mardi 18 septembre 2012

Sommet de la Francophonie à Kinshasa : piège et malaise

Jeudi, 30 Août 2012  

Machine politique et géopolitique


Dans son opuscule intitulée «La Francophonie: Nébuleuse lumineuse et Cour des Grands», publiée à Kinshasa, le 20 novembre 2010, M. T. Lukusa Menda, professeur bien connu de I’Université Pédagogique Nationale (UPN), qualifie justement la Francophonie de « nébuleuse lumineuse ».
Elle est une machine politique, dans ce sens qu’elle « est un des instruments de la politique étrangère de la France. En cette qualité, elle est au service de la survie d’une langue qui se sent menacée, mais qui est l’élément le plus important de l’identification de la nation française et de quelques autres communautés culturelles qui s’en réclament à travers le monde. ».
Comme machine géopolitique, « dans les hautes sphères où les Grands de ce monde jouent à la démocratie, la Francophonie donne du poids à la France, arbre qui cache sa forêt. Elle lui permet d’infléchir les décisions dans un sens ou dans un autre. »
Poursuivant sa réflexion, le Professeur Lukusa Menda enchaîne en disant que le «  projet de la Francophonie n’est pas exempt d’une volonté de puissance... C’est une espèce de Voie Lactée dont la France serait le Soleil et les autres pays développés, autant des grandes Etoiles... (Il s’agit de la Belgique, du Canada et de la Suisse.)
... Y a-t-il une culture de la Francophonie au Congo?, se demande Lukusa.
La République Démocratique du Congo est réputée premier pays francophone par sa superficie (2 344 885 km2), deuxième par sa population (60 800 000 h) après la France (65 027 000). « Cependant, le pays n’a jamais profité de ce poids géographique et démographique au sein de la Francophonie pour la solution de ses problèmes. »...
... « Comment la France, qui siège au Club des Cinq (G5) puis des Vingt (G20), a-t-elle pu laisser assassiner un chef d’Etat d’un pays francophone de la manière dont cela est arrivé à L.-D. Kabila ? »
Et le Professeur Lukusa Menda de conclure en posant cette question : « Et puisque les Etats n’ont pas d’état d’âme, ils n’ont que des intérêts, qu’est-ce que le Congo gagne, en tant que pays, à jouer dans la Cour des Grands de la Francophonie, si à chaque traquenard de l’histoire, les amis se constituent en observateurs impartiaux de ses malheurs ? »
Du bon usage de la Francophonie

Pour notre part, nous avons toujours pensé que la Francophonie est un idéal communautaire qui est parti d’un rêve pour devenir une réalité qui couvre ou qui a l’ambition de couvrir tous les peuples parlant français.
Mais les Congolais, les gouvernants en particulier, ne prennent pas suffisamment le temps d’y réfléchir, préoccupés, sans doute, par les avantages matériaux et moraux qu’ils peuvent tirer de la coopération dite francophone.
«Du bon usage de la Francophonie : tel est le titre du livre, combien pertinent, du professeur Guy Ossito Midiohonah de I’Université du Bénin. On y trouve dévoilés les « dessous des cartes du mouvement francophone » et aussi la divulgation d’une « forme de recolonisation, d’assimilation et d’aliénation. »
Pour cet auteur, la Francophonie a été mise en place à travers les mêmes organes qui ont servi à noyauter l’idée du panafricanisme prônée par Kwame Nkrumah. C’est, poursuit-il, à travers ces organismes qu’on est arrivé à noyauter également les intellectuels africains tels que Hamani Diori, Houphouët Boigny, Senghor et Bourguiba.
Eux ont porté « I’idée de la Francophonie » sur les fonts baptismaux.
Eux ont fait développer l’idée et I’ont mise en pratique concurremment avec l’idée de I’unité africaine.
Eux, enfin, ont inauguré les faits de la protection des intérêts multiples de la mère de la Francophonie.
« La Culture, écrit G. Ossitoo, a toujours fonctionné dans notre histoire comme un attrape-nigaud, voire un attrape-négro. » Fort heureusement, nombreux sont les Congolais qui, à I’intérieur du mouvement francophone, commencent à ne plus connaître la « francité » uniformisante.
Si les Canadiens-Québécois militent au sein de la Francophonie, c’est entre autres pour des raisons évidentes et bien compréhensibles. Il s’agit, pour eux, de s’identifier et de s’auto-authentifier face à une culture anglophone nord-américaine trop envahissante.
Si les Belges encouragent et illustrent le mouvement, c’est, entre autres, pour des raisons de leur situation linguistique particulière. Et les exemples sont nombreux à ce sujet. 
Mais le vécu quotidien des Congolais pousse à se demander à quoi sert la Francophonie. Et quel est I’apport des Congolais dans la Francophonie ?
Pas grand-chose ! Bien au contraire, à I’intérieur de cet « idéal communautaire », on achète pour eux, on leur donne, on partage avec eux. On est en face d’un larbinisme (esclavagisme) aux conséquences psychosociales incalculables.
Il est donc plus que temps que les Congolais francophones, à I’intérieur de la Francophonie mondialisante, assument et gèrent leur propre histoire. Avant d’illustrer et défendre le « destin de la Francophonie », ils doivent réfléchir sur le « destin congolais », car « l’avenir n’est pas un destin aveugle ».
La langue française, il faut le dire, n’appartient plus aux Français seuls. Elle est devenue, par l’histoire et le contact des civilisations, notre patrimoine.
Nous avons toujours pensé que les Congolais doivent parler le français au Congo et comprendre que I’unicité de la langue n’est pas la marque d’un quelconque développement.
La langue, ne l’oublions pas, est un simple outil de communication. C’est ce qu’elle véhicule qui importe. Si le français est politiquement la langue officielle au Congo, sociologiquement les langues congolaises sont dominantes et elles sont porteuses de la culture identitaire congolaise.
Fort heureusement qu’aujourd’hui, plusieurs Congolais sont bien loin de leurs aînés qui se comportaient comme des « peaux noires masques blancs » qu’a «dénoncé I’auteur de Damnés de la terre».
Professeur Kambayi Bwatshia

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