lundi 15 juillet 2013

RDC : Joseph Kabila condamné à l'ouverture politique

lundi, 15 juillet 2013

Fragilisé par une réélection contestée, une majorité affaiblie et la reprise de la guerre au Nord-Kivu, le président Joseph Kabila se cherche de nouveaux alliés.

Pour élargir sa majorité, Joseph Kabila vient de lancer des "concertations nationales". Avec en ligne de mire : une modification de la Constitution pour sa candidature pour la présidentielle de 2016.

Kabila hôtel Karavia.png









Opération réélection. C'est désormais un secret de polichinelle : le président congolais Joseph Kabila prépare sa prochaine candidature à la présidentielle de 2016. Le hic : la Constitution ne lui permet pas de se présenter à un troisième mandat.

Seul moyen de contourner l'obstacle : modifier la Constitution. L'opposition et les organisations des droits de l'homme sont vent debout contre toute révision de l'article 220, limitant à deux mandats les présidents congolais.

Manque de légitimité

A J - 3 ans, Joseph Kabila a encore un peu de temps pour faire passer cette modification "en douceur". Mais les difficultés sont nombreuses. Joseph Kabila devra d'abord tenter de faire oublier les élections calamiteuses de novembre 2011 dont les résultats sont entachés d'irrégularités et de soupçons de fraude massive.

Un parfum l'illégitimité plane depuis sur le président Kabila. La communauté internationale a boudé sa cérémonie d'investiture et les bailleurs font grise mine.

Pour remonter la pente, Joseph Kabila a fait le ménage au sein de la Commission électorale (CENI) en remplaçant le très contesté Daniel Ngoy Mulunda (un proche) par le plus présentable Apollinaire Malu-Malu.

L'opposition, qui ne s'estime "pas dupe", accuse le nouveau président de le CENI de préparer des élections "sur mesure" pour Joseph Kabila.

Recherche alliés désespérément

Pour faire voter une modification de la Constitution et pouvoir se représenter aux élections de 2016, Joseph Kabila devra compter sur sa majorité dans les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat).

Mais depuis sa réélection de 2011, Joseph Kabila a perdu une grande partie de sa garde rapprochée et de ses fidèles : Vital Kamerhe est passé dans l'opposition en 2010, son plus proche conseiller, Katumba Mwanke, est décédé dans un accident d'avion en 2012, John Numbi a été placé est "au vert" au Katanga après l'affaire Chebeya, Daniel Ngoy Mulunda a été éjecté de la CENI après les tripatouillages électoraux de 2011 et le Palu d'Antoine Gizenga n'est plus un allié de poids.

Reste Evariste Boshab et Aubin Minaku, mais certains les considèrent comme "non-fiables", avec des ambitions personnelles qui pourraient faire de l'ombre au président sortant.

Une chance : la guerre à l'Est

Devant ce champ de ruine, le président Kabila se trouve dans l'obligation de trouver de nouveaux partenaires. Cela tombe bien, l'opposition est plus divisée que jamais et certains hommes politiques n'hésitent pas à franchir le rubicon comme l'ex-MLC François Muamba, nommé récemment "coordonnateur du mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba" par Joseph Kabila lui-même.

Car le président congolais a de la chance. Depuis mars 2012, les rebelles (ex-CNDP) du M23 ont repris les armes au Nord-Kivu et se sont emparés de la ville de Goma pendant une dizaine de jours.

Le pays est "agressé" et Joseph Kabila se mue en victime. Il demande l'aide de la communauté internationale, bien obligée de voler au secours du président congolais.

Concertations nationales : le piège ?

C'est dans ce contexte de retour à la guerre que Joseph Kabila lance l'idée d'un "dialogue national" devant l'urgence de la situation l'Est. L'idée est de créer un semblant d'unité nationale autour de sa personne et de retrouver ainsi un soupçon de légitimité.

L'opération peut se révéler rapidement gagnante et Joseph Kabila convoque des "concertations nationales" (dont la date n'est pas encore fixée).

Grâce à ce nouveau dialogue inter-congolais, le président espère réunir autour de la table l'ensemble de l'échiquier politique congolais. Joseph Kabila pourrait ainsi trouver un consensus minimal autour de sa personne et  justifier sa candidature "d'union nationale" pour un nouveau mandat alors que le pays est "en pleine guerre".

L'opposition crie à la "supercherie", au "piège" et pense que ces concertations seront uniquement l'occasion des quelques "débauchages" dans ses rangs… pour faire mieux passer la révision de la Constitution.

L'opposition rejette pour le moment toute participation aux concertations, même si on commence à voir quelques fissures, puisque certains conditionnent désormais leur présence.

Kabila maître du temps

Pour modifier la constitution, le président Joseph Kabila a bien compris qu'il devait ouvrir sa majorité à de nouveaux alliés, et continuer à diviser l'opposition.

En activant des concertations nationales "ouvertes" à l'opposition, à la société civile et à la diaspora, le président congolais espère ainsi donner des gages de bonne volonté à la communauté internationale. Le temps joue en sa faveur.

Aucune issue rapide ne se profile dans le conflit au Nord-Kivu : les pourparlers de paix de Kampala sont au point mort et l'arrivée de la Brigade d'intervention de l'ONU, plus offensive que les actuels casques bleus de la MONUSCO, risque plus de figer la situation militaire, que de stopper la guerre.

Mais attention, pour que l'opération séduction de Joseph Kabila réussisse, il faudra un minimum de représentants de l'opposition autour de la table des concertations nationales… et pour le moment c'est plutôt mal parti. 

Christophe RIGAUD
Afrikarabia

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