L'offensive de Ñuul Kukk contre le blanchiment de la peau au Sénégal prend la forme d'affiches dans les rues de la capitale, à Dakar, le 10 octobre 2012.
AFP PHOTO / SEYLLOU
Difficile d’y échapper, de larges panneaux publicitaires ont fleuri un peu partout au Sénégal depuis l’été dernier, vantant les mérites d’une crème soi-disant miracle, le Khess Petch. Cette préparation promet d’éclaircir les peaux noires en quinze jours, photos « avant-après » à l’appui. Une publicité qui scandalise bien des Sénégalais qui ripostent avec le mouvement Ñuul Kukk.
Les promoteurs de la dépigmentation n’ont toujours pas dit leur dernier mot, comme ont pu le voir notamment les habitants de Dakar ces derniers mois. De grands panneaux publicitaires vantant les effets d’une crème dépigmentante, le Khess Petch, « Toute blanche » en wolof, ont envahi les artères de la capitale sénégalaise.
Promettant une « action rapide » avec des résultats obtenus « en quinze jours », le fabricant prend soin d’illustrer son propos avec la photo d’une jeune beauté noire au teint d’albâtre censée prouver l’efficacité du Khess Petch.
Cette campagne publicitaire en faveur de la dépigmentation a fait bondir Aisha Dème, responsable du portail culturel Agendakar.com. « Cela nous a scandalisés », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse, estimant que la campagne publicitaire sous-entendait que le Noir n’était pas beau puisqu’il fallait modifier « et vite, en quinze jours » sa couleur de peau. La riposte n’a donc pas traîné.
Affiche contre affiche
Il ne suffit pas de dire que la femme noire est belle, il faut la montrer. Et c’est ce que Aisha Dème a fait avec un collectif d’amis en lançant Ñuul Kukk, ce qui veut dire « Tout(e) noir(e) » en wolof.
Prenant le contre-pied de la publicité qui prône le blanchiment, le groupe parsème à son tour Dakar d’affiches montrant une magnifique femme noire. Le photographe de mode Stéphane Tourné, associé à des professionnels de la publicité, a « gracieusement » contribué à cette riposte.
Plusieurs artistes sénégalais comme le rappeur Keyti ou la styliste Dior Lô ont appuyé de leur notoriété la militante des droits des femmes Kiné Fatim Diop et la dermatologue Fatimata Ly, qui luttent inlassablement contre le blanchiment artificiel de la peau depuis une décennie au sein de l’Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (Aiida).
Tous sont très présents sur les réseaux sociaux et sur internet, où ils ont créé un site dédié à leur action anti-blanchiment, qu’on appelle d’ailleurs « khessal » au Sénégal.
Les animateurs du mouvement Ñuul Kukk sont conscients d’avoir affaire à forte partie. La puissance des marchands de produits cosmétiques dépigmentants pèse de tout son poids au Sénégal, malgré une réglementation restrictive, comme dans plusieurs pays d’Afrique noire.
La diaspora n’échappe pas non plus à l’illusoire tentation de s’éclaircir la peau ; de nombreux produits (interdits) peuvent en effet être achetés sur des marchés parisiens notamment.
Une femme sur deux en est malade
Le combat s’avère difficile, tant est ancrée profondément l’idée selon laquelle la peau claire serait un critère de beauté supérieur à la peau sombre. Et cette croyance semble avoir de beaux jours devant elle au Sénégal.
Selon l’association Aiida, « la dépigmentation artificielle par les corticoïdes a une prévalence élevée au Sénégal, de l’ordre de 67% ». « Pour se faire belles », deux femmes sur trois sont prêtes à s’empoisonner. Et il est d’autant plus facile de le faire que tous ces produits éclaircissants sont faciles à se procurer et d’un prix assez accessibles.
S’ils éclaircissent plus ou moins la peau, mais jamais comme ils le prétendent, c’est au prix de nombreux effets secondaires que les dermatologues connaissent hélas trop bien. Tous ces cosmétiques sont bourrés de corticoïdes à haute dose qui ont pour premier effet d’amincir le derme avec pour résultat des taches, des brûlures ou encore des vergetures hypertrophiées.
Des préparations « maison » vont jusqu'à inclure de l’eau de javel, du peroxyde et même du mercure… Mis à part les dégâts esthétiques qu'occasionnent ces diverses mixtures, elles ont un effet dramatique sur la santé, en étant à l’origine d’hypertension artérielle, de diabète et plus généralement d’une moindre résistance aux infections. Sans compter les problèmes de cicatrisation qui peuvent dégénérer en catastrophes.
Ce constat dramatique ne dissuade pourtant pas les candidates au blanchiment, essentiellement parce qu’elles sont souvent inconscientes des risques encourus. Le mouvement Ñuul Kukk espère faire passer le message en menant ce que ses militants appellent « un combat pour la santé », puisque des complications médicales sont retrouvées chez plus de la moitié des utilisatrices des produits dépigmentants.
« Ce que nous prônons aujourd'hui, insiste Aisha Dème, c'est juste d'arrêter la dépigmentation. Qu'on arrête d'importer ces produits, de les vendre, qu'il n'y ait plus de publicité aussi scandaleuse. » « Cela va prendre le temps qu'il faudra, ça va être long, mais il faut se battre », dit-elle.
Promettant une « action rapide » avec des résultats obtenus « en quinze jours », le fabricant prend soin d’illustrer son propos avec la photo d’une jeune beauté noire au teint d’albâtre censée prouver l’efficacité du Khess Petch.
Cette campagne publicitaire en faveur de la dépigmentation a fait bondir Aisha Dème, responsable du portail culturel Agendakar.com. « Cela nous a scandalisés », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse, estimant que la campagne publicitaire sous-entendait que le Noir n’était pas beau puisqu’il fallait modifier « et vite, en quinze jours » sa couleur de peau. La riposte n’a donc pas traîné.
Affiche contre affiche
Il ne suffit pas de dire que la femme noire est belle, il faut la montrer. Et c’est ce que Aisha Dème a fait avec un collectif d’amis en lançant Ñuul Kukk, ce qui veut dire « Tout(e) noir(e) » en wolof.
Prenant le contre-pied de la publicité qui prône le blanchiment, le groupe parsème à son tour Dakar d’affiches montrant une magnifique femme noire. Le photographe de mode Stéphane Tourné, associé à des professionnels de la publicité, a « gracieusement » contribué à cette riposte.
Plusieurs artistes sénégalais comme le rappeur Keyti ou la styliste Dior Lô ont appuyé de leur notoriété la militante des droits des femmes Kiné Fatim Diop et la dermatologue Fatimata Ly, qui luttent inlassablement contre le blanchiment artificiel de la peau depuis une décennie au sein de l’Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (Aiida).
Tous sont très présents sur les réseaux sociaux et sur internet, où ils ont créé un site dédié à leur action anti-blanchiment, qu’on appelle d’ailleurs « khessal » au Sénégal.
Les animateurs du mouvement Ñuul Kukk sont conscients d’avoir affaire à forte partie. La puissance des marchands de produits cosmétiques dépigmentants pèse de tout son poids au Sénégal, malgré une réglementation restrictive, comme dans plusieurs pays d’Afrique noire.
La diaspora n’échappe pas non plus à l’illusoire tentation de s’éclaircir la peau ; de nombreux produits (interdits) peuvent en effet être achetés sur des marchés parisiens notamment.
Une femme sur deux en est malade
Le combat s’avère difficile, tant est ancrée profondément l’idée selon laquelle la peau claire serait un critère de beauté supérieur à la peau sombre. Et cette croyance semble avoir de beaux jours devant elle au Sénégal.
Selon l’association Aiida, « la dépigmentation artificielle par les corticoïdes a une prévalence élevée au Sénégal, de l’ordre de 67% ». « Pour se faire belles », deux femmes sur trois sont prêtes à s’empoisonner. Et il est d’autant plus facile de le faire que tous ces produits éclaircissants sont faciles à se procurer et d’un prix assez accessibles.
S’ils éclaircissent plus ou moins la peau, mais jamais comme ils le prétendent, c’est au prix de nombreux effets secondaires que les dermatologues connaissent hélas trop bien. Tous ces cosmétiques sont bourrés de corticoïdes à haute dose qui ont pour premier effet d’amincir le derme avec pour résultat des taches, des brûlures ou encore des vergetures hypertrophiées.
Des préparations « maison » vont jusqu'à inclure de l’eau de javel, du peroxyde et même du mercure… Mis à part les dégâts esthétiques qu'occasionnent ces diverses mixtures, elles ont un effet dramatique sur la santé, en étant à l’origine d’hypertension artérielle, de diabète et plus généralement d’une moindre résistance aux infections. Sans compter les problèmes de cicatrisation qui peuvent dégénérer en catastrophes.
Ce constat dramatique ne dissuade pourtant pas les candidates au blanchiment, essentiellement parce qu’elles sont souvent inconscientes des risques encourus. Le mouvement Ñuul Kukk espère faire passer le message en menant ce que ses militants appellent « un combat pour la santé », puisque des complications médicales sont retrouvées chez plus de la moitié des utilisatrices des produits dépigmentants.
« Ce que nous prônons aujourd'hui, insiste Aisha Dème, c'est juste d'arrêter la dépigmentation. Qu'on arrête d'importer ces produits, de les vendre, qu'il n'y ait plus de publicité aussi scandaleuse. » « Cela va prendre le temps qu'il faudra, ça va être long, mais il faut se battre », dit-elle.
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