mardi 6 août 2013

Nord-Kivu : la zone de sécurité de la Monusco fait polémique

Tuesday, 06 August 2013



A peine mise en place, la nouvelle zone de sécurité de l’ONU ne fait pas l’unanimité dans le Nord-Kivu. La population s’étonne que la zone ne couvre pas les régions sous contrôle des groupes armés, alors que certains accusent la Monusco de vouloir «désarmer le peuple face aux rebelles du M23».

Une journée après la fin de l’ultimatum qui prévoit l’instauration d’une zone de sécurité autour de Goma et le désarmement de «toute personne possédant une arme à feu», le bilan est contrasté. 

Si le gouvernement congolais estime que cette mesure «va dans le sens de mettre fin au calvaire que subissent les populations», les mécontents font aussi entendre leur voix… et ils sont nombreux.

LA MONUSCO «TAPE A COTE»

A Goma, la population a bruyamment manifesté sa colère contre la zone de sécurité qui «n’englobe même pas les régions sous contrôle des rebelles du M23". «Un comble» selon un Congolais contacté. 

Un convoi de la Monusco a été «caillassé» vendredi matin à Goma en signe de protestation. Car si l’idée paraît bonne sur le papier pour la plupart des habitants du Nord-Kivu, son efficacité paraît «très incertaine».

Les Congolais ont en effet l’impression que la Monusco «tape à côté». Alors qu’une vingtaine de groupes armés sévissent dans le Nord et le Sud-Kivu, la zone de sécurité se contente de «sanctuariser» Goma, sa proche banlieue et la ville de Sake, sans s’occuper des régions où sont actifs les rébellions et notamment celle du M23.

LE M23 ATTEND KAMPALA

Les rebelles du mouvement du 23 mars, dont aucune position n’est concernée par la zone de sécurité, donne dans l’ironie. René Abandi, un responsable du M23, souligne sur le site de «l’agence d’information» que «cette zone est occupée essentiellement par les soldats de l’armée régulière (FARDC) et leurs miliciens alliés des FDLR». 

Le M23 joue profil bas et déclare rester sur ses positions militaires défensives en attendant des avancées du côté des pourparlers de paix de Kampala, toujours au point mort depuis l’offensive de l’armée gouvernementale du 14 juillet dernier.

«ETENDRE LA ZONE AU-DELA DE KIBATI»

Pour la population du Nord-Kivu, ballotée depuis deux décennies par des guerres à répétition, l’ultimatum de l’ONU et sa zone de sécurité ne va pas assez loin, ni assez vite. L’organisation non-gouvernementale congolaise, Lutte pour le changement (LUCHA), exige que la Monusco étende immédiatement sa zone de sécurité «au-delà de la ligne de Kibati» (région encore tenue par le M23). 

LUCHA demande également aux casques bleus et à la Brigade de «progresser le plus rapidement possible, sans quoi l’impatience de la population risque de prendre une tournure imprévisible dont les Nations unies partageront la responsabilité».

LA MONUSCO «DESARME LE PEUPLE»

Si certains veulent que la Monusco aille plus vite, d’autres trouvent que la création d’une zone de sécurité et le désarmement qui va avec, est une vraie «duperie». Selon Jérôme Kengawe Ziambi, un criminologue, «tout citoyen congolais, habitant cette contrée, a le droit inaliénable de protéger sa vie et celle des siens» et donc d’être armé. 

En faisant la chasse aux armes à feu dans la zone de sécurité, ce Congolais craint ainsi que l’on désarme «le peuple congolais» qui se défend contre «les agressions étrangères» et le M23.

ATTENTION A «L’ESCALADE DE LA VIOLENCE»

Du côté des ONG, on reste aussi très sceptique sur l’efficacité de la zone de sécurité. Oxfam demande aux Nations unies de procéder «avec la plus grande prudence» dans l’opération de désarmement. L’ONG craint une escalade de la violence avec l’entrée en action de la Brigade et demande que les populations civiles soient protégées par l’ONU.

«Une priorité absolue» pour Oxfam. Bertrand Perrochet, chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) en RDC avait dénoncé il y a quelques semaines (avant la création de la zone de sécurité) la confusion des genres entretenue par les Nations unies entre militaires et humanitaires.

Avec un mandat «offensif», les casques bleus ne seront plus «neutres» dans le conflit et imposent ainsi aux ONG de ne plus l’être. Un changement radical dans l’histoire de l’ONU, qui inquiète ce médecin qui affirme «ne pas être un soldat en blouse blanche».

LA MONUSCO «NE FAIT PAS LA GUERRE»

Devant un tel concert d’incompréhension, la Monusco s’est voulue rassurante et pédagogique. «Nous ne faisons pas la guerre aux groupes armés, nous voulons les désarmer et ramener la paix» a martelé la Monusco. L’opération de désarmement sera «progressive» et «le périmètre de la zone de sécurité pourra être étendu».

A la question de savoir pourquoi, la Brigade ne s’attaque pas directement aux groupes armés, la Monusco a répondu en conférence de presse qu’elle ne pouvait pas «s’occuper de tous les groupes armés en même temps» et qu’elle commençait donc par sécuriser Goma. 

Au risque, selon certains analystes, de «sanctuariser» Goma, devenue une forteresse imprenable, au détriment du reste du Nord et du Sud Kivu, en prise direct avec les multiples groupes armés… et leurs exactions.

OFFENSIF ?

Dernière inconnue : le niveau d’engagement de la nouvelle Brigade d’intervention de l’ONU sur le terrain. A la question de savoir si la Monusco utilisera la force pour désarmer dans la zone de sécurité, Félix Basse, le porte-parole de la Monusco a répondu sans hésiter «oui».

Mais plus tard, il déclarera que la Brigade n’était pas «offensive» et qu’elle était seulement là «pour protéger les civils»… une mission qu’effectue avec plus ou moins de réussite la Monsuco depuis 13 ans ! Un flou qui n’a pas vraiment rassuré à Goma.
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AFRIKARABIA

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