lundi 18 février 2013

Lettre ouverte à Joseph Kabila


Monsieur,

Toute personne, digne fils ou fille de notre peuple, qui serait président de la République dans ce grand et beau pays, devrait se sentir fière de représenter une si grande nation, dotée de tous les atouts pour un destin fabuleux. En même temps, cet honneur se conjugue avec une exaltante responsabilité.

Sans doute, d’autres que moi vous ont-ils déjà dit tout le mal que le régime politique que vous incarnez fait subir au peuple congolais, et tout spécialement à nos enfants et à toute notre jeunesse. Notre espoir de demain.

Puissiez-vous prendre connaissance de ce qui se dit et se vit au sein de la population ? On le dit de plusieurs manières, parfois en murmurant, parfois en criant dans la rue, malheureusement vos sbires viennent la brutaliser, voire la tuer, car la famine et le désespoir ont gagné la plupart des foyers de nos villages, à travers tout le pays.

Quel contraste entre cette misère de la grande majorité des Congolais et l’opulence arrogante qu’affichent des gens de votre famille tant biologique que politique.

Conformément aux droits qui sont reconnus à tous les citoyens congolais par la Constitution (art. 27), je prends la liberté de vous adresser la présente recommandation, dont l’intitulé est appelé à dessein : «lettre ouverte». Les principaux motifs de cette lettre se fondent sur la lassitude de notre peuple à l’égard d’un système qui s’occupe de tout sauf de la finalité même de l’Etat.

A savoir : l’Homme. L’amélioration des conditions sociales de la population. «Ma première priorité, c’est la situation sociale», disiez-vous (voir «Le Soir» daté du 07.03.2001). L’absence de volonté politique et le manque d’initiatives favorables à notre peuple constituent vos signes particuliers. Voilà pourquoi, j’ai décidé de prendre la plume.

Commençons par le problème crucial des enfants. Ces derniers sont victimes de vos pasteurs illuminés des Eglises de réveil ou plutôt «du sommeil», qui, au lieu d’enseigner les préceptes bibliques et la culture de l’effort, préfèrent rouler pour vous en clamant que votre pouvoir vient de Dieu. A

utrement dit, la population doit souffrir sans rouspéter. Et pourtant votre administration ne lève même pas le petit doigt pour assurer une protection minimale à ces gosses. Ils errent dans la rue et dans les cimetières. Ces révérends pasteurs en ont fait un fond de commerce, sans aucun scrupule.

Comment peut-on oublier que cette jeunesse est notre espoir de demain ? Et comment le sera-t-elle, si on la détourne du chemin de l’école et de la citoyenneté ? Ce constat triste et malheureux risque de conduire, à terme, à une société congolaise éclatée, sans âme et sans avenir !

Monsieur,

Après douze ans à la tête de l’Etat congolais, force est de constater, avec maints autres observateurs avertis que votre bilan est peu reluisant. Cela devrait vous interpeller et aurait dû, depuis longtemps, vous pousser à changer votre fusil d’épaule. Mais, au lieu de construire le pays sur la base de valeurs démocratiques et de progrès, vous excellez dans la ruse et le mensonge.

Pour preuve, vous vous proposez d’organiser, sous l’égide du PPRD, votre parti politique, un dialogue national, feignant oublier que vous ne pouvez être à la fois le problème et la solution. Suivre un tel schéma dénoterait que les Congolais souffrent tous de cécité intellectuelle.

Que dire, par ailleurs, de diverses rébellions à l’est ou ailleurs, ainsi que les tueries organisées durant votre décennie de règne ?

En dépit de vos origines mystérieuses et de votre parcours personnel méconnu, le peuple congolais en avait fait fi, et a cru en votre personne pour le conduire sur le chemin du bonheur ! Que constate-t-on ? Vous avez envoyé ce peuple à la mort.

On espérait voir en vous l’homme de la rupture avec le passé, vous avez instauré un régime de terreur, gelant tout vrai développement et projet social, hormis la construction des routes par les Chinois, à Kinshasa et pour les contrats léonins. Tout cela sous un régime policier caractérisé par l’arbitraire.

Comparée à quelques-uns des pays africains qui n’ont pas autant de potentialités et de richesses, la R.D.C. apparaît aujourd’hui comme un nain, orpheline de leaders politiques visionnaires, ambitieux pour leur pays !

Comment ne pas s’indigner dès lors de vous compter parmi les richissimes hommes politiques africains ? Comment pourriez-vous être fier d’avoir amassé une fortune aussi colossale alors qu’il y a seize ans vous ne portiez que des bottes de jardinier?

Le temps de la justice interviendra un jour, soyez-en convaincu. La crainte, dit-on, est le commencement de la sagesse. Vous avez tout intérêt aujourd’hui à opter pour le chemin de la sagesse, en préparant votre sortie de l’arène politique congolaise.

N’oubliez pas que vous ne marquerez pas l’histoire de la R.D.C. avec un discours haineux et systématiquement manichéen qui divise les Congolais en bons et méchants citoyens, destinant les uns pour la gloire et le paradis, les autres à la vindicte de leurs concitoyens et pour la géhenne (les enfers).

Nul ne pourra gouverner la RDC sans procéder à l’exclusion de la haine. Aucun de vos conseillers n’osera vous tenir un tel discours en face, de peur de perdre son poste et surtout son « beefteak ». Quant à moi, J’ai tenu cependant à vous l’écrire par probité intellectuelle pour le bien de notre pays.

Vous êtes entré dans l’histoire d’une façon inattendue, mais d’une manière brutale, avec violence, car il y a eu du sang qui a coulé pour faire le vide du pouvoir afin de vous y placer.

Comme déjà souligné plus haut, en dépit de vos origines, et bien que le Congo ne soit pas une dynastie, le peuple congolais espérait cependant que vous seriez l’homme de la paix et de la renaissance du Congo dans tous les domaines. Hélas, le Congo est tombé en panne.

Son appareil étatique connaît une gestion calamiteuse. En effet, l’éthique et la moralité sont en décalage profond ! Les richesses sont confisquées par vous, les membres de votre famille et ceux de votre caste, qui se conduisent tous comme des maffieux n’ayant aucun respect pour la vie et la dignité de la personne humaine.

Monsieur,

Il est vraiment loin, ce temps où les Congolais pouvaient circuler librement à travers toutes les provinces, se visitant et s’installant partout sans trop craindre d’être victime de l’insécurité et du tribalisme. Vos gouvernements successifs ont fragilisé l’unité nationale.

Vous avez donc le choix, et c’est maintenant qu’il vous faut sortir soit par la grande porte, tout sera alors à votre honneur, soit par la petite porte, mais alors avec tout ce que cela suppose du sort qui vous sera réservé à l’instar de Mobutu, de Kadhafi et bien d’autres tyrans et dictateurs sanguinaires que l’Histoire de l’humanité a connus.

Avec mes sentiments patriotiques.

Bamba-di-Lelo
Dr en Sciences politiques de l’UCL
Analyste des questions politiques du Congo
© Congoindépendant

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