma le prouvent. S’agissant ainsi de la Force internationale neutre, « les ministres ont décidé qu’elle soit dotée du mandat de l’Union africaine et des Nations unies et comprenant les troupes des pays africains ». Pas un mot sur sa composition ainsi que son financement.
Mais, selon Alexandre Luba, vice-Premier ministre, ministre congolais de la Défense, cette force, supposée « neutre », devait être déployée à l’intérieur de la RDC, particulièrement dans quatre points situés à l’intérieur des frontières du Nord-Kivu.
Ce qui, dès le départ, la rend de plus en plus inopérante. Dans la mesure où, selon le principe arrêté à Addis-Abeba, cette force devait, en principe, être déployée aux frontières communes entre la RDC et le Rwanda.
La déployer à l’intérieur de la RDC, c’est passer outre les options levées à Addis-Abeba et en faire une force d’interposition, et non une force neutre.
Le schéma de Kigali
Pendant que Kinshasa se concentre sur les négociations menées au sein de la CIRGL, Kigali n’y a jamais porté son intérêt. James Kabarebe, son ministre de la Défense, du reste présent à la dernière réunion de Goma, l’a avoué subtilement à Colette Braeckman. Ses déclarations traduisent bien le désir de son gouvernement.
Lorsqu’on lui pose la question sur les «solutions possibles» dans l’Est de la RDC, il pense que «c’est aux Congolais qu’il appartient de les trouver.
Et aussi aux Etats membres de la Conférence internationale sur la sécurité dans les Grands Lacs, qui vont se revoir le 5 septembre (Ndlr : ce sera plutôt les 7 et 8 septembre) ».
Il enfonce, par la suite, le clou sur l’idée que le Rwanda se fait de la Force internationale neutre, convenue dans le cadre de la CIRGL. «Je ne suis pas sûr que la force neutre ne verra jamais le jour ». Il va jusqu’à donner ce qui va se passer, selon Kigali, comme solution de rechange.
«Par contre ce qui fonctionnera, poursuit-il, c’est le mécanisme conjoint de vérification, qui sera composé de trois représentants de chacun des Etats membres de la conférence ».
James Kabarebe en connaît même le format : « Le commandement sera exercé par l’Ouganda, le numéro deux sera originaire de Brazzaville, les autres viendront de la RDC, du Rwanda, du Burundi, de l’Angola, de la Tanzanie… ».
Puis, son mandat : «Ces officiers vérifieront la frontière entre la RDC et le Rwanda, ils contrôleront aussi sur le terrain l’application du cessez-le-feu entre l’armée congolaise et le M23 et la présence des FDLR sur le terrain ».
Enfin, la finalité : «Tout cela en attendant l’éventuel déploiement de la force neutre. Si elle vient jamais… ». C’est tout dire.
Quant aux probables négociations avec le M23, James Kabarebe pense que «cela dépend de ce que décidera la conférence (Ndlr : Kampala)», niant de ce fait à Kinshasa toute initiative allant dans le sens de rechercher une solution interne par des mécanismes imaginés et pilotés par des Congolais eux-mêmes.
Pour l’instant, le ministre rwandais de la Défense est convaincu qu’«il faut laisser jouer les mécanismes régionaux».
Y a-t-il encore lieu d’attendre quelque chose de la deuxième réunion de Kampala ?
Pas du tout, en tout cas. C’est à tout de point de vue une distraction de plus pour faire endormir Kinshasa.
Le Potentiel
CIRGL et crise dans l’Est de la RDC
Pure distraction que de se rendre à Kampala pour une seconde réunion des chefs d’Etat de la CIRGL. Les dernières sorties de Kigali sont contraires aux recommandations formulées lors de la rencontre d’Addis-Abeba enjoignant Kinshasa et Kigali à adopter des attitudes d’apaisement.
Passant outre cette recommandation, Kigali multiplie des déclarations et manipulations afin de porter l’estocade sur Kinshasa en la mettant en porte en faux vis-à-vis de sa population.
Après le rendez-vous manqué du 9 août 2012, les dirigeants des pays membres de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) se retrouvent les 7 et 8 septembre à Kampala, capitale de l’Ouganda, pour lever une option définitive sur le déploiement d’une force internationale neutre dans la partie Est de la RDC.
Il s’agit pour les chefs d’Etat des pays membres de la CIRGL d’avaliser les conclusions du sous-comité des ministres de la Défense de la CIRGL qui a abouti, le 16 août 2012, au terme de trois jours de discussions à Goma, à une mouture d’opérationnalisation de cette force.
La nouvelle donne
Cependant, la nouvelle rencontre de Kampala se tient dans un contexte tout à fait particulier. Beaucoup de choses ont changé, entre-temps. C’est notamment ces révélations contenues dans la dernière interview de James Kabarebe, ministre rwandais de la Défense, publiée sur le blog de Colette Braeckman, journaliste au quotidien belge Le Soir.
L’autre fait de l’actualité qui aura sans doute des répercussions sur la deuxième rencontre de Kampala est le retrait annoncé à grande pompe par Kigali de ses forces spéciales, positionnées depuis les opérations conjointes de 2009 dans la partie Est de la RDC, essentiellement dans le territoire de Rutshuru.
Autant de pressions qui devaient influer sur la rencontre de Kampala 2. Dans quelles conditions Kinshasa pense-t-il aborder ce deuxième round de négociations ?
Va-t-il céder finalement au chantage de Kigali qui, apparemment, a fait monter les enchères avec les événements de ces derniers jours ? L’on ne sait de quelle manière Kinshasa entend intégrer cette nouvelle donne.
Toujours est-il que depuis dimanche, le gouvernement est en alerte maximale d’autant plus que l’offensive rwandaise vise directement l’opinion publique congolaise. En première ligne, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende, qui s’est exprimé sur les antennes de la télévision publique, le dimanche 2 septembre.
Il récidive 24 heures seulement après, afin de porter une voix plus audible à travers l’ensemble des organes de presse présents dans la capitale congolaise.
Preuve que les dernières sorties médiatiques du Rwanda, à l’occurrence celle de James Kabarebe et le retrait des troupes spéciales, ont été prises très au sérieux dans la capitale congolaise.
Loin d’une simple agitation, il s’agit maintenant de s’interroger sur la nouvelle ligne d’attaque que devait adopter Kinshasa pour accréditer devant ses pairs de la CIRGL la thèse d’une agression du Rwanda.
En fin stratège, le Rwanda est méticuleux dans ses agissements. Tout est calibré et chronométré. Il s’agit de prendre Kinshasa de court sur le terrain qu’il affectionne le plus, celui d’affirmer l’existence de l’agression dont le pays est victime de la part du voisin rwandais.
Or, pour Kigali, démontrer par des faits palpables la présence des troupes régulières rwandaises sur le territoire congolais, avant la création du Mouvement du M23, revient à démonter le socle sur lequel est construite l’accusation d’agression avancée par Kinshasa.
En retirant ses «officiers de renseignements» à grand renfort médiatique, Kigali tient à semer le grain du désamour entre les dirigeants congolais et leur opinion publique.
Sur le plan diplomatique, le coup de Kigali vise à infléchir la position des décideurs du monde, dont la fermeté est plus que perceptible à son égard. Ce pavé jeté dans la mare à quelques jours du deuxième round de la réunion de Kampala, relève d’une stratégie savamment ficelée depuis Kigali.
Un passe-temps inutile
Qu’attendre alors de Kampala 2 ? Tout dépend de l’attitude qu’affichera Kinshasa. Il s’agit de présenter des arguments de poigne qui chargeront davantage Kigali. Tout doit donc être mis en œuvre pour ne pas tomber dans le piège de Kigali.
En effet, le Rwanda n’a qu’un seul objectif : réduire à néant la thèse de l’agression de la RDC en prouvant l’existence d’un accord qui autorise depuis 2009 ses troupes à se déployer à l’intérieur des frontières de la RDC.
Ce sera le nouvel enjeu de la rencontre de Kampala. Suivre Kigali sur ce terrain revient à lui rendre l’initiative diplomatique perdue depuis un temps.
Et pourtant, tout est désormais clair comme l’eau de roche. En effet, depuis toujours, des négociations entamées pour, soi-disant, trouver une solution à la crise dans l’Est de la RDC n’ont été qu’une façon de gagner du temps.
Ces rendez-vous ont permis à Kigali de consolider ses moyens de défense. La RDC en sort généralement perdante à force de tout concéder pour obtenir, à tout prix la paix à l’intérieur des frontières nationales.
Les conclusions sorties de la réunion du sous-comité des experts de Goma le prouvent. S’agissant ainsi de la Force internationale neutre, « les ministres ont décidé qu’elle soit dotée du mandat de l’Union africaine et des Nations unies et comprenant les troupes des pays africains ». Pas un mot sur sa composition ainsi que son financement.
Mais, selon Alexandre Luba, vice-Premier ministre, ministre congolais de la Défense, cette force, supposée « neutre », devait être déployée à l’intérieur de la RDC, particulièrement dans quatre points situés à l’intérieur des frontières du Nord-Kivu.
Ce qui, dès le départ, la rend de plus en plus inopérante. Dans la mesure où, selon le principe arrêté à Addis-Abeba, cette force devait, en principe, être déployée aux frontières communes entre la RDC et le Rwanda.
La déployer à l’intérieur de la RDC, c’est passer outre les options levées à Addis-Abeba et en faire une force d’interposition, et non une force neutre.
Le schéma de Kigali
Pendant que Kinshasa se concentre sur les négociations menées au sein de la CIRGL, Kigali n’y a jamais porté son intérêt. James Kabarebe, son ministre de la Défense, du reste présent à la dernière réunion de Goma, l’a avoué subtilement à Colette Braeckman. Ses déclarations traduisent bien le désir de son gouvernement.
Lorsqu’on lui pose la question sur les «solutions possibles» dans l’Est de la RDC, il pense que «c’est aux Congolais qu’il appartient de les trouver.
Et aussi aux Etats membres de la Conférence internationale sur la sécurité dans les Grands Lacs, qui vont se revoir le 5 septembre (Ndlr : ce sera plutôt les 7 et 8 septembre) ».
Il enfonce, par la suite, le clou sur l’idée que le Rwanda se fait de la Force internationale neutre, convenue dans le cadre de la CIRGL. «Je ne suis pas sûr que la force neutre ne verra jamais le jour ». Il va jusqu’à donner ce qui va se passer, selon Kigali, comme solution de rechange.
«Par contre ce qui fonctionnera, poursuit-il, c’est le mécanisme conjoint de vérification, qui sera composé de trois représentants de chacun des Etats membres de la conférence ».
James Kabarebe en connaît même le format : « Le commandement sera exercé par l’Ouganda, le numéro deux sera originaire de Brazzaville, les autres viendront de la RDC, du Rwanda, du Burundi, de l’Angola, de la Tanzanie… ».
Puis, son mandat : «Ces officiers vérifieront la frontière entre la RDC et le Rwanda, ils contrôleront aussi sur le terrain l’application du cessez-le-feu entre l’armée congolaise et le M23 et la présence des FDLR sur le terrain ».
Enfin, la finalité : «Tout cela en attendant l’éventuel déploiement de la force neutre. Si elle vient jamais… ». C’est tout dire.
Quant aux probables négociations avec le M23, James Kabarebe pense que «cela dépend de ce que décidera la conférence (Ndlr : Kampala)», niant de ce fait à Kinshasa toute initiative allant dans le sens de rechercher une solution interne par des mécanismes imaginés et pilotés par des Congolais eux-mêmes.
Pour l’instant, le ministre rwandais de la Défense est convaincu qu’«il faut laisser jouer les mécanismes régionaux».
Y a-t-il encore lieu d’attendre quelque chose de la deuxième réunion de Kampala ?
Pas du tout, en tout cas. C’est à tout de point de vue une distraction de plus pour faire endormir Kinshasa.
Le Potentiel
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