Rapport accablant sur les exactions du régime Kabila et des rebelles.
C'est un constat mais, surtout, un chef d'accusation.
«Nos vies ne valent rien», a résumé hier le président de l'Association africaine de défense des droits de l'homme (Asadho), Guillaume Ngefa, en présentant le rapport annuel de son organisation sur la situation au Congo-Kinshasa, intitulé Le pouvoir à tout prix. Répression systématique et impunité.
En 1998, l'Asadho a recensé «une cinquantaine de massacres», dont certains ont coûté la vie à plusieurs centaines de civils, tués à la machette ou mitraillés. «80% de ces massacres ont été commis par les rebelles et leurs alliés, les armées du Rwanda et de l'Ouganda, a expliqué Guillaume Ngefa.
Un peu plus de 10% par l'armée congolaise, et le reste par des milices.» Face à ces «crimes de guerre et crimes contre l'humanité», la communauté internationale fait preuve d'une coupable inertie. «On est loin du Kosovo. Nous ne sommes pas des Blancs à proximité, a regretté le président de l'Asadho. Il y a là deux poids, deux mesures.»
Le régime de Laurent-Désiré Kabila, le successeur de Mobutu qui a pris le pouvoir à Kinshasa en mai 1997, et la «rébellion d'essence externe» qui, depuis août dernier, sert de paravent à la conquête de l'Est par les armées rwandaise et ougandaise, sont renvoyés dos à dos.
De part et d'autre, l'Asadho relève «l'usage du massacre pour étouffer toute contestation», le règne de l'arbitraire qui se solde par «un vide du droit», des crimes économiques à grande échelle.
«Les uns et les autres s'achètent des villas en Belgique ou en Afrique du Sud alors que la population, quand elle ne fait pas directement les frais de la guerre, risque de mourir de faim.»
Le gouvernement et les «rebelles» se livrent à la chasse aux journalistes et aux militants des droits de l'homme. En 1998, côté gouvernemental, 98 reporters étrangers et, surtout, locaux ont été arrêtés. Côté rebelles, les journalistes sont triés sur le volet et ne peuvent pas travailler librement dans la zone occupée où, l'an passé, deux membres d'organisations pour la défense des droits de l'homme ont été assassinés.
Dans tout le pays, l'Asadho, affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), est contrainte au travail clandestin.
Au régime instauré par Kabila, le rapport reproche en particulier la création d'une Cour d'ordre militaire, dont plus de 90 sentences capitales ont été exécutées en public depuis un an. Ce tribunal d'exception juge jusqu'aux «dissidents» dont le seul crime consiste à avoir participé, à l'étranger, à des tables rondes de réconciliation.
«La justice est en réalité administrée par le chef de l'Etat, certains de ses ministres ainsi que les services de sécurité», désormais une dizaine, dont la Détection militaire des activités «antipatrie»" Des comités de base et autres organes du «pouvoir populaire» contribuent à la mise en place d'une «répression informelle».
L'Asadho dénonce aussi l'existence d'un «centre d'exécutions nommé "Alpha, situé non loin de Kinshasa».
Les «armées sans frontières» du Rwanda et de l'Ouganda sont accusées de nombreux massacres, dont le dernier en date 85 morts selon l'Asadho, «quelque 200» selon le rapporteur spécial de l'ONU a eu lieu dans le Sud Kivu, il y a une semaine.
Ultimes témoins, les religieux dans l'Est sont la cible d'agressions, qui donnent «l'impression d'une action concertée». Des jeunes sont enrôlés de force et des prisonniers «déportés» au Rwanda ou en Ouganda.
Le rapport s'achève sur un appel à la communauté internationale pour une «diplomatie agressive» aussi bien à l'égard du régime Kabila que du Rwanda et de l'Ouganda, dont les troupes se trouvent désormais à «plus de 1000 km» de leurs frontières et dont «les tendances hégémoniques, basées sur la suprématie ethnique, entretiennent l'aversion des autres ethnies de la région contre les Tutsis».
SMITH Stephen
Libération
C'est un constat mais, surtout, un chef d'accusation.
«Nos vies ne valent rien», a résumé hier le président de l'Association africaine de défense des droits de l'homme (Asadho), Guillaume Ngefa, en présentant le rapport annuel de son organisation sur la situation au Congo-Kinshasa, intitulé Le pouvoir à tout prix. Répression systématique et impunité.
En 1998, l'Asadho a recensé «une cinquantaine de massacres», dont certains ont coûté la vie à plusieurs centaines de civils, tués à la machette ou mitraillés. «80% de ces massacres ont été commis par les rebelles et leurs alliés, les armées du Rwanda et de l'Ouganda, a expliqué Guillaume Ngefa.
Un peu plus de 10% par l'armée congolaise, et le reste par des milices.» Face à ces «crimes de guerre et crimes contre l'humanité», la communauté internationale fait preuve d'une coupable inertie. «On est loin du Kosovo. Nous ne sommes pas des Blancs à proximité, a regretté le président de l'Asadho. Il y a là deux poids, deux mesures.»
Le régime de Laurent-Désiré Kabila, le successeur de Mobutu qui a pris le pouvoir à Kinshasa en mai 1997, et la «rébellion d'essence externe» qui, depuis août dernier, sert de paravent à la conquête de l'Est par les armées rwandaise et ougandaise, sont renvoyés dos à dos.
De part et d'autre, l'Asadho relève «l'usage du massacre pour étouffer toute contestation», le règne de l'arbitraire qui se solde par «un vide du droit», des crimes économiques à grande échelle.
«Les uns et les autres s'achètent des villas en Belgique ou en Afrique du Sud alors que la population, quand elle ne fait pas directement les frais de la guerre, risque de mourir de faim.»
Le gouvernement et les «rebelles» se livrent à la chasse aux journalistes et aux militants des droits de l'homme. En 1998, côté gouvernemental, 98 reporters étrangers et, surtout, locaux ont été arrêtés. Côté rebelles, les journalistes sont triés sur le volet et ne peuvent pas travailler librement dans la zone occupée où, l'an passé, deux membres d'organisations pour la défense des droits de l'homme ont été assassinés.
Dans tout le pays, l'Asadho, affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), est contrainte au travail clandestin.
Au régime instauré par Kabila, le rapport reproche en particulier la création d'une Cour d'ordre militaire, dont plus de 90 sentences capitales ont été exécutées en public depuis un an. Ce tribunal d'exception juge jusqu'aux «dissidents» dont le seul crime consiste à avoir participé, à l'étranger, à des tables rondes de réconciliation.
«La justice est en réalité administrée par le chef de l'Etat, certains de ses ministres ainsi que les services de sécurité», désormais une dizaine, dont la Détection militaire des activités «antipatrie»" Des comités de base et autres organes du «pouvoir populaire» contribuent à la mise en place d'une «répression informelle».
L'Asadho dénonce aussi l'existence d'un «centre d'exécutions nommé "Alpha, situé non loin de Kinshasa».
Les «armées sans frontières» du Rwanda et de l'Ouganda sont accusées de nombreux massacres, dont le dernier en date 85 morts selon l'Asadho, «quelque 200» selon le rapporteur spécial de l'ONU a eu lieu dans le Sud Kivu, il y a une semaine.
Ultimes témoins, les religieux dans l'Est sont la cible d'agressions, qui donnent «l'impression d'une action concertée». Des jeunes sont enrôlés de force et des prisonniers «déportés» au Rwanda ou en Ouganda.
Le rapport s'achève sur un appel à la communauté internationale pour une «diplomatie agressive» aussi bien à l'égard du régime Kabila que du Rwanda et de l'Ouganda, dont les troupes se trouvent désormais à «plus de 1000 km» de leurs frontières et dont «les tendances hégémoniques, basées sur la suprématie ethnique, entretiennent l'aversion des autres ethnies de la région contre les Tutsis».
SMITH Stephen
Libération
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