01/10/2013
Nous publions, dans les lignes qui suivent, la conclusion de l’article du professeur Ilunga Kabongo publié en 1999. Avec un recul historique et dans un style sévère, l’auteur dépeignait les turpitudes des caïmans du régime Mobutu des années 1990.
En son temps, il était convaincu que la crise du pays est avant tout une crise d’hommes et de l’Homme, en particulier de sa «classe politique». Il faut donc inventer l’Homme nouveau.
Après plus d’une décennie, les choses n’ont pas beaucoup évolué. Ainsi, ce rappel vaut encore son pesant d’or. Afin que les concertateurs comprennent que les mêmes causes produisent les mêmes effets, qu’ils n’ont pas le droit de commettre les mêmes erreurs du passé. Sinon, ils seront jetés dans la poubelle de l’histoire.
C’est dans une culture foncièrement humaniste, dans une éthique sociale de l’intégrité et de l’honneur, respectueuse de la dignité de la vie humaine au niveau individuel et collectif, qu’il faudra, comme le suggère un jeune écrivain, « puiser la sève à même de redonner vie au grand arbre de la palabre qu’est le Temple politique ou la République » (Mumengi 1995).
Mais peut-être est-ce rêver, du moins si l’on en croit l’anecdote suivante que les Zaïrois eux-mêmes, bien avant les années 1990, racontaient à propos d’eux-mêmes. Dieu le père, fatigué après avoir créé le monde, se met à y repartir ses richesses.
Presque somnolant, sa main prodigieuse fit tomber dans le territoire actuel du Zaïre richesses après richesses ; dans le sous-sol, cuivre, or, diamant, cobalt, zinc, manganèse, pétrole, fer, uranium, etc., sur la surface du sol, fleuves, rivières et lacs poissonneux, faune et flore riches et variées....
Alors, 1’Archange Gabriel de le secouer en s’écriant : « Mais, patron, faites donc attention. Ces gens vont devenir très riches et dominer tous les autres peuples ».
Et Dieu de lui répondre avec un ricanement malicieux: « Attendez voir, mon fils, quel genre de gaillards je vais mettre là-bas! » Et Dieu créa les Zaïrois...
UNE CRISE D’HOMME
C’est dire que la crise du pays est avant tout une crise d’hommes et de l’Homme, en particulier de sa « classe politique ».
Comme le disait le président Mobutu lors de la première guerre du Shaba en faisant l’autocritique de son propre système: « Il n’y a pas de mauvaises troupes ; il n’y a que des mauvais chefs ». Sans l’apparition de l’Homme nouveau, il n’y aura ni ingénierie politique ni révolution qui puisse assécher le marécage.
La seule alternative sera entre une longue agonie d’un peuple abandonné à lui-même et une recolonisation en masse par des peuples plus forts venus de l’Occident à la recherche des solutions à la crise du chômage au sein des formations sociales du capitalisme central.
Et l’Histoire recommencera son cycle. Peut-être est-ce bien là le « karma » de ces peuples que les hasards de l’Histoire ont réunis ensemble dans un destin commun qu’ils n’ont pu assumer en devenant maîtres de leur propre champ d’historicité.
Les nouveaux venus ou revenus, les noko comme on les appelle là-bas, c’est-à-dire les « oncles » compensant les défaillances des « pères » dans une société lignagère matrilinéaire, trouveront un terrain tout préparé pour la nouvelle aventure politique ; un peuple affamé et ne jurant que par la bible judéo-chrétienne, des chefs locaux totalement disqualifiés aux yeux de leur peuple, des infrastructures de base inexistantes, des maladies endémiques généralisées, bref une société au stade ultime de la décomposition.
Si le peuple était appelé à voter entre les deux alternatives évoquées ci-haut, sans doute qu’il choisirait la seconde et avec enthousiasme.
Dans ce cas, les thuriféraires de la privatisation tous azimuts des entreprises publiques nationales naguère florissantes devraient, ce nous semble-t-il, se poser sérieusement la question de la « privatisation » de la plus grande entreprise du pays aujourd’hui moribonde, à savoir l’Etat lui-même.
Là au moins l’on serait sûr, en payant bien entendu le prix politique, économique et culturel que suppose la domination étrangère, que le marécage sera asséché peut-être au moindre coût en vies humaines. Mais quel recul historique.
____________________________
PROFESSEUR ILUNGA KABONGO
(*) In Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 33, No. 2/3, (1999), pp. 410-431
© KongoTimes
Nous publions, dans les lignes qui suivent, la conclusion de l’article du professeur Ilunga Kabongo publié en 1999. Avec un recul historique et dans un style sévère, l’auteur dépeignait les turpitudes des caïmans du régime Mobutu des années 1990.
En son temps, il était convaincu que la crise du pays est avant tout une crise d’hommes et de l’Homme, en particulier de sa «classe politique». Il faut donc inventer l’Homme nouveau.
Après plus d’une décennie, les choses n’ont pas beaucoup évolué. Ainsi, ce rappel vaut encore son pesant d’or. Afin que les concertateurs comprennent que les mêmes causes produisent les mêmes effets, qu’ils n’ont pas le droit de commettre les mêmes erreurs du passé. Sinon, ils seront jetés dans la poubelle de l’histoire.
C’est dans une culture foncièrement humaniste, dans une éthique sociale de l’intégrité et de l’honneur, respectueuse de la dignité de la vie humaine au niveau individuel et collectif, qu’il faudra, comme le suggère un jeune écrivain, « puiser la sève à même de redonner vie au grand arbre de la palabre qu’est le Temple politique ou la République » (Mumengi 1995).
Mais peut-être est-ce rêver, du moins si l’on en croit l’anecdote suivante que les Zaïrois eux-mêmes, bien avant les années 1990, racontaient à propos d’eux-mêmes. Dieu le père, fatigué après avoir créé le monde, se met à y repartir ses richesses.
Presque somnolant, sa main prodigieuse fit tomber dans le territoire actuel du Zaïre richesses après richesses ; dans le sous-sol, cuivre, or, diamant, cobalt, zinc, manganèse, pétrole, fer, uranium, etc., sur la surface du sol, fleuves, rivières et lacs poissonneux, faune et flore riches et variées....
Alors, 1’Archange Gabriel de le secouer en s’écriant : « Mais, patron, faites donc attention. Ces gens vont devenir très riches et dominer tous les autres peuples ».
Et Dieu de lui répondre avec un ricanement malicieux: « Attendez voir, mon fils, quel genre de gaillards je vais mettre là-bas! » Et Dieu créa les Zaïrois...
UNE CRISE D’HOMME
C’est dire que la crise du pays est avant tout une crise d’hommes et de l’Homme, en particulier de sa « classe politique ».
Comme le disait le président Mobutu lors de la première guerre du Shaba en faisant l’autocritique de son propre système: « Il n’y a pas de mauvaises troupes ; il n’y a que des mauvais chefs ». Sans l’apparition de l’Homme nouveau, il n’y aura ni ingénierie politique ni révolution qui puisse assécher le marécage.
La seule alternative sera entre une longue agonie d’un peuple abandonné à lui-même et une recolonisation en masse par des peuples plus forts venus de l’Occident à la recherche des solutions à la crise du chômage au sein des formations sociales du capitalisme central.
Et l’Histoire recommencera son cycle. Peut-être est-ce bien là le « karma » de ces peuples que les hasards de l’Histoire ont réunis ensemble dans un destin commun qu’ils n’ont pu assumer en devenant maîtres de leur propre champ d’historicité.
Les nouveaux venus ou revenus, les noko comme on les appelle là-bas, c’est-à-dire les « oncles » compensant les défaillances des « pères » dans une société lignagère matrilinéaire, trouveront un terrain tout préparé pour la nouvelle aventure politique ; un peuple affamé et ne jurant que par la bible judéo-chrétienne, des chefs locaux totalement disqualifiés aux yeux de leur peuple, des infrastructures de base inexistantes, des maladies endémiques généralisées, bref une société au stade ultime de la décomposition.
Si le peuple était appelé à voter entre les deux alternatives évoquées ci-haut, sans doute qu’il choisirait la seconde et avec enthousiasme.
Dans ce cas, les thuriféraires de la privatisation tous azimuts des entreprises publiques nationales naguère florissantes devraient, ce nous semble-t-il, se poser sérieusement la question de la « privatisation » de la plus grande entreprise du pays aujourd’hui moribonde, à savoir l’Etat lui-même.
Là au moins l’on serait sûr, en payant bien entendu le prix politique, économique et culturel que suppose la domination étrangère, que le marécage sera asséché peut-être au moindre coût en vies humaines. Mais quel recul historique.
____________________________
PROFESSEUR ILUNGA KABONGO
(*) In Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 33, No. 2/3, (1999), pp. 410-431
© KongoTimes
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